La Partie II présente des stratégies pour fournir des améliorations ciblées et donne des conseils précis sur comment planifier, concevoir, prioriser, mettre en œuvre et gérer ces interventions au niveau du réseau routier d’un pays.
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La gestion de la sécurité routière est le premier pilier fondamental du Plan d’action mondial de la décennie de la sécurité routière (CNUSR, 2011). Le Rapport mondial sur la Prévention des Traumatismes dus aux Accidents de la Circulation (Peden et al, 2004) et le Plan mondial soulignent que l’amélioration de la sécurité routière requiert une approche systématique et planifiée. La mise en place d’un système efficace de gestion de la sécurité routière est le moyen par lequel les pays et les organisations peuvent y parvenir.
Ce chapitre est une introduction aux éléments clés d’un système de gestion de la sécurité efficace et aux nouveaux outils. L’objectif est de donner un aperçu global du champ des missions de gestion de la sécurité routière afin de fournir des éléments d’information et de contexte pour les recommandations plus spécifiques figurant dans la suite du Manuel.
Le chapitre souligne aussi l’importance de la gestion institutionnelle pour poser les bases d’une action réussie et de résultats durables en matière de sécurité routière. Il souligne l’importance primordiale du leadership gouvernementale au niveau des pays et du leadership de la direction en matière de sécurité dans les organisations. Il présente aussi de nouveaux outils conçus pour aider les pays et les organisations à développer ou améliorer leurs systèmes de gestion de la sécurité routière. Les prochaines étapes pratiques que les pays peuvent prendre à ces fins sont rapidement décrites, avant d’être développées plus en détail dans les chapitres suivants.
Les PRFI doivent travailler activement à établir et développer leurs systèmes de gestion de la sécurité afin de s’attaquer de manière systématique aux problèmes difficiles de sécurité routière.
Chaque pays doit analyser ses performances et les comparer avec les pratiques efficaces avant de développer de nouvelles stratégies, plans et projets en matière de sécurité routière.
Chaque pays doit viser l’objectif à long terme d’un Système sûr, fixer des objectifs intermédiaires (initialement au niveau des projets, pour les PRFI), et prendre des mesures efficaces pour sa mise en œuvre, en s’appuyant par exemple sur des projets de démonstration financés, de façon à bâtir un socle de capacités. Chaque pays doit cibler les concentrations élevées de tués et de blessés graves sur les tronçons et les zones du réseau routier où les gains les plus importants peuvent être réalisés.
De nouveaux outils d’analyse, les réseaux professionnels internationaux et l’aide au développement international peuvent aider les PRFI à se lancer.
Le Groupe international de données sur les accidents de la circulation routière (IRTAD), le Programme international pour l'évaluation des routes (iRAP) et l'Organisation internationale de police routière (RoadPOL) peuvent fournir une assistance technique pour le développement de bases de données sur les accidents, l'amélioration de la sécurité des infrastructures et des programmes généraux de contrôle de la sécurité routière axés sur la dissuasion
Cette section présente un résumé du cadre des systèmes de gestion de la sécurité routière et des outils associés à destination des pays et des organisations. L’utilisateur de ce Manuel est invité à consulter les sources originales et les liens, fournis ci-après, vers des informations détaillées sur les cadres de gestion de la sécurité routière, les outils et leur utilisation.
Les pays disposant des réseaux routiers les plus sûrs présentent de nombreuses caractéristiques communes dans leur gestion de la sécurité routière. Ils ont ciblé de meilleurs résultats en matière de sécurité, adopté une approche systématique d’intervention et mis en place un éventail de moyens institutionnels qui ont été renforcés durant de nombreuses années (OCDE, 2008 ; FMSR, 2009, 2013). La connaissance des pratiques couronnées de succès a été intégrée dans les outils de gestion destinés aux pays et juridictions (FMSR, 2009, mis à jour en 2013) et aux organisations (ISO 39001 – voir ISO 2012). Ces outils sont conçus pour aider les décideurs et praticiens du monde entier à élaborer des systèmes de gestion durables. Ils décrivent les étapes pragmatiques à suivre pour développer une capacité initiale à obtenir des résultats en matière de sécurité routière. Ces outils sont conçus de manière à se renforcer mutuellement. Ils fournissent des conseils pour une gestion institutionnelle responsable et axée sur les résultats, encouragent l’adoption de l’objectif, de l’approche et des objectifs intermédiaires du Système sûr, et encouragent la mise en œuvre d’interventions dont l’efficacité a été démontrée pour traiter les facteurs de risques associés aux décès et blessure graves dans les accidents de la route (DaCoTa, 2012a).
Cette partie se concentre principalement sur le système de gestion de la sécurité routière au niveau d’un pays ou d’une juridiction. Un aperçu de la norme internationale pour les organisations est donné dans Fonctions de gestion institutionnelle dans le cadre et les outils du système de management.
Un cadre d’évaluation de la gestion de la sécurité routière a été élaboré en se basant sur des pratiques efficientes et identifie les éléments de gestion indispensables pour améliorer les performances des pays et juridictions en matière de sécurité routière (FMSR, 2009-2013). La sécurité est produite comme d’autres biens et services et le processus de production figurant dans le graphique 3.1 se conçoit comme un système de gestion à trois niveaux : les fonctions de gestion institutionnelle produisent des interventions, qui à leur tour produisent les résultats souhaités.
Graphique 3.1 : Le système de gestion de la sécurité routière
Source: FMSR, 2009: Building on the frameworks of Land Transport Safety Authority, 2000; Wegman, 2001; Koornstra et al., 2002; Bliss 2004.
Les sections suivantes fournissent une brève description des trois éléments du système de gestion présentés par le Graphique 3.1.
Le fondement d’un système efficace de gestion de la sécurité routière d’un pays est la gestion institutionnelle, telle qu’elle apparaît à la base de la pyramide présentée ci-dessus. Les éléments clés d’une gestion institutionnelle efficace ont été identifiés et définis à travers une étude mondiale des systèmes de gestion et des dispositifs de direction dans les pays et juridictions ayant réussi à réduire sensiblement le nombre de décès et de blessures graves (OCDE, 2008 ; FMSR, 2009. 2013 ; FMSR 2006-2009). Ceux-ci sont décrits dans l’Encadré 3.1.
La fonction de gestion institutionnelle est axée sur les résultats. Elle exprime une orientation stratégique, qui relie les différentes interventions actuelles ou potentielles et leurs résultats, analyse ce qui peut être réalisé au fil du temps et établit un cadre de suivi des performances pour la réalisation des interventions et leurs résultats intermédiaires et finaux. Elle définit le niveau de sécurité qu’un pays souhaite atteindre, au travers d’une vision, d’objectifs et de cibles associées.
source: FMSR, (2009).
Le rôle principal et la vocation du système de gestion sont les résultats. Cela exprime la volonté d’un pays ou d’une administration d’obtenir de meilleurs résultats en matière de sécurité routière, à travers :
L’exécution de cette fonction est examinée plus en détail au Chapitre 6. En appui à cette fonction clé, sont définis des modalités et des moyens en matière de coordination, de législation, de financement et d’affectation des ressources, de promotion, de suivi et d’évaluation, de recherche et de développement, et de transfert des connaissances. En l’absence d’une concentration claire et responsable sur les résultats, toutes les autres fonctions et interventions de gestion institutionnelle manquent de cohésion et d’orientation, et l’efficacité des initiatives de sécurité peut être compromise (FMSR, 2009-2013). Pour ces raisons, et comme indiqué au Chapitre 6, les PRFI doivent faire preuve de prudence avant de mettre en place des stratégies et plans ciblés complexes, et ce en attendant que les données et les capacités appropriées de gestion soient disponibles. Cependant, il est recommandé d’évaluer les problèmes et de cibler des résultats précis dans le cadre des projets de démonstration, faisant l’objet d’un financement et fondés sur le principe d’apprentissage par la pratique.
Les fonctions de gestion institutionnelle sont exercées en premier lieu par les organismes gouvernementaux chargées des responsabilités principales de sécurité routière : transport, aménagement du territoire, justice, police, santé, santé et sécurité au travail et éducation. Elles sont aussi assurées par le biais de partenariats gouvernementaux avec la société civile et les entreprises, en accord avec les cibles et les objectifs du pays et des organisations. Les professionnels et le milieu de la recherche fournissent un soutien clé pour les prochaines étapes, qui pourront s’avérer efficaces (Peden et al, 2004). Comme souligné précédemment, le leadership gouvernemental et la mise en place d’une institution gouvernementale chef de file sont des conditions indispensables au succès des activités en matière de sécurité routière (Peden et al, 2004 ; OCDE, 2008 ; FMSR, 2009, 2013).
Tout au long du Manuel, il est fait référence aux fonctions de gestion institutionnelle et à des exemples de leur mise en en œuvre. L’Annexe 2 et l’Annexe 4 des guides de gestion de la sécurité routière établis et utilisés par la Banque mondiale contiennent une série d’études de cas approfondies illustrant une mise en œuvre nationale réussie (FMSR, 2009). Le Chapitre 6 ainsi que les Annexes 3 et 4 du guide pour la gestion de la sécurité routière mondiale (FMSR, 2013) offrent des indications pour mettre en place ou renforcer les dispositifs des agences chef de file.
Le deuxième élément du système de gestion de la sécurité routière, décrit à la figure 1, est l’intervention à tous les niveaux du système. Une intervention efficace se concentre sur la mise en œuvre d’approches éprouvées pour réduire l’exposition au risque de décès ou de blessure grave, pour prévenir les décès et les blessures graves, pour atténuer la gravité des blessures lorsqu’un accident survient, et pour réduire les conséquences des blessures. Les interventions doivent porter sur la sécurité de tous les usagers et prendre en compte les données démographiques futures, en particulier celles liées à la vulnérabilité physique d’une société vieillissante. Typiquement, les interventions portent sur:
Dans tous ces domaines, des normes, règles, guides et autres protocoles sont établis, ainsi que les moyens d’assurer leur application.
Une erreur d’interprétation courante dans les pays qui s’engagent dans la sécurité routière est de considérer que, comme 90% des accidents sont liés à une erreur humaine, les approches directes basées fortement sur l’éducation et la formation jouent un rôle important pour prévenir les décès et les blessures graves. Bien que ces mesures soient effectivement utiles en appui, peu d’éléments permettent d’affirmer que l’éducation et la formation peuvent, à elles seules, améliorer les résultats de la sécurité routière. La gestion de la vitesse, la sécurisation des véhicules et des routes et l’amélioration du système médical d’urgence jouent un rôle majeur (Peden et al, 2004). , En même temps, l’objectif d’un « Système sûr » requiert un examen des facteurs contribuant à la sécurité routière et d’autres interventions centrées sur la prévention des décès et des blessures graves plutôt que celle des accidents. Là encore, la recherche des facteurs contribuant aux décès et aux blessures graves indique que les interventions visant à améliorer la gestion de la vitesse, la sécurité intrinsèque des véhicules et l’environnement routier ont toutes un rôle majeur dans cette nouvelle approche (Stigson et al, 2011).
Les pays les plus performants mettent en œuvre des ensembles intégrés d’interventions en matière de sécurité routière, ayant déjà démontré des résultats significatifs, ainsi que des innovations fondées sur des principes de sécurité bien établis. Pour produire des résultats rapidement, les programmes de sécurité routière doivent d’abord cibler les concentrations élevées de tués et de blessés graves, où les plus grands gains peuvent être réalisés. Les conclusions du Rapport mondial sur la prévention des Traumatismes dus aux Accidents de Circulation fournissent un cadre d’action consensuel au niveau national, régional et mondial, et ont depuis été approuvées par des Résolutions successives de l’Assemblée générale des Nations-Unies (Peden et al, 2004). Les rapports de l’OCDE (par exemple, OCDE 2008), fournissent aussi des évaluations internationales de l’efficacité des interventions. L’étude SUNflower (Koonstra et al, 2002), l’Observatoire européen de la Sécurité routière (2014), et les recommandations produites par la CNUSR (2006-2013) fournissent également des informations. Les principales stratégies d’interventions recommandées comprennent :
Le présent manuel n’a pas pour objet de fournir des recommandations détaillées sur les interventions en matière sécurité routière dans leur globalité, mais s’intéresse spécifiquement à la planification, la conception, l’exploitation et l’utilisation du réseau routier. Le Chapitre 11 apporte des éléments sur la sélection et la priorisation des interventions dans ce domaine. Des références croisées y sont également faites concernant les travaux marquants de l’AIPCR, dont ses récents travaux et recommandations sur la hiérarchisation des routes, qui fournissent un cadre de base pour la gestion de la sécurité du réseau routier.
Résultats et produits
Le dernier élément du système de gestion de la sécurité routière illustré par le Graphique 3.1 concerne l’évaluation des résultats et leur expression comme objectifs en termes de résultats finaux, résultats intermédiaires, et produits (Bliss, 2004). Les objectifs définissent les résultats souhaités en matière de sécurité routière tels qu’approuvés par le gouvernement à tous les niveaux, les intervenants et la collectivité. Le niveau de sécurité est en dernier lieu déterminé par la qualité des interventions mises en œuvre, qui sont elles-mêmes déterminées par la qualité d’exécution des fonctions de gestion institutionnelle dans le pays.
Les résultats finaux peuvent être exprimés en tant qu’objectif à long terme pour la sécurité du système de transport routier (par exemple, comme dans le Système sûr, la Vision Zéro), avec des objectifs intermédiaires à court et à moyen terme pour y parvenir, exprimés en termes de coûts sociétaux, de tués et de blessés graves généralement présentés en valeurs absolues. Ils peuvent aussi être mesurés et ciblés en termes de taux par individu, véhicule, et quantité de trafic. Voir IRTAD (2014) pour plus de détails.
Les résultats intermédiaires sont liés à l’amélioration des résultats finaux, et la mesure de ces résultats porte typiquement sur :
Les produits représentent les réalisations concrètes qui sous-tendent les améliorations dans les résultats intermédiaires et finaux. Il s’agit par exemple de la longueur d’aménagements de sécurité réalisés, du nombre d’opérations policières pour réduire les vitesses moyennes de circulation, augmenter le port de la ceinture de sécurité ou réduire la conduite en état d’alcoolémie. Ils peuvent aussi correspondre à des jalons indiquant qu’une tâche précise a été accomplie (Bliss, 2004).
De plus en plus, les pays actifs dans le domaine de la sécurité routière se fixent des objectifs mesurables en termes de résultats finaux et intermédiaire. Dans certains cas, ils peuvent aussi établir d’autres objectifs de résultats mesurables en rapport avec les résultats visés. Comme indiqué précédemment, dans des PRFIs où la capacité à mettre en œuvre des plans nationaux est inexistante ou encore naissante, il est recommandé d’adopter l’objectif à long terme d’un Système sûr, tout en limitant la définition d’objectifs quantitatifs à des projets de démonstration financés. Le Chapitre 5 fournit des recommandations pour les systèmes de données routières, qui permettent l’établissement et le suivi des objectifs. Des études de cas concernant la détermination de ces objectifs dans différents contextes sont présentées au Chapitre 6.
Les trois éléments du système de gestion de la sécurité routière – fonctions de gestion institutionnelle, interventions et résultats – doivent être comparés avec les pratiques probantes identifiées, à mesure que les pays développent de nouveaux projets, de nouveaux programmes et de nouvelles stratégies, et ce indépendamment de leur stade de développement (OCDE, 2008). Les paragraphes suivants sur l' Outil système de gestion national décrit les étapes recommandées et les outils disponibles pour évaluer les forces et faiblesses dans la gestion de la sécurité routière des pays et pour mettre en œuvre des initiatives utiles au renforcement de leurs capacités.
Des recommandations ont été publiées par la Banque mondiale pour aider les pays souhaitant améliorer leurs résultats en termes de sécurité routière (FMSR, 2009, 2013). Celles-ci confirment que le développement d’une capacité efficace exige un investissement à long terme et ne peut se faire pas du jour au lendemain. Celles-ci abordent la question centrale de la méthode pour parvenir à renforcer la gestion institutionnelle. Le guide propose deux étapes pratiques pour renforcer la gestion de la sécurité routière d’un pays. La première comprend un état des lieux des capacités en gestion de la sécurité routière permettant d’identifier les forces et faiblesses des approches actuelles.
La première étape recommandée pour les pays consiste à procéder au diagnostic des capacités en matière de gestion de la sécurité routière. Ce type d’examen a fait l’objet d’une évaluation indépendante et est considéré comme une bonne pratique rentable, qui est largement appliquée dans les PRFIs. Il a aussi été utilisé en Suède et en Australie Occidentale où il a contribué à renforcer favorablement certains aspects de l’action institutionnelle (FMSR, 2012).
Les objectifs de l’examen des capacités sont de :
L’examen des capacités en matière de gestion de la sécurité routière requiert l’engagement de l’encadrement des principaux organismes gouvernementaux et du secteur privé, susceptibles d’agir sur les résultats nationaux. L’examen doit être conduit par des spécialistes externes en sécurité routière, expérimentés et reconnus au niveau international, possédant une solide expérience en management aux niveaux national et international.
Les étapes de l’examen des capacités : L’examen des capacités d’un pays se déroule en neuf étapes :
Douze listes de contrôle sont utilisées pour aider à évaluer et à comparer tous les éléments du système de gestion et leurs relations, au regard de pratiques reconnues comme efficaces (FMSR, 2009, 2013).
Stratégie d’investissement à long terme : sur la base de l’examen, une stratégie d’investissement à long terme est élaborée, afin d’accroitre la capacité tout au long des phases de mise en place, de développement et de consolidation de la stratégie d’investissement. Ces phases sont décrites plus précisément au Chapitre 6.
Pour beaucoup de PRFIs, la première étape de mise en place consistera à réaliser des projets de sécurité, plutôt que de s’engager directement dans des plans nationaux de sécurité, plus ambitieux, qui sont prévus dans la phase de développement. Les examens de la capacité en matière de gestion de la sécurité routière montrent que les PRFIs qui élaborent des plans nationaux sans la capacité de financement correspondante pour les exécuter ne réussissent pas en général (FMSR, 2006-2013). L’objectif pratique est de fournir des éléments clés de développement des capacités via des projets de réalisations financés, tels ceux présentés à la fin de ce chapitre dans La voie à suivre pour améliorer la gestion de la sécurité routière, lors de la phase de mise en place de la stratégie d’investissement.
Le projet consiste à renforcer la capacité institutionnelle de base pour mesurer et cibler les résultats en matière de sécurité dans des corridors et zones fortement circulés et à haut risque, en prêtant une attention particulière aux agences chef de file et aux moyens de coordination, de suivi et d’évaluation qui leur sont associés. Ceci fournit une base pour augmenter l’investissement en vue d’accélérer ce renforcement des capacités, et pour obtenir de meilleurs résultats sur l’ensemble du réseau routier dans le cadre d’un plan national lors de la phase de développement.
La deuxième étape de la politique nationale est la préparation et la mise en œuvre soignées de projets de sécurité routière relevant du Système sûr pour accomplir la phase de mise en place de la stratégie d’investissement (FMSR, 2009, 2013). Comme mentionné précédemment, les projets de démonstration soigneusement préparés et financés, dans des corridors de circulation, fournissent une excellente base pour les pays qui se lancent dans la sécurité routière ou ceux qui s’engagent dans des approches plus ambitieuses, afin de renforcer leurs capacités initiales.
L’investissement actuel de la Banque mondiale dans le renforcement des capacités en matière de sécurité routière se concentre sur des programmes d’investissement systématiques, mesurables et vérifiables, permettant à la fois de faire avancer le transfert de connaissances en matière de sécurité routière, de renforcer la capacité des partenaires gouvernementaux et des intervenants impliqués, et de produire rapidement des résultats dans des corridors et zones à haut risque ciblés. L’objectif est de fournir des repères, des dimensions et des capacités pour la prochaine étape de l’investissement (FMSR, 2013). Des composantes de projets recommandées sont rapidement présentées dans la partie « Démarrer» à la fin de ce chapitre, et des exemples sont proposés au Chapitre 6. Des recommandations complémentaires ont été publiées pour une approche simplifiée de l’examen des capacités et de l’élaboration de projets, et pour l’intégration systématique de la sécurité routière dans des corridors routiers régionaux de commerce (FMSR, 2013 ; Breen et al, 2013).
Bien que le processus en deux étapes décrit auparavant ait été établi pour guider les priorités d’investissements dans les PRFIs, les outils mentionnés ont aussi été utilisés dans les PREs ayant évolué vers une approche du Système sûr (Breen et al, 2008 ; Howard et al, 2010). Le Chapitre 6 fournit des exemples de projets de démonstration pour le renforcement des capacités, qui peuvent aider à développer le leadership et la coordination, à mettre en œuvre une action multisectorielle, et à obtenir des résultats rapides dans des corridors et zones ciblés, fortement circulés et à haut risque.
Cette partie a brièvement présenté les outils de développement des capacités. Les principes les plus importants qui sous-tendent ces recommandations peuvent être résumés ainsi :
Des exemples pratiques d’utilisation de ces outils dans le monde sont présentés tout au long du Manuel. Les lecteurs sont priés de se reporter aux recommandations originales fournies au lecteur pour plus de détails (FMSR, 2009, 2013).
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Les accidents de la route sont l’une des principales causes de décès et de blessures à long terme sur le lieu de travail et lors de déplacements professionnels. Par exemple, des enquêtes dans plusieurs pays de l’UE indiquent que 40 à 60% des accidents du travail entraînant la mort sont des accidents de la route. Des études effectuées dans le monde entier indiquent que le coût des accidents du travail sont considérables, tant pour la société que pour les employeurs (DaCoTa, 2012b). Dans ce contexte, l’Organisation internationale de Normalisation (ISO) a produit la norme ISO 39001 : Systèmes de Gestion de la Sécurité Routière - Exigences et recommandations de bonne pratique.
Cette norme a été conçue pour aider les organisations à intégrer la sécurité routière en tant qu’objectif central dans leurs systèmes de gestion, et à la mettre en accord avec les stratégies et les objectifs nationaux de sécurité routière. La norme vise aussi bien les petites que les grandes organisations des secteurs public et privé. Parmi les exemples spécifiques donnés, on peut citer les organisations impliquées dans le transport de marchandises et de personnes, celles générant d’importants volumes de trafic (écoles, supermarchés) et celles qui sont chargées de la voirie.
La norme ISO 39001 établit un lien avec d’autres normes ISO relatives aux systèmes de gestion et définit des responsabilités à haut niveau, spécifiques et de large portée, ainsi que des fonctions clés de gestion. Elle requiert que les organisations adoptent les objectifs du Système sûr et décident d’objectifs et de cibles intérimaires, ainsi que de plans permettant de les atteindre. Les organisations doivent :
L’organisation doit sélectionner les facteurs de performance en matière de sécurité routière, sur lesquelles elle doit travailler, puis analyser ce qu’elle peut réaliser au fil du temps. Pour définir ses objectifs, l’organisation doit tenir compte de la capacité de gestion requise pour les atteindre, ainsi que du suivi des résultats, et de la révision de son système de gestion de la sécurité routière en vue de son amélioration continue (ISO, 2012).
Des organisations et entreprises de transport de marchandises et voyageurs en Suède et au Japon ont été parmi les premiers à adopter la norme ISO 39001. Elles déclarent se fixer l’objectif d’un « Système sûr », font état d‘améliorations de leurs résultats en matière de sécurité routière, et d’un intérêt accru pour un « Système sûr » à la suite de cette adoption. S’il est mis en œuvre dans le cadre d’une politique nationale appropriée l’outil offre un fort potentiel pour engager les employeurs d’organisations de toutes tailles dans une activité efficace de sécurité routière. Dans le cas des PRFIs, l’adoption de la norme ISO 39001, par les grandes entreprises dans un premier temps, pourrait aider les gouvernements à relever leurs défis de sécurité routière.
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Ce chapitre présente l’approche du Système Sûr depuis les principes initiaux jusqu’à l’atteinte des résultats de sécurité routière, avec des références croisées aux activités de conception et de planification détaillées lesquelles contribuent à l’approche du Système Sûr, et sont présentées dans des chapitres suivants de ce Manuel.
L’approche du Système Sûr part du principe que la mort et les blessures sont non seulement inacceptables, mais aussi évitables. Elle cherche à assurer qu’aucun usager de la route ne soit soumis, lors d’un accident, à un échange d’énergies cinétiques ayant pour conséquence le décès ou des blessures graves causant une incapacité à long terme. L’OCDE (2008) approuve l’approche de Système Sûr et note que ses principes représentent un changement fondamental de vision en matière de sécurité routière, en reformulant la manière de la considérer et de la gérer.
Le Système Sûr représente un changement majeur par rapport aux approches antérieures. Il renverse la vue fataliste selon laquelle les blessures sur la route sont le prix à payer pour assurer la mobilité. Il établit l’objectif d’éliminer à long terme les décès et les blessures graves par accident de la circulation, et prévoit l’établissement au fil des ans de cibles intermédiaires tendant vers cet objectif.
Parvenir à cette élimination est faisable, mais requiert la reconfiguration du système, et la compréhension du fait que le réseau doit en fin de compte « pardonner » les erreurs humaines routinières (des usagers). Il est important de reconnaître le changement fondamental auquel les agences de sécurité routière, y compris les autorités routières, feront face dans l’adoption et la mise en œuvre de cette aspiration du Système Sûr, et dans la mise en œuvre des traitements de Système Sûr sur leurs réseaux (voir le Chapitre 7 pour les impacts des autorités routières).
Les principes scientifiques généraux de sécurité pour l’établissement d’un Système sûr reconnaissent que :
L’Agence néo-zélandaise des Transports (NZTA) a produit une vidéo qui décrit l’approche de Système Sûr et le rôle de ses différents éléments, et constitue une introduction très utile sur le sujet (voir la vidéo).
Pour développer une compréhension des principes du Système Sûr et de ses éléments et pour adopter l’objectif à long terme d’éliminer les décès et les blessures graves sur la route, l’engagement des agences à examiner leurs compétences en sécurité routière est nécessaire. Les principes clés du Système Sûr (voir Chapitre 4.6) comprennent :
Les pays doivent développer leurs connaissances, afin d’apprécier les écarts entre les agences (et les autres parties prenantes) concernant la définition du Système Sûr et les changements pratiques qui seront nécessaires dans les approches d’intervention et de gestion. Avec le temps, tous les éléments du Système Sûr (voir Chapitre 4.7), de même que la sécurité de tous les usagers de la route, devront être abordés. Les besoins de financement doivent être identifiés et défendus auprès du gouvernement.
La compréhension des principaux types d’accidents (voir Chapitre 4.4) s’obtient à partir des données sur les accidents ou, en leur absence, à partir de dialogues avec la police et les services médicaux d’urgence. Un système fiable de données sur les accidents devrait être développé le plus tôt possible (voir Chapitre 5).
Les programmes d’évaluation des routes peuvent jouer un rôle en identifiant les tronçons à haut risque du réseau, ainsi que les traitements abordables, en particulier en l’absence de données fiables sur les blessures par accident de la route. Les faiblesses de certains éléments du Système Sûr, telles que la gestion de la circulation et des routes (y compris la gestion des accotements et le contrôle de l’accès aux développements attenants, voir Paragraphe 7.3), les véhicules, les vitesses et les comportements des usagers, qui contribuent aux décès et aux blessures graves dans les différents types d’accidents, devraient être déterminées.
A court terme : pour les nouveaux projets routiers, il sera nécessaire de créer des politiques de conception selon le Système Sûr en appliquant les principes de celui-ci aux traitements destinés à réduire les accidents mortels. Des directives devraient suivre, mais elles constituent une importante tâche de développement, qui requiert une approche incrémentale à moyen terme.
Il sera également nécessaire de chercher à améliorer le comportement et le respect des règles (voir Chapitre 4.6.5) sur tout le réseau existant, au moyen de directives améliorées de gestion de la circulation, de limitation de vitesse dans les zones à haut risque, de contrôles de police renforcés, de sanction des infractions, et d’éducation du public. Voir le Chapitre 6 pour l’approche recommandée par projets de démonstration.
A moyen et long terme : un rajeunissement progressif du réseau existant devra être exécuté. Il sera nécessaire de réaliser ce qui est faisable pour améliorer la sécurité de l’infrastructure ainsi que le comportement et le respect des règles, à travers de révisions du système de permis de conduire et des changements législatifs concernant les infractions. Il faudra aussi continuer les campagnes d’éducation du public et rechercher l’amélioration de la réglementation et de la conscience du public sur la sécurité des véhicules.
L’approche de Système Sûr est une philosophie holistique de la sécurité, qui a été développée et acceptée au niveau international en tant que fondement pour une conception et une exploitation sûres du système de transport routier. Tingvall (2005) a souligné les déficiences des approches traditionnelles pour parvenir à un réseau routier sûr, et il a de plus noté, qu’au niveau international, le système de transport s’est traditionnellement caractérisé comme suit :
Ces derniers points attirent l’attention sur le fait que la plupart des gouvernements n’acceptent pas leur responsabilité dans le domaine de la sécurité routière. Les plus sûrs (OCDE 2008) seront ceux qui adoptent le changement vers le Système Sûr et commencent immédiatement à travailler sur les interventions nécessaires pour combler l’écart entre les résultats actuels et ceux associés à un système de circulation routière réellement sûr.
Ceci implique de comprendre non seulement les faiblesses en sécurité du réseau actuel, mais également les changements possibles à court terme pour atteindre des résultats conformes au Système sûr. Une direction engagée au sein des organismes gouvernementaux de sécurité routière (y compris les autorités routières), comme souligné au chapitre Système de gestion de la sécurité, est essentiel pour arriver à des progrès significatifs dans la réalisation de ces objectifs substantiellement différents.
Le Système Sur est celui qui existera lorsque les usagers de la route ne seront plus exposés au risque de décès ou de blessures graves sur le réseau.
L’approche de Système Sûr focalise sur l’élimination des accidents ayant pour conséquence la mort ou des blessures graves, c’est-à-dire les accidents représentant une menace majeure pour la santé humaine. Il s’inspire de la vision et des objectifs de sécurité routière des approches « Vision Zéro » de la Suède et « Sécurité Durable » des Pays-Bas. Le Chapitre 4.6 fournit des informations sur d’autres éléments clés des approches suédoise et néerlandaise.
L’approche suédoise baptisée Vison Zéro affirme que la vie et la santé humaines sont essentielles (Tingvall, 2005), et qu’aucun compromis à long terme n’est permis, ce qui se reflète dans l’impératif éthique qu’ « il ne peut en aucun cas être acceptable que des personnes soient tuées ou gravement blessées lors de leurs déplacements sur le réseau routier ».
Tingvall (2005) note que traditionnellement, la mobilité a été considérée comme une fonction du système de transport routier, en faveur de laquelle la sécurité passe au second plan. L’approche Vision Zéro, au contraire, inverse ce concept et établit la mobilité comme étant une fonction de la sécurité (voir Chapitres 1.5.1 et 1.5.4). En d’autres termes, il ne devrait pas être généré plus de mobilité que celle qui est intrinsèquement sûre pour le système.
Cette dimension éthique est reflétée dans les principes reconnus pour la sécurité au travail, où l’efficacité du processus de travail ne peut pas faire l’objet d’un compromis au prix de risques pour la santé.
La Norvège (NPRA, 2006), lors de son adoption de l’objectif de l’approche Vision Zéro, a souligné l’aspect éthique qui étaye cette dernière, à savoir que « Chaque être humain est unique et irremplaçable, et nous ne pouvons pas accepter que chaque année, de 200 à 300 personnes perdent leur vie sur la route ».
L’objectif de l’approche néerlandaise Sécurité Durable (Wegman & Aarts, 2006) est de faire en sorte que les accidents de la route ne se produisent pas, et là où ceci n’est pas faisable, de réduire l’incidence des blessures graves autant que possible.
L’OCDE (2008) souligne que l’approche Vision Zéro se fonde sur le principe éthique d’éliminer les morts et les blessures graves du système de transport, tandis que l’approche Sécurité Durable prend l’élimination des accidents évitables comme point de départ, et attache une plus grande importance au rapport coût-efficacité pour déterminer les interventions.
Il est clair que cette position éthique, selon laquelle la principale responsabilité des autorités routières est d’aider les usagers de la route à accomplir chacun de leurs déplacements en toute sécurité, est de plus en plus adoptée. La littérature citée ci-dessous soutient le besoin de mesures pour parvenir à un système « qui pardonne» afin de sauver des vies :
L’objectif éthique du Système Sûr d’éliminer les morts et les blessures graves ne sera pas atteint du jour au lendemain, il requiert :
Il requiert aussi un fort engagement pour atteindre les objectifs par étapes, qui donne la prépondérance à l’objectif à long terme (OCDE, 2008; FMSR, 2009; 2012; Breen, 2012).
L’AIPCR (2012), dans son Rapport sur les Plans et Politiques de Sécurité Routière Nationale, note que l’engagement du gouvernement sur un objectif à long terme de zéro décès, avec des objectifs intermédiaires exigeants pour paver la voie vers le succès, constitue la meilleure pratique. L’adoption d’une approche à long terme de Système Sûr est identifiée comme étant de bonne pratique de gestion en vue d’obtenir des résultats, et est soutenue par d’autres parties prenantes internationales majeures en matière de sécurité routière, ainsi que décrit au Chapitre 2. Un nombre croissant de pays a adopté l’objectif « Vers Zéro » ou d’élimination des morts et des blessures graves (ce qui est l’aspiration qui sous-tend l’approche de Système Sûr). Cet engagement à long terme et au plus haut niveau du gouvernement d’éliminer les morts et les blessures graves sur la route influencera et soutiendra la gestion et les politiques de sécurité routière d’un pays. Il sera clairement reflété dans les propositions décrites dans une stratégie et un plan d’action afin d’atteindre d’ambitieux objectifs intermédiaires.
L’approche du Système Sûr offre une manière différente d’examiner les causes et les types d’accidents qui contribuent aux décès et aux blessures graves.
La compréhension traditionnelle des causes d’accidents appuyait la perception que l’erreur du conducteur ou d’un autre usager de la route était la cause de la plupart des accidents, et était donc le principal problème à considérer. Cependant, bien que l’erreur de l’usager soit un facteur contributif dans de nombreux accidents, plusieurs conclusions de travaux de recherche en la matière défient cette vision traditionnelle et la notion associée que le comportement humain peut facilement être modifié (voir aussi l’examen de cette question au chapitre 8).
Kimber (2003) suggère que les évaluations post-accident antérieures, effectuées par les chercheurs sur les facteurs contribuant à l’accident, ont eu pour résultat d’exagérer l’attention portée au comportement du conducteur lors de la collecte des données. Les interventions ayant le plus grand effet potentiel ont été facilement oubliées. Le comportement du conducteur était une vaste catégorie, facile à cibler par défaut, là où les preuves étaient incomplètes ou l’explication absente. Du fait de cette prédominance perçue de la défaillance du conducteur, la priorité principale a été, durant de nombreuses années, de se concentrer sur les mesures destinées à modifier le comportement du conducteur (plutôt que de se concentrer sur la réingénierie de certaines parties de la route, du véhicule ou du système de contrôle) afin d’éliminer ses défaillances.
Cet état d’esprit est en train de changer, mais l’attention mal dirigée vers l’importance de l’erreur du conducteur reste trop prédominante dans les réflexions à ce sujet, dans le monde.
L’erreur humaine est à prévoir. Il est inutile de considérer qu’elle puisse de quelque manière être éliminée, et ses conséquences évitées. Là où les caractéristiques de la route et du véhicule s’y prêtent, des erreurs routinières du conducteur se traduiront en collision, résultant parfois en décès ou blessures graves. Un moyen beaucoup plus utile d’identifier les actions destinées à réduire les accidents graves est de se concentrer sur le niveau de sécurité de l’infrastructure et des véhicules qui interagissent avec l’erreur routinière du conducteur.
Elvik et Vaa (2004) indiquent que même si tous les usagers de la route respectaient toutes les règles de circulation, le nombre des décès ne baisserait que d’environ 60%, et celui des blessures de 40%. Spécifiquement, Elvik et Vaa signalent qu’environ 37% des décès et 63% des blessures graves n’impliquent pas un non-respect des règles de circulation. Ceci montre que l’erreur humaine routinière, plutôt qu’une infraction délibérée ou non aux règles de circulation, est une caractéristique de l’être humain et de l’utilisation de la route.
Bien que le respect des règles par les usagers de la route reste crucialement important, cette seule approche ne fournira pas les gains désirés en matière de sécurité routière, dans aucun pays.
Par ailleurs, les praticiens de la sécurité routière dans les PRFIs reconnaissent que le niveau de respect des règles de circulation, ainsi que celui de l’application des lois, est souvent plus faible dans ces pays que dans beaucoup de PREs. Cette situation pourrait être un facteur affectant les taux de décès et de blessures graves dans les PRFIs, ce qui est une différence importante par rapport à l’expérience des PREs en matière d’accidents graves.
Si à moyen terme, un important gain peut provenir du changement de ce comportement inadéquat dans les PRFIs, l’accent mis sur les améliorations à moyen et plus long terme de la sécurité de l’infrastructure et des véhicules, telle que celle actuellement appliquée dans les PREs, sera essentiel pour parvenir à un système « qui pardonne» (un Système Sûr) les accidents dus à l’erreur humaine sous-jacente (et non au non-respect des règles). Les conclusions de la recherche dans les PREs sur le rôle de routes et de véhicules plus sûrs sont donc très pertinentes pour les PRFIs.
Stigson (2011) a approfondi l’analyse des différentes faiblesses des composantes traditionnelles du réseau routier et a montré qu’elles pouvaient jouer un rôle plus ou moins important dans le résultat des accidents. L’analyse confirme l’impact potentiel plus important de l’infrastructure routière sur l’occurrence d’accidents mortels pour les occupants d’un véhicule par rapport à d’autres facteurs dans les PREs.
Il serait utile d’analyser les faiblesses du système pour les motocyclistes, les cyclistes et les piétons, dans les PREs et aussi les PRFIs. L’amélioration de la sécurité des véhicules (à mesure que les usagers changent leurs motocyclettes pour des voitures dans les prochaines décennies) et un meilleur comportement des usagers offriront de grandes opportunités pour réduire les accidents dans la plupart des PRFIs. Toutefois, la contribution potentielle d’une infrastructure plus sûre à la réduction des décès devrait être renforcée par l’action de toutes les autorités routières.
Le changement vers une attention portée à la réduction des blessures graves ou mortelles causées par des accidents grâce à l’approche de Système sûr (au lieu de l’attention à la réduction du nombre de victimes d’accident) a eu un impact profond sur la compréhension des principaux types d’accidents.
Se concentrer sur les victimes plutôt que sur le nombre d’accidents a eu un impact subtil mais important sur l’analyse des accidents et les stratégies pour aborder le risque. Différents types d’accidents auront des conséquences différentes, dont un nombre plus ou moins élevé de blessures par accident. Une analyse néo-zélandaise sur les accidents et les victimes illustre ce point. Le tableau 4.3 (NZTA, 2001) montre les proportions des trois types les plus communs d’accidents résultant en décès et blessures graves sur des routes inter-urbaines (à l’exclusion des autoroutes).
Principaux types d’accidents | % d’accidents très gravessur les routes inter-urbaines de Nouvelle-Zélande | % de blessures très graves sur les routes inter-urbaines de Nouvelle-Zélande |
---|---|---|
| 54% | 50% |
Chocs frontaux | 21% | 27% |
Aux carrefours | 13% | 13% |
Source: NZTA (2011).
Le tableau montre une proportion plus élevée (1,28 à 1) de victimes (blessures graves et mortelles) dans des chocs frontaux (27%) que ce qui est reflété dans la proportion d’accidents par choc frontal (21%). Ceci indique que ce type d’accidents (choc frontal) représente une plus grande part des décès que ne semble l’indiquer le nombre des accidents graves.
De même, la catégorisation des accidents en blessures graves et mortelles (comparées à toutes les autres blessures) offrira probablement un tableau différent du risque sur tout le réseau.
La part relative des divers types d’accidents graves et mortels différera selon les pays du fait des différences des environnements routiers, mais les types d’accidents seront similaires. Les types de véhicules et leur proportion dans le volume général de circulation sont deux exemples de différence probable. Il est essentiel que les agences et les autorités de sécurité routière sachent quels sont les principaux types d’accidents dans leur pays, et où ils se produisent (voir aussi les chapitres 6 et 11). Les agences devraient être en position d’identifier les tronçons de routes de leurs réseaux présentant le risque le plus élevé d’accidents causant des blessures graves et mortelles.
Typiquement, dans les pays à revenu élevé, les types prédominants d’accidents de la route qui causent des décès et des blessures graves sont :
Dans le cas de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, les principaux types d’accidents sont :
L’approche de Système Sûr place des exigences sur le système de gestion de la sécurité routière, notamment :
Il n’est désormais plus acceptable de considérer que l’usager de la route porte toute la responsabilité d’éviter les accidents graves.
Le système devra, in fine, protéger du décès et des blessures graves par accident de la route tous les usagers de la route, y compris les contrevenants aux règles de circulation. Dans l’intervalle, l’attention devrait se concentrer sur les usagers respectueux des règles de circulation, et ceux qui pourraient être tués ou gravement blessés du fait d’infractions ou d’erreurs commises par d’autres usagers de la route.
Comme cela a déjà été signalé, les facteurs liés à la sécurité des routes et des véhicules, tout autant que le comportement des usagers, jouent un rôle important dans les accidents causant des blessures fatales. L’avance progressive vers un Système Sûr exige que toutes les parties prenantes acceptent leur responsabilité de fournir une exploitation générale « sécurisée » du réseau, ce qui s’ajoute aux responsabilités portées par les usagers individuels de la route. Ce concept de « responsabilité partagée » requis par le Système Sûr est au centre du changement dans la pensée traditionnelle sur les facteurs qui contribuent aux accidents de la route.
L’approche de Système Sûr examine la conception de l’infrastructure, les limitations de vitesse et les caractéristiques de sécurité des véhicules qui minimisent individuellement (et ensemble) les forces d’impact lors d’un accident de voiture. Il s’appuie sur des efforts adéquats de formation, de législation et d’application des règles pour parvenir à :
Ce changement fondamental du principe de « blâmer l’usager de la route » pour celui obligeant les concepteurs ou fournisseurs du réseau routier à fournir un environnement routier intrinsèquement sûr, est reconnu comme essentiel pour atteindre d’ambitieux résultats de sécurité routière (OCDE, 2008).
Certes les usagers individuels de la route sont supposés être alertes et respecter toutes les règles de circulation, mais les fournisseurs du système (y compris les organisations industrielles et le gouvernement, qui conçoivent, construisent, entretiennent et régulent les routes et les véhicules) ont la responsabilité première de fournir un environnement d’exploitation sûr aux usagers de la route (Encadré 4.2). Ceci exige de reconnaître le fait que de nombreux autres intervenants (au-delà des ingénieurs civils et des fabricants de véhicules) ont une influence sur l’utilisation du réseau routier, et donc portent aussi une grande responsabilité dans l’atteinte de meilleurs résultats de sécurité et de survie.
Les études mentionnées au Chapitre 4.4 confirment l’importance fondamentale des acteurs chargés de délivrer des routes et des abords de route plus sûrs, des vitesses plus sûres, des véhicules plus sûrs, et enfin des comportements plus sûrs. Les usagers de la route ne devraient pas être obligés de se déplacer dans un système plein de défauts de conception et augmentant la probabilité d’erreurs. L’approche suédoise de Vision Zéro « envisage une chaîne de responsabilité qui commence et finit avec les concepteurs de systèmes (c’est-à-dire les fournisseurs) ». La chaîne de responsabilité (Tingvall, 2005) comporte trois maillons :
Le suivi du résultat des responsabilités des concepteurs ou fournisseurs de système comporte de nombreux défis. Ils doivent accepter la responsabilisation pour leurs productions.
Le principe de responsabilité partagée a été naturellement accepté dans les stratégies de sécurité routière des pays ayant adopté l’approche de Système Sûr, mais il faudra du temps pour que le nécessaire et considérable (et souvent subtil) ajustement requis devienne une pratique d’exploitation acceptée par toutes les agences (y compris les autorités routières).
Les responsabilités de sécurité routière s’étendent aussi au public. Par exemple, les professionnels de la santé ont un rôle à jouer pour aider leurs clients à gérer leur sécurité sur la route, et les parents contribuent de manière significative à l’éducation de leurs enfants en matière de sécurité routière, non seulement par la supervision directe des apprentis conducteurs, mais aussi en tant que modèles par leurs habitudes de conduite et leur comportement en tant qu’usagers de la route.
Les décisions en matière de sécurité routière ne devraient pas être prises isolément, mais au contraire être alignées avec d’autres valeurs pour la population, telles que des objectifs économiques, d’utilisation des sols, de santé humaine, au travail et environnementale, de même que la mobilité et l’accessibilité (ainsi que présenté au chapitre 1). Il existe un fort alignement entre le Système Sûr et ces objectifs.
L’approche du Système Sûr marque un changement de l’attention à la réduction seule des accidents à l’élimination des décès et des blessures graves, et elle est étayée par des principes de sécurité bien établis, ainsi qu’énoncé au chapitre 2. D’autres principes sont que :
Comme déjà signalé, l’approche pour un Système Sûr se fonde sur les efforts innovateurs en sécurité routière des Pays-Bas et de la Suède.
Wegman & Aarts (2006) définissent un ensemble d’idées directrices considérées comme nécessaires pour parvenir à une sécurité durable de la circulation routière. Ces principes se fondent sur des théories scientifiques et des méthodes de recherche provenant de disciplines variées comprenant la psychologie, la biomécanique et l’ingénierie de la circulation ; ils sont énoncés dans le Tableau 4.4.
Principes de sécurité durable | Description |
---|---|
Functionnalité des routes | Unicité de la fonction de la route : routes de transit, routes distributrices, routes d’accès local, dans un réseau routier hiérarchiquement structuré |
Homogénéité de la masse et/ou de la vitesse et de la direction | Egalité de vitesse, direction et masse aux vitesses moyennes et élevées |
Prévisibilité de la route et du comportement des usagers grâce à une conception reconnaissable de la route | Un environnement routier et un comportement de l’usager de la route qui correspondent aux attentes de l’usager grâce à la cohérence et la continuité dans la conception de la route |
L’environnement qui pardonne et les usagers de la route | Une limite à la gravité des blessures grâce à un environnement routier qui pardonne et à l’anticipation du comportement des usagers |
Niveau de conscience de l'usager | Les moyens d’évaluer les capacités de conduite d’un conducteur |
Tingvall (2012) a écrit sur les défis auxquels la Suède se trouve confrontée pour redéfinir des principes de politique de transport reflétant la Vision Zéro (ou l’approche pour un Système Sûr) :
« Vous pouvez conduire de A à B à 100 km/h et nous améliorerons cette route rurale à deux voies bidirectionnelle pour accroître la sécurité de votre déplacement ».
« Vous pouvez conduire de A à B à cette vitesse sûre compte tenu des caractéristiques du réseau routier qui éviteront des blessures graves ou mortelles dans l’éventualité d’un accident. Vous ne pouvez aller plus vite que si la sécurité de l’infrastructure est améliorée ». (Par exemple, giratoires aux intersections, barrières médianes, barrières anti-sortie de route pour protéger des obstacles sur les accotements, etc.).
Les éléments qui composent le modèle de Système Sûr sont centrés sur l’être humain en vue d’une utilisation sûre de la route, et leurs interactions sont illustrées dans le Graphique 4.1 ci-dessous.
Graphique 4.1 : Un modèle de l’Approche du Système Sûr Source: Adapté de l’OCDE/ITF, 2008; ATC, 2009.
Ce modèle de Système Sûr se compose de quatre éléments principaux et cinq activités de soutien qui peuvent être adaptées et appliquées en accord avec les quatre éléments principaux pour aider à augmenter la probabilité de survie lors des accidents.
Ces quatre éléments conceptuels principaux sont :
Les activités clé de soutien au Système Sûr sont :
Ces trois derniers points aident à obtenir un respect généralisé des règles de circulation.
En résumé, en ce qui concerne les usagers alertes et respectueux des règles, une combinaison de caractéristiques de sécurité des véhicules et de l’infrastructure, de limites de vitesse et de soins d’urgence médicale post-accident efficaces est nécessaire pour éviter les conséquences fatales ou les blessures graves causant une invalidité dans l’éventualité d’un accident.
La vitesse est une variable critique dans le Système Sûr, et les vitesses sûres permises sur n’importe quel tronçon du réseau dépendent des types de véhicule (et de leurs dispositifs de protection), de la sécurité passive de l’infrastructure et des abords de route, des restrictions d’accès à la route principale, et de la présence d’usagers vulnérables de la route. Tous ces facteurs détermineront la vitesse maximum des véhicules sur chaque tronçon du réseau, au-delà de laquelle la probabilité de décès résultant d’une collision est inacceptable.
Le résultat des accidents, et plus particulièrement les accidents mortels, sont directement liés à la vitesse des véhicules au moment de l’impact.
Elvik et al (2004) rapportent que « il a été démontré que la vitesse à un effet très important sur la sécurité routière, probablement plus important que n’importe quel autre facteur de risque connu. La vitesse est un facteur de risque dans absolument tous les accidents, depuis les petits accrochages jusqu’aux accidents mortels. L’effet de la vitesse est plus important dans les accidents mortels ou causant des blessures graves que dans les accidents ne causant que des dommages matériels. Si le gouvernement souhaite développer un système de transport routier dans lequel personne n’est tué ou gravement blessé, la vitesse est le plus important facteur à réguler ».
Le Tableau 4.5 extrait d’Elvik et al, (2004) montre les effets d’une variation de la vitesse moyenne sur les accidents de divers degrés de gravité. Cette relation de changement relatif s’applique à tous les tronçons de route, sur des périodes de temps comparables, et se réfère aux effets d’un changement de la vitesse moyenne de déplacement de tous les véhicules.
Changement relatif (%) dans le nombre d'accidents ou de victimes | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|
Changement de la vitesse moyenne (%) | -15% | -10% | -5% | +5% | +10% | +15% |
Accident ou gravité de la blessure | ||||||
Décès | -52 | -38 | -21 | +25 | +54 | +88 |
Blessures graves | -39 | -27 | -14 | +16 | +33 | +52 |
Blessures sans gravité | -22 | -15 | -7 | +8 | +15 | +23 |
Tous les usagers de la route blessés | -35 | -25 | -13 | +14 | +29 | +46 |
Accidents mortels | -44 | -32 | -17 | +19 | +41 | +65 |
Accidents causant des blessures graves | -32 | -22 | -12 | +12 | +25 | +40 |
Accidents causant des blessures sans gravité | -18 | -12 | -6 | +6 | +12 | +18 |
Tous les accidents causant tous types de blessures | -28 | -19 | -10 | +10 | +21 | +32 |
Accidents ne causant que des dommages matériels | -15 | -10 | -5 | +5 | +10 | +15 |
Source: Adapté de Elvik et al. (2004)
Les accidents mortels sont le type d’accident le plus affecté par une variation de la vitesse. Le tableau ci-dessus montre que même les légers changements de vitesse (+5 %) sont associés à d’amples variations du nombre de décès dus aux accidents de la route (+25%).
Comme indiqué dans les principes de sécurité exposés ci-dessus, une manière importante de réduire les accidents causant des blessures mortelles ou graves est de mieux gérer l’énergie de l’impact lors des accidents, de telle sorte qu’aucun usager de la route ne soit exposé à des forces d’impact résultant probablement en un décès ou des blessures graves.
Les conditions qui favorisent le maintien de l’énergie à l’impact à des niveaux inférieurs à ceux causant des décès ou des blessures graves sont mieux en mieux comprises, bien que, dans la plupart des pays, elles ne soient pas encore reconnues ou appliquées à tout le réseau.
Une stratégie clé est donc d’avancer (avec le temps) pour installer des limites de vitesse suivant le niveau de protection offert par l’infrastructure routière existante (ou améliorée) et par les véhicules, et selon la mixité de la circulation sur les tronçons du réseau.
La mobilité doit être limitée par le respect des exigences du Système Sûr. Des investissements pour sécuriser les infrastructures seront souvent nécessaires avant de pouvoir envisager une élévation des limites de vitesse sur certains tronçons du réseau, afin d’éviter une augmentation des décès ou des blessures graves (Encadré 4.4).
Tingvall (2005) note que si antérieurement la conception de l’infrastructure se fondait sur la prévention des accidents, la philosophie alternative actuelle du Système Sûr se fonde au contraire sur la gestion de l’énergie cinétique et la prévention des blessures (prévention secondaire plutôt que prévention primaire). Désormais, la vitesse est associée aux conséquences d’un incident ou d’un accident plus que la capacité du conducteur à contrôler son véhicule. Ceci a amené un usage plus extensif des accotements et des barrières médianes ainsi que le réaménagement des intersections avec l’introduction de carrefours giratoires, et un meilleur contrôle des accès à la route (et leur développement). Dans ces exemples, il est possible que le nombre des accidents augmente, mais leurs conséquences sont contrôlées de telle manière que la tolérance humaine aux blessures graves ne soit pas dépassée.
McInerney & Turner (sous presse) signalent que le sujet de la gestion du transfert d’énergie et des forces associées est abordé actuellement dans les domaines de l’ingénierie des structures pour les immeubles et de l’ingénierie mécanique pour les machines, mais se rencontre rarement dans la conception des routes. Pour que l’infrastructure fournisse les éléments de base principaux pour un Système Sûr, la pratique de la conception des routes dans le monde doit inclure des dispositions pour la gestion de l’énergie cinétique.
Même si l’approche du Système Sûr est adoptée comme fondement des stratégies de sécurité routière de nombreux pays, l’adoption d’un concept et sa mise en œuvre sont deux choses différentes, et cette dernière reste un défi important.
Dans tous les pays, le catalyseur de soutien pour planifier, développer et mettre œuvre des interventions du Système Sûr, c’est le système de gestion de la sécurité routière en usage (voir le chapitre 3 pour les lignes directrices).
Le potentiel pour que les traitements de sécurité appliqués à l’infrastructure routière produisent une réduction certaine et immédiate de la probabilité et de la gravité des accidents est largement reconnu. Avec des ressources adéquates, l’infrastructure a la capacité d’éliminer presque tous les décès et blessures graves. De nombreuses stratégies nationales et provinciales ont souligné le rôle de l’infrastructure pour avancer vers le Système Sûr.
Certains exemples de traitements appliqués à l’infrastructure ayant donné d’excellents résultats, permettent de tirer des enseignements généraux tels que (McInerney & Turner, sous presse, voir aussi le Chapitre 11.3) :
Tous les usagers de la route doivent être pris en considération lors de la conception ou de l’amélioration de l’infrastructure :
Le paragraphe 4.6.2 soulignait l’importance d’une vitesse de déplacement sûre, ce qui sous-tend l’approche du Système Sûr. Les niveaux de vitesse critique dans les accidents de la route diffèrent selon le type d’accident considéré.
Le Tableau 4.6 montre le risque d’accident grave associé aux vitesses de déplacement supérieures à un seuil spécifique pour les principaux types d’accidents.
Les types d’accidents examinés impliquent des véhicules et un piéton ou un autre usager vulnérable de la route, la collision d’un véhicule seul avec un poteau ou un arbre, l’impact latéral entre véhicules aux intersections, des collisions frontales entre véhicules et les sorties de route impliquant un véhicule seul.
Les vitesses au moment de l’impact au-dessus desquelles les chances de survivre ou d’éviter les blessures graves décroissent rapidement | ||
---|---|---|
Types d'accidents | Vitesse au moment de l'impact | Exemples |
Voiture-Piéton ou cycliste | 30 km/h | Là où il y a un mélange d’usagers vulnérables et de circulation de véhicules motorisés |
Voiture-Motocycliste | ||
Voiture-Motocycliste (impact latéral) | 50 km/h | Là où il existe une probabilité d’impacts latéraux (carrefours ou points d’accès) |
Voiture-Voiture (collision frontale) | 70 km/h | Là où il n’y a pas de séparation entre les deux sens de circulation |
Sur certains tronçons du réseau, tels que les autoroutes de haute qualité, le risque d’accidents impliquant des niveaux élevés de transfert d’énergie (et donc le risque d’être mortels) est faible rapporté à la distance totale parcourue par les véhicules sur les autoroutes.
Typiquement, ces routes :
Dans celles conditions, et avec les limites de débit de véhicules sur chaque voie, des vitesses plus rapides (telles que 100 ou 110 km/h) peuvent généralement être permises de manière sûre, pour des véhicules conformes aux normes élevées de sécurité.
Par contre, les risques d’accidents graves sont beaucoup plus élevés dans le cas des routes à deux voies bidirectionnelles dans des environnements ruraux présentant des obstacles non protégés en bordure de route, des carrefours fréquents, des accotements non revêtus, et un tracé vertical et en plan conçu selon des normes variées.
Le tableau 6 montre que dans de tels cas, et y compris pour les véhicules ayant les meilleures caractéristiques de sécurité actuellement disponibles, des vitesses très supérieures à 50 à 70 km/h ne doivent pas être permises, si l’on désire éviter les accidents mortels.
Si les obstacles en bordure de route sont protégés (par des barrières), et si les intersections sont traitées pour réduire les vitesses à 50 km/h, la vitesse de déplacement sur ce type de routes peut être fixée à 70 km/h. Installer des barrières médianes permettrait de considérer des vitesses plus élevées.
Si les motocyclistes représentent une large proportion de la circulation, des vitesses plus faibles, peut-être de 40 km/h, peuvent être nécessaires.
La gestion de la vitesse est au cœur du développement d’un réseau routier sûr. Si une route présente un risque élevé d’accidents et si la sécurité de l’infrastructure ne peut pas être améliorée dans un futur prévisible, une option de grande importance est de revoir les limites de vitesse et d’effectuer des contrôles appropriés pour faire respecter les règles. Il faudrait de plus considérer des mesures ciblées concernant l’infrastructure, afin de parvenir à une réduction des vitesses.
Par exemple, abaisser la limite de vitesse de 100 à 90 km/h peut réduire la vitesse moyenne de 4 à 5 km/h, s’il existe un niveau raisonnable de respect des règles de circulation. La recherche scientifique, fondée sur le retour d’expérience, montre que ceci entraine une réduction pouvant atteindre jusqu’à 20% des décès se produisant sur ces tronçons de route (Sliogeris, 1992).
Depuis 1996 et partout en Europe, la sécurité des véhicules (ou tout au moins celle de leurs occupants) n’a pas compté uniquement sur la réglementation, mais aussi sur les forces du marché, grâce en particulier au Programme Européen d’Evaluation des Nouveaux Véhicules (Euro NCAP). Il est largement reconnu que cette approche pour produire une avancée rapide de la sécurité des véhicules a été un succès. L’industrie automobile a répondu très rapidement aux attentes du marché concernant la protection des occupants du véhicule. D’autres NCAPs (Programmes d’Evaluation des Nouveaux Véhicules) ont été introduits dans de nombreux pays et régions (Australasie, Japon, et beaucoup d’autres). L’installation de programmes ou contrôle électronique de la stabilité (ESC ou ESP – Electronic Stability Control/Program) dans les véhicules a été un véritable succès, avec une efficacité aussi élevée qu’inattendue et une pénétration du marché plus rapide que celle de n’importe quel autre exemple antérieur (Tingvall, 2005). L’ESC est un élément essentiel de la notation des NCAPs.
Dans les PREs, les opportunités découlant des nouvelles technologies de sécurité à l’intérieur des véhicules, désormais disponibles ou en passe de le devenir, couplées avec le niveau de résistance aux impacts de nombreux véhicules nouveaux, sont remarquables. Les PRFI devraient rechercher ces mêmes bénéfices en priorité. Latin NCAP en Amérique Latine et ASEAN NCAP en Asie sont deux exemples de la récente arrivée des NCAP dans les PRFI, ce qui donnera aux consommateurs une information au regard de la sécurité et amènera des changements du marché. De plus, un NCAP Mondial (Global NCAP) a été récemment établi, et aura vraisemblablement une grande influence.
Les agences de sécurité routière doivent assurer la promotion appropriée des bénéfices retirés des équipements de sécurité et des niveaux généraux de sécurité des véhicules. Les autorités routières devraient développer leur connaissance de ces nouveaux équipements de sécurité des véhicules, et en particulier des nouveaux modes de traitements spécifiques à l’infrastructure pouvant démultiplier l’amélioration des résultats de réduction des accidents. Les actions des agences de sécurité routière pourraient inclure (VicRoads, 2013) :
Les agences de sécurité routière devraient suivre le progrès des technologies émergentes de sécurité, telles que les dispositifs d’évitement des collisions, d’adaptation intelligente de la vitesse, et les détecteurs incorporés d’alcoolémie et de fatigue. Des études pilotes ont été effectuées à des fins de recherche sur de nombreux parcs de véhicules au niveau international, afin d’établir les coûts et les bénéfices de ces technologies.
Les initiatives que les pays devraient prendre comprennent :
Les jeunes conducteurs devraient être informés des véhicules d’occasion les plus sûrs disponibles sur le marché dans des fourchettes de prix pertinentes, pour les encourager à acheter ce type de véhicules, dans le but d’augmenter leurs chances de survie durant les années à haut risque (les premières) de leur vie de conducteur.
Les développements dans la sécurité des véhicules lourds incluent les systèmes de freins réactifs au contrôle électronique de la stabilité (ESC), et les équipements de contrôle de la vitesse et de la fatigue. Des programmes d’évaluation des nouveaux camions pourraient émerger dans les années à venir pour les principaux exploitants de véhicules lourds. Encore une fois, les agences de sécurité routière devraient se maintenir au courant de ces développements.
De nombreuses opportunités d’améliorations existent en matière d’équipements de sécurité des véhicules disponibles sur les marchés des PRFI. Des rapports signalent que des véhicules, sans les équipements de sécurité exigés par les normes de sécurité dans le pays du fabricant, sont importés par d’autres pays (ce qui serait selon les rapports un effort pour limiter les coûts). Certains pays imposent des taux élevés de taxes sur les équipements de sécurité des véhicules, qu’ils considèrent de manière erronée comme des articles de luxe, argument qu’ils utilisent pour obtenir des revenus. Ceci bien sûr décourage l’installation de ces équipements sur les véhicules. Certaines questions critiques sont :
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Maximiser un comportement respectueux des règles de circulation par les usagers reste difficile, et requiert la présence et la mise en œuvre actives de dispositions législatives efficaces, des bases de données sur les véhicules, une mise en relation des permis de conduire et des infractions, des contrôles policiers du respect des règles, le soutien de la part du système judiciaire, le traitement des infractions, et des capacités de suivi.
L’erreur humaine, plutôt que les comportements de non-respect des règles, représente une contribution importante aux accidents graves et mortels. Pour réduire les possibilités d’erreur humaine, des mesures doivent être prises pour guider l’utilisation du réseau routier. Une signalisation claire et cohérente et, de la part des usagers, une capacité raisonnable à comprendre et agir en fonction de l’information sont nécessaires pour réduire l’incertitude et l’indécision sur la route. Ces questions sont examinées en détail au chapitre 8, mais les principales d’entre elles sont que :
Développer une capabilité de sanction policière efficace et respectée requiert une compétence de gestion de haut niveau, de bonnes normes de gouvernance, une recherche de qualité pour guider les efforts, et une forte attention aux résultats.
Dans les PRFI, les progrès dépendront fortement d’un soutien par des experts pour accélérer une approche d’apprentissage par l’expérience. Un fil conducteur dans ce Manuel sont des conseils pratiques pour la mise en œuvre de l’approche du Système Sûr. Le chapitre 6 suggère, aux agences de sécurité routière dans les PRFI, une voie pour progresser d’une faible vers une forte capacité institutionnelle. Il s’agit de mettre en œuvre des pratiques efficaces par le biais de programmes (ou de projets) de démonstration, qui devraient inclure des projets dans des zones ciblées et impliquer toutes les agences pertinentes ainsi que des révisions de la politique au niveau national. Cette approche aidera à la production d’améliorations constantes dans les résultats en matière de sécurité routière de toutes les agences.
Développer une compréhension et une intégration plus complètes de l’approche du Système Sûr, après son adoption en tant que politique officielle d’un pays, prendra du temps. Ceci dépendra d’un processus d’amélioration continue examinant et mettant en œuvre des options, souvent de façon innovante, pour améliorer les résultats.
Comprendre à quoi ressemble un Système Sûr
Poursuivre le renforcement des compétences : Se concentrer sur le développement de dispositifs institutionnels et les connaissances de base des agences sur l’approche du Système Sûr de sécurité routière. Déterminer les connaissances nécessaires pour analyser les déficiences actuelles en matière de sécurité routière, y compris les limites des politiques, et identifier les interventions prioritaires nécessaires pour accélérer le changement vers le Système Sûr.
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Des données de sécurité complètes sont indispensables pour une gestion effective de la sécurité routière. Elles sont essentielles à une approche fondée sur le retour d’expérience, en particulier pour produire : des stratégies fondées sur les résultats, des programmes et des projets d’actions, l’identification des principaux types d’accidents et leurs emplacements, le diagnostic des causes des blessures graves et mortelles dans les accidents de la route, la sélection des traitements, et le suivi et l’évaluation des progrès.
L’établissement des bases de données et leur mise à jour sont explicitement identifiés comme faisant partie du Plan mondial pour la Décennie d’Action, dont le Pilier 1 (Gestion de la Sécurité routière) souligne l’importance de cette activité (CNUSR, 2011).
Les données sur les accidents sont certes des données cruciales de sécurité et constituent une précieuse source d’information pour la gestion de la sécurité routière, mais elles ne sont pas les seules données nécessaires à cette fin. D’autres informations doivent les compléter, telles que : l’inventaire des routes, les données d’enquêtes sur les comportements critiques, des données sur les sanctions policières, le réseau routier et la sécurité du parc de véhicules, ainsi que sur la qualité du système médical d’interventions d’urgence.
Ces données sont importantes pour fournir des mesures intermédiaires de sécurité. Dans les PRFIs, où les bases de données sur les blessures par accident de la route ne sont pas complètes ou opérationnelles, les données obtenues à partir d’enquêtes sont essentielles pour mesurer et cibler des problèmes de sécurité. L’examen de la capacité de gestion dans ces pays indique que cette dernière est insuffisante. De ce fait, il est nécessaire de renforcer leurs compétences afin d’améliorer le recueil, le stockage, l’analyse et le partage des données de sécurité routière.
Ce chapitre présente une information sur les types de données requis pour peupler les bases de données de même que sur le recueil et l’utilisation de celles-ci. Il comporte aussi des conseils sur le croisement des différents types de données, permettant de gérer la sécurité routière plus efficacement.
Des exemples d’utilisation de ces données sont présentés dans l’ensemble du Manuel, en particulier sur :
Une grande partie du présent chapitre examine la gestion des données de sécurité au niveau du réseau (par exemple, pour tout le pays). Toutefois, il est reconnu que l’établissement d’une source nationale de données, bien qu’essentielle, peut se trouver hors de portée pour certains pays. Dans de tels cas, et au minimum, l’information contenue dans ce chapitre peut être utilisée pour initier le recueil de données sur les routes à haut risque, notamment à partir de projets de démonstration dans des corridors et zones sélectionnés (voir Chapitre 6).
Pour une gestion efficace de la sécurité routière, et ainsi que déjà signalé ailleurs dans ce Manuel, l’attention doit se concentrer sur l’élimination des décès et des blessures graves (définis au chapitre 5.2). Le recueil de données devrait donc donner la plus haute priorité à l’information sur les blessures graves et mortelles, les types d’accidents (tels qu’identifiés au chapitre 4), et les facteurs causant ces blessures. Il existe aussi des utilisations importantes des données sur les blessures mineures et même sur les accidents sans blessure ; l’information correspondante devrait donc être recueillie autant que possible.
Les pays doivent commencer par évaluer l’information sur la sécurité qu’ils collectent déjà, déterminer quelles sont les parties prenantes principales (collecteurs et utilisateurs), comment les données sont utilisées, et quelle information supplémentaire est nécessaire (chapitres 5.2 et 5.3).
Il leur faut ensuite initier le recueil des données de « résultats finaux » sur les blessures (en particulier les blessures graves et mortelles), qui peuvent dans un premier temps être obtenues pour les routes et corridors à haut risque (habituellement les routes nationales à fort volume de circulation ; chapitre 5.3).
Ensuite vient le recueil des données sur les « résultats intermédiaires » ou de l’information sur les indicateurs de résultats (voir chapitre 5.2). L’information sur les routes et leurs abords est de haute priorité, et peut être utilisée pour identifier des problèmes et des solutions, y compris en l’absence de données détaillées sur les accidents (chapitre 5.4). D’autres données intermédiaires concernent le respect des règles de circulation (telles que les taux d’excès de vitesse, d’alcoolémie et de port du casque ; chapitre 5.4). Elles peuvent aussi permettre d’identifier des problèmes et des solutions, et être utilisées dans la gestion des résultats de la sécurité routière.
Les données sur la sécurité ont des utilisations et des utilisateurs variés. Comme il est indiqué plus bas au chapitre 5.6, ces données peuvent être utilisées par les décideurs politiques, les ingénieurs routiers, la police, le secteur de la santé, la communauté des chercheurs, les compagnies d’assurance, les tribunaux, les fabricants de véhicules, et d’autres. Des données résumées (en particulier sur les décès par accident) sont disponibles dans la plupart des pays, mais une information plus détaillée est nécessaire pour répondre aux besoins de ces utilisateurs. Sans le recueil de ces données, il n’est pas possible de suivre une approche pour la gestion de la sécurité routière fondée sur le retour d’expérience.
L’OMS (2010) examine l’utilisation des données pour une approche de santé publique à la sécurité routière. Ce document contient une description complète des systèmes de données, y compris leur place dans la gestion de la sécurité routière, leur établissement et leur utilisation. C’est une lecture essentielle sur le sujet, en particulier pour les praticiens des PRFIs qui souhaitent établir ou améliorer un système de données. Ce document suggère une approche cyclique à :
Ce processus est ensuite répété.
L’OMS (2010) offre aussi des conseils sur la relation à faire entre les données de sécurité routière et une gestion efficace de celle-ci (Graphique 5.1) ; ces conseils fournissent un cadre pour le recueil et l’utilisation de ces données. Le document de l’OMS est très clair sur le fait que les seules données sur les accidents ne sont pas suffisantes pour gérer la sécurité, mais qu’elles doivent plutôt être utilisées en combinaison avec d’autres sources d’information. Cette information supplémentaire est nécessaire pour mieux interpréter les risques, aidant ainsi à assurer le suivi et l’obtention des résultats.
Graphique 5.1 : les besoins de données pour la gestion de la sécurité routière
Le Graphique 5.1 et l’Encadré 5.1 (ainsi que OMS (2010) et FMSR (2009 et 2013)), montrent que les résultats désirés en matière de gestion de la sécurité routière sont exprimés en objectifs et cibles, et s’obtiennent à des niveaux différents mais associés. Ces derniers comprennent les résultats institutionnels, découlant des politiques, programmes et projets mis en œuvre, qui affectent une variété de résultats intermédiaires, dans le but ultime de réduire les blessures graves et mortelles, selon le Système Sûr.
Résultats finaux : Les indicateurs de résultats peuvent comprendre : le nombre de décès et de blessures graves, les accidents liés à certains usagers (par exemple, les piétons ou les motocyclistes) ou à certaines circonstances (par exemple, aux carrefours, chocs frontaux), les taux d’accidents (par exemple, nombre d’accidents par population, par nombre de véhicules immatriculés, ou selon la distance parcourue).
Résultats intermédiaires : Les indicateurs de résultats de la sécurité peuvent inclure des mesures du comportement des usagers, telles que : la vitesse moyenne, l’alcoolémie, les taux de port de la ceinture de sécurité ou du casque, l’information des enquêtes sur l’attitude des usagers, les classifications de la sécurité des véhicules, des mesures de l’infrastructure, comprenant les classifications de sécurité de la route, le % de routes à fort trafic et grande vitesse divisées par une barrière médiane, le % de routes où les piétons sont présents et disposent d’allées piétonnières adéquates et les indicateurs post-accident tels que les temps de réponse des véhicules d’urgence.
Produits : Les indicateurs de processus/mise en œuvre peuvent inclure : les politiques, plans et programmes qui ont été mis en œuvre, et les détails de cette mise en œuvre (par exemple, campagnes de promotion du port de la ceinture de sécurité, heures supplémentaires de contrôles routiers de la vitesse, investissement en infrastructure routière sûre, nombre de nouvelles ambulances).
Par exemple, l’analyse des données peut avoir identifié la vitesse des véhicules comme un facteur de risque. Une politique visant à améliorer le respect des limites de vitesse, nécessitera d’amplifier les contrôles de police de la vitesse. Les résultats de cette action témoigneront de l’effet de cette augmentation des contrôles de police. Une mesure de résultats intermédiaires pourrait être le pourcentage de conducteurs en excès de vitesse en des emplacements sélectionnés. Une réduction du nombre des contrevenants aux limites de vitesse aiderait à déterminer si l’action a l’effet désiré. Les indicateurs de résultats finaux seraient le nombre total des décès et des blessures graves (dans l’idéal ceux liés à un excès de vitesse), afin d’établir le bénéfice ultime de l’action.
Les données sur les accidents sont évidemment une source principale d’information sur la sécurité routière, mais d’autres sources de données jouent également un rôle très important. Il y a une prise de conscience croissante de l’utilité, pour la sécurité routière, des données sur le patrimoine routier (dont les caractéristiques de conception des routes). Dans de nombreux cas, il est possible que l’information ait déjà été collectée par ailleurs et soit disponible. Comme indiqué plus loin dans ce chapitre, de nombreux pays ne disposent pas d’informations exactes sur les accidents, et jusqu’à ce qu’ils y parviennent, l’information sur les caractéristiques géométriques des routes et sur les comportements critiques de sécurité fournira un important moyen pour identifier les zones à haut risque et la manière de les traiter.
Souvent, différentes sources d’informations seront disponibles sur des sujets similaires, et si de multiples sources d’information peuvent être utiles pour aider à mieux comprendre les questions de sécurité routière, elles peuvent aussi amener la confusion si elles fournissent des informations contradictoires. Les différences peuvent provenir d’inexactitudes dans les données, ou de variations dans la manière de collecter les données (chapitre 5.5). S’il existe un risque potentiel de confusion du fait de sources multiples, il est important de sélectionner une « seule source de vérité » à laquelle on se réfèrera en fin de compte pour la prise de décision. Les raisons pour la sélection de cette source d’information devront être pleinement justifiées.
Ce Manuel utilise différents termes pour distinguer différents degrés de gravité des blessures. L’Encadré 5.2 fournit leur définition.
Blessure mortelle : toute blessure causant le décès immédiat ou dans les 30 jours suivant un accident de la circulation, à l’exclusion des suicides.
Blessure grave : blessure qui requiert l’admission à l’hôpital pour au moins 24 heures ou l’attention d’un spécialiste, telle que fractures, concussions, chocs sévères ou lacérations profondes. Certains pays ont adopté la Liste Type des Blessures (Maximum Abbreviated Injury Scale, MAIS), et suggéré que les blessures graves soient définies comme MAIS3+.
Blessure mineure ou autre : blessure qui ne requiert que peu ou pas d’attention médicale (par exemple foulures, hématomes, coupures ou abrasions superficielles).
Dommages matériels/sans blessures : dommage aux véhicules seulement, sans blessure aux occupants/usagers.
Source : OMS, (2010).
Ce chapitre présente des conseils pour l’établissement et la mise à jour des bases de données sur les accidents de la circulation ; des informations plus détaillées sur le sujet peuvent être obtenues auprès de l’OMS (2010). Les informations sur le recueil et l’utilisation d’autres sources de données sont présentées dans les chapitres suivants ; ci-dessous se trouve un résumé des questions clés.
Il est établi qu’aucune base de données sur les blessures par accident de la route ne fournira en elle-même assez d’information pour dresser un tableau complet des blessures par accident de la route ou pour permettre de pleinement comprendre ce qui a conduit aux blessures (IRTAD, 2011). Certains des pays ayant amélioré leurs résultats en matière de sécurité routière utilisent des données recueillies par la police ainsi que par le secteur de la santé.
Généralement, les données nationales sur les accidents sont recueillies par la police, et l’OMS (2013) rapporte que plus de 70% des pays utilisent les données de la police comme leur source principale. Elles sont ensuite saisies dans les bases de données sur les accidents pour en faire l’analyse et les rapports annuels. Dans certaines circonstances, les données sont recueillies auprès des hôpitaux, ou à partir de ces deux sources. L’utilisation des données du secteur de la santé est nécessaire pour une classification des blessures au niveau national, pour compléter les données de la police, et définir les « blessures graves ». L’IRTAD (2011) recommande que les données de la police demeurent la source principale pour les statistiques sur les accidents de la route, mais qu’elles soient complétées par les données des hôpitaux pour des raisons de qualité, et pour identifier les niveaux de sous-déclaration (paragraphe 2.4). De plus, obtenir des données approfondies à partir de la recherche sur les blessures par accident de la route est nécessaire pour parvenir à des conclusions significatives sur les causes des accidents et des blessures.
La police est évidemment bien placée pour collecter l’information sur les accidents, parce qu’elle est très souvent appelée sur les lieux de l’accident. Alternativement, elle peut recevoir des informations sur l’accident après celui-ci. La présence sur le lieu de l’accident permet le recueil d’informations détaillées qui seront utiles pour identifier les causes de l’accident et les solutions possibles.
Généralement, un rapport d’accident est rempli (traditionnellement c’est un formulaire sur papier, mais depuis peu des systèmes informatisés ont fait leur apparition), pour recueillir une information détaillée sur l’accident. Les variables critiques typiquement recueillies comprennent :
L’OMS (2010) propose des exemples de formulaires de rapport d’accident, comportant les détails qui devraient être recueillis au minimum. Les conseils contenus dans le document de l’OMS sont inspirés de la Base de Données européenne commune sur les Accidents (European Common Accident Database, CARE). Certains pays ont développé leurs propres critères minimum. Par exemple, les USA ont établi un Modèle Uniforme de Critères Minimum sur les Accidents (Model Minimum Uniform Crash Criteria, pour plus d’information, voir la page Internet correspondante http://www.mmucc.us/).
Un équilibre doit être trouvé entre le recueil des données requises, et le temps passé à accomplir cette tâche. Si le fardeau est trop lourd pour la police, il est peu probable que le formulaire d’accident soit rempli. La police est une partie prenante cruciale pour l’établissement, la mise à jour et l’utilisation des données sur les accidents, et devrait être incluse dans chaque étape du processus.
Les données des hôpitaux sont utilisées pour identifier les niveaux de sous-déclaration ou pour obtenir une meilleure information sur les blessures, en particulier lorsque les données des rapports de police ne sont pas disponibles ou adéquates. L’IRTAD (2011) suggère que les données des hôpitaux devraient être recueillies précisément en raison de la sous-déclaration des accidents de la circulation, et qu’elles sont la seconde meilleure source d’information sur les statistiques d’accidents.
Encouragées par l’OMS et d’autres institutions, les autorités médicales ont établi des systèmes internationaux d’enregistrement qui incluent les blessures par accident de la route. Les systèmes de codage Classification Internationale des Maladies et des Problèmes de Santé Associés (International Classification of Diseases and Related Health Problems, ICD) et la Liste Type des Blessures (Abbreviated Injury Scale, AIS) en particulier sont largement utilisés. L’IRTAD (2011) recommande le développement d’une définition acceptée au niveau international des « blessures graves », et l’utilisation de la Liste Type Maximale des Blessures (MAIS) comme base pour la définition de la gravité des blessures dues à des accidents de la route. Cette échelle se fonde sur la gravité maximale des blessures à n’importe laquelle de neufs parties du corps humain ; une note de 3 points ou plus pour une ou plusieurs régions du corps (MAIS3+) est recommandée comme définissant à partir de quand une blessure est considérée comme grave.
Il existe des exemples de recueil de données dans les hôpitaux permettant une analyse détaillée, tels que l’étude de cas thaïlandaise ci-dessous (Encadré 5.3).
Le problème : bien qu’une information sur les accidents soit disponible à partir d’autres sources, elle n’était pas suffisante pour gérer de manière adéquate la sécurité routière dans la province de Khon Kaen en Thaïlande. Une source alternative d’information existait à partir de données d’hôpitaux, mais elle ne fournissait pas d’information sur le lieu des accidents.
La solution : l’hôpital régional de Khon Kaen au nord-est de la Thaïlande possédait son propre Registre des Blessures depuis 1989. Une information supplémentaire a été ajoutée à cette base de données en utilisant un formulaire de « Déclaration d’Accident », comprenant l’information sur les circonstances de l’accident, les facteurs pouvant y avoir contribué, et une description du lieu de l’accident. Le développement de l’analyse spatiale SIG des données des hôpitaux a inclus la révision du formulaire de rapport d’accident et de ceux de surveillance des blessures. Le premier a été modifié pour exclure l’information sur les dommages matériels parce qu’elle exigeait des inspections du site, et le second a été modifié pour refléter toute l’information sur la personne blessée (par exemple, le port de la ceinture de sécurité, etc.).
En plus des données de base sur les accidents, les lieux ont été encodés spatialement grâce à un Système d’Information Géographique (SIG). Un lien sur le SIG a été développé pour obtenir les caractéristiques de géométrie des routes. L’utilisation de la technique de cartographie SIG a permis de visualiser les caractéristiques des emplacements des accidents (par exemple, carrefours, passages à niveau et giratoires).
Les résultats : l’ajout de cette information a permis une analyse détaillée des données sur les accidents, y compris l’identification des zones/emplacements à haut risque. Plusieurs études détaillées sur des questions spécifiques à la sécurité routière ont été entreprises dans les dernières années sur la base de cette riche source d’information.
Pour plus de détails, voir Ruengsorn et al, (2001).
L’Encadré 5.4 offre un autre exemple, celui de l’intégration en Égypte de données provenant de différentes sources, et de leur utilisation par plusieurs parties prenantes.
Le problème : le besoin d’un système de données sur les accidents centralisé et exact.
La solution : le système national de gestion des accidents est conçu pour être à la fois un nouveau système pour la recherche et l’analyse des données sur les accidents de la route, et un espace partagé pour toutes les parties répondant à différents types d’accidents de la route, telles que les services médicaux d’urgence, les forces de police, les pompiers, le personnel des hôpitaux, et les autorités routières. La passation de marché a démarré durant le premier trimestre de 2010, et incluait l’acquisition d’équipements et de logiciels, de terminaux mobiles avec GPS pour être utilisés sur les lieux des accidents afin de déterminer l’emplacement exact de l’accident, le documenter, établir la déclaration d’accident par les officiers de police et les ambulanciers.
Ce nouveau système mettra en œuvre un processus unifié pour la recherche et l’établissement de statistiques sur les accidents, pour harmoniser les données des différentes sources, et fournir aux chercheurs en sécurité routière les données nécessaires. Les terminaux portables pour l’enregistrement des accidents contiendront des formulaires de déclaration d’accident sous forme de tableaux à choix multiples, faciles à remplir sur le lieu de l’accident et organisés de telle manière que les données personnelles des accidentés ne pourront être fournies qu’aux tribunaux, aux assureurs et aux hôpitaux.
Les résultats : le principal résultat a été la réduction significative de la sous-déclaration, et une étroite coopération entre les principales parties prenantes. De plus, un système détaillé d’information permettant la recherche sur les accidents est désormais en place.
Un enseignement clé de cette action est que la gestion digitale des données GPS sur les accidents est essentielle pour une politique de sécurité routière autant que pour la gestion de la sécurité de l’infrastructure. Le système de gestion des données doit aussi outrepasser les restrictions policières sur l’accès aux données sur les accidents.
Source: Hans-Joachim Vollpracht, World Road Association (AIPCR)
Les données d’état civil peuvent être une source d’information sur les décès par accident de la route. Cette information provient des certificats de décès remplis par les médecins et précise les causes du décès. L’OMS (2010) signale qu’environ 40% de ses pays membres collectent des données d’état civil pour le suivi des décès dus à des accidents de la circulation. L’OMS et d’autres organisations ont institué un système international d’enregistrement qui inclut les blessés des accidents de la route.
D’autres sources de données sur les accidents peuvent provenir des services d’urgences, des services de dépannage, des compagnies d’assurances, de membres du public, etc. Cependant, il est important de reconnaître que la qualité et l’étendue de ces informations peuvent être limitées, par rapport aux données rapportées par la police et les hôpitaux.
Avant d’établir un nouveau système (ou d’améliorer un système existant) de données sur les accidents de la route, il est recommandé d’effectuer une évaluation de la situation (OMS, 2010). Ceci implique :
Ces mêmes étapes sont aussi requises pour établir ou améliorer les données autres que celles des accidents (voir chapitre 5.4).
L’analyse des parties prenantes implique l’identification des organisations et des individus qui ont (ou devraient avoir) un rôle à jouer dans le recueil et l’utilisation des données de sécurité routière. Les principales parties prenantes comprennent la police, les agences de transport et les départements de la santé, et probablement beaucoup d’autres.
Une évaluation des sources de données est nécessaire pour déterminer quelles informations sont déjà recueillies, et leur qualité. Dans de nombreux pays, la qualité des données est souvent un problème d’importance.
L’évaluation des utilisateurs finaux consiste à comprendre quels seront les principaux utilisateurs et comment ils utiliseront les données. Ceci aidera à accroître l’utilité des données.
L’analyse environnementale se réfère à la compréhension de l’environnement politique et des partenariats critiques nécessaires pour une collecte, une analyse et une utilisation fructueuses des données. Sans cette compréhension et une collaboration appropriée, il est probable que le recueil et l’utilisation des données seront sévèrement entravés. Nombreux sont les exemples où d’onéreux systèmes de données sur les accidents ont été établis, mais où la saisie des données ne s’est pas faite, en raison d’une communication inadéquate et d’une collaboration déficiente.
Après l’évaluation de la situation, le processus recommandé pour établir un système de données sur les accidents est :
Le lieu de l’accident est un élément essentiel dans le recueil et l’analyse des données, en particulier pour les ingénieurs routiers. Sans cette information, il n’est pas possible de déterminer les emplacements à traiter dans le futur. Si le lieu de l’accident est connu (grâce aux rapports de police ou à d’autres sources), il est possible d’associer ces données d’accidents avec celles sur l’infrastructure ou d’autres sources (chapitre 5.6). Cette information peut être utile pour identifier d’autres aspects de l’infrastructure qui peuvent avoir contribué à l’accident.
Il existe plusieurs méthodes pour déterminer précisément le lieu d’un accident, telles que l’utilisation du GPS, la référence à un point repère local (par exemple, un système lien-nœud) ou la référence à une borne kilométrique (un système de référence linéaire).
Historiquement, les données sur les accidents étaient conservées dans des systèmes de classement de documents papier. Aujourd’hui, elles sont stockées dans des bases de données informatisées, ce qui permet une analyse relativement facile et est particulièrement utile pour identifier les tendances, les zones et sites à haut risque, les principaux types d’accident, etc. Il existe des logiciels spécialisés pour cela. Au minimum un tel logiciel doit être capable de :
Les systèmes de données sur les accidents sont désormais très évolués, avec de nouvelles fonctions permettant une analyse plus rapide et plus utile. L’OMS (2010) et Turner et Hore-Lacy (2010) ont produit une liste de fonctions désirables d’un système de données sur les accidents, dont :
L’étude de cas cambodgienne ci-dessous fournit un exemple de mise en œuvre réussie d’un système de données sur les accidents (Encadré 5.5).
Le problème : le système de base de données du Cambodge ne permettait pas de gérer de manière adéquate les résultats en matière de sécurité routière. Depuis 2002, trois ministères différents avaient participé au recueil de données (Travaux Publics et Transports, Intérieur et Santé). Les trois bases de données développées par ces trois ministères fournissaient certes un certain niveau d’information sur la sécurité routière dans le pays, mais le besoin d’amélioration était évident parce que :
La solution : en 2004, la fondation Handicap International Belgique et la Croix-Rouge cambodgienne ont proposé un nouveau système, fondé sur un formulaire de collecte uniformisé et plus détaillé. L’objectif était d’obtenir une information exacte, continue et complète sur les accidents de la route et leurs victimes, afin d’accroître la compréhension de la situation au regard de la sécurité routière, de planifier les réponses appropriées, et d’évaluer l’impact des initiatives. Le système a d’abord été testé dans la capitale, Phnom Penh en 2004, comme projet pilote, puis son succès a conduit à son extension à toutes les provinces en 2006.
Handicap International (HI), une organisation d’aide internationale, a joué un rôle primordial dans le développement et la mise en œuvre du système RCVIS, et a été dans un premier temps chargée de la supervision du système tout entier. HI a ensuite progressivement confié le travail au gouvernement cambodgien, et transmis les responsabilités de collecte des données aux Ministères de la Santé et de l’Intérieur en 2008-2009, pour enfin transférer toute la supervision du système au Comité national sur la Sécurité Routière en 2010.
Le système combine des données de la police et du secteur de la santé. Le diagramme ci-dessous montre sa structure (depuis 2009).
Les résultats : les deux sources de données du Cambodge ont permis au système de couvrir plus d’éléments d’information détaillée sur les accidents (données de la police) et sur les décès (données des hôpitaux), ce qui a permis des niveaux plus élevés de déclaration. Plusieurs facteurs ont contribué au succès du RCVIS. L’un d’entre eux a été le développement simultané des deux formulaires du système : l’un pour la police routière, et l’autre pour le secteur de la santé. Ceci a permis une compréhension commune des aspects techniques du système, qui comportait des questions communes (variables) aux deux formulaires. Tous les acteurs principaux ont été impliqués dès le stade de développement, ce qui signifie qu’ils ont tous participé à la création des parties communes aux deux formulaires et approuvé leur contenu.
Ensuite, le pouvoir a été donné au Ministère des Travaux Publics et des Transports de jouer un rôle de coordination, avec un clair entendement dès le début que les deux sources de données devraient être combinées. Le Ministère a bénéficié de soutien pour organiser des réunions, diriger les débats, assurer la présidence des ateliers de travail annuels du RCVIS, et devenir l’un des co-auteurs des publications du RCVIS, etc.
Enfin, les données et les conclusions de la phase de projet pilote ont aidé tous les acteurs à comprendre les problèmes et à affiner le processus. Il est clair que les rapports sur la phase pilote ont été très appréciés par les principales parties prenantes du gouvernement, les médias et les membres des groupes de travail.
Cependant, en dépit de grandes avancées réalisées grâce à lui, le système RCVIS présente toujours certains problèmes. La déclaration des données n’est pas cohérente, en particulier celle des services de santé. Pour aborder la question de non-déclaration, il est recommandé que le Comité national sur la Sécurité Routière et le Ministère de la Santé prennent des mesures telles que :
Source: Chariya Ear, Handicap International, Cambodge.
Le système suédois Strada est une base de données unique qui intègre les données de la police et des hôpitaux. Ici, il est important de reconnaître que si cette caractéristique fournit des informations supplémentaires, elle coûte aussi plus cher. L’Encadré 5.6 ci-dessous offre plus de détails.
Le problème : le manque d’information fiable sur les accidents, y compris l’information sur les conséquences des blessures.
La solution : en octobre 1996, l’Administration des Routes de la Suède a été chargée par le gouvernement suédois de créer un nouveau système d’information couvrant les accidents et les blessures sur tout le réseau routier. Cela s’est fait en coopération avec la police nationale suédoise, le Conseil national suédois sur la Santé et le Bien-Être, l’Institut suédois pour l’Analyse des Communications et des Transports, les Statistiques de Suède, et l’Association suédoise des Régions et des Autorités locales.
Le système Strada se fonde sur les informations rapportées par deux sources : la police et les hôpitaux. Tous les districts de police renseignent Strada à l’échelle nationale depuis 2003. Strada reçoit aussi des informations de la part d’un nombre croissant d’hôpitaux, et l’inclusion de ces données rend cette méthode très différente des méthodes antérieures d’enregistrement des accidents et des blessures survenus dans le réseau routier.
Les résultats : en réunissant les données de deux sources, la police et les hôpitaux, Strada fournit une information plus détaillée, accroissant ainsi les connaissances sur les accidents et les blessures par accident de la route. L’inclusion des données des hôpitaux réduit la sous-déclaration, car la police n’est pas toujours informée de certains accidents (principalement ceux impliquant des usagers non protégés, tels que piétons, cyclistes, et conducteurs de vélomoteurs). De plus, les rapports des hôpitaux précisent les diagnostics, ce qui enrichit les connaissances sur les blessures et leur degré de gravité.
Les données sont saisies par la police locale et les hôpitaux dans le système Strada, où les coïncidences sont immédiatement comparées.
Jusqu’à maintenant, le niveau d’exactitude de la comparaison des données est très élevé. « Comparaison des données » signifie que les données ont été saisies à la fois par la police et les hôpitaux. Une description plus complète des circonstances de l’accident et des blessures est obtenue à partir des données comparées, ce qui permet une information plus exacte sur les véritables problèmes de la sécurité routière, laquelle à son tour facilite la planification et la priorisation de mesures en la matière.
En 2013, la police a enregistré 15 000 accidents dont 20 600 personnes blessées. Celles-ci ont été comparées avec 32 700 personnes ayant recherché un traitement à l’hôpital, dont 9 800 étaient connues des deux sources. Ceci signifie que 48% des blessures connues par la police l’étaient aussi par les hôpitaux, et que 30% de celles enregistrées par les hôpitaux l’étaient aussi par la police. La conclusion de cette comparaison est que le taux de déclaration par la police est loin de l’exhaustivité.
Étant donné que certains hôpitaux ne rapportent pas encore à Strada, les statistiques officielles existantes se fondent exclusivement sur les accidents rapportés par la police. L’information dérivée des hôpitaux est montrée dans un supplément qui contient des statistiques médicales.
Certains pays ont entrepris des études approfondies sur les accidents graves, afin de mieux comprendre les facteurs de causalité des accidents et de déterminer les solutions possibles. Ces études portent, typiquement, sur un échantillon d’accidents de gravité élevée. Par exemple, au Royaume-Uni, le projet « On the Spot » a recueilli une information détaillée et de bonne qualité pour deux régions. Pour chaque accident, plus de 2 000 variables ont été recueillies à partir d’une recherche sur le lieu de l’accident peu après celui-ci, et du suivi effectué auprès des services médicaux et du gouvernement local. L’information a été analysée pour donner un aperçu de l’implication humaine, de la conception du véhicule, et celle de la route dans les facteurs ayant causé l’accident et les blessures. Mansfield et al (2008) ont effectué l’analyse initiale d’environ 2 000 accidents de ce projet. Une telle recherche peut fournir beaucoup plus de détails que ce qui est normalement disponible à partir d’un rapport d’accident, avec un degré plus élevé de fiabilité.
Des exemples similaires existent dans plusieurs autres pays, comme les États-Unis, l’Allemagne, la France, la Malaisie, l’Inde et l’Australie. Certains de ces programmes sont en place depuis des années, et ont apporté une grande quantité d’information précieuse. L’un des principaux produits du projet européen DaCoTa (qui a recueilli et analysé des données de pays européens sur divers aspects de la sécurité routière) sont des recommandations sur le recueil de ces données, ainsi que l’uniformisation des procédures (Thomas et al, 2013). Un réseau pan-européeen de recherche approfondie sur les accidents a été établi, et des outils tels qu’un manuel en ligne sur la recherche approfondie sur les accidents de la route ont été développés (voir http://dacota-investigation-manual.eu ).
Les États-Unis ont créé le Deuxième Programme Stratégique de Recherche sur les Routes, SHRP2 (Strategic Highway Research Program), qui comporte peut-être la base de données la plus exhaustive sur les facteurs avant et durant les accidents, et sur les quasi-accidents. Cette information comprend des données de la base NDS (Naturalistic Driving Study, étude sur la conduite en situation réelle), obtenues, auprès de 2 300 conducteurs, dans des conditions normales de conduite, grâce à des équipements installés à l’intérieur de leur véhicule.
La quantité massive de données recueillies par la NDS est complétée par la base de données sur l’information routière (RID, Roadway Information Database), qui inclut une information exhaustive sur l’infrastructure routière dans les zones étudiées, ainsi que d’autres données pertinentes (y compris sur les accidents). Cette base de données d’intérêt mondial doit servir pour des recherches sur le comportement et la performance des conducteurs. La page Internet suivante offre plus d’information : www.trb.org/StrategicHighwayResearchProgram2SHRP2/Pages/Safety_153.aspx .
Partager les données provenant de différentes sources est indispensable pour une collecte, une analyse et une intégration exhaustives. Le partage des données, en particulier entre la police et les autorités routières, est essentiel pour une bonne gestion de la sécurité routière.
Il est cependant important de noter que certaines organisations pourraient être réticentes à partager certaines données, en particulier les identifiants personnels, du fait des difficultés que cela pose quant à la vie privée et l’anonymat. Une solution est de collecter les données personnelles sur une page séparée du rapport d’accident (par exemple, le nom et l’adresse), qui peut ensuite être enlevée avant d’envoyer les autres pages aux agences partenaires. Dans certains cas, il peut être approprié de définir une politique de confidentialité pour assurer que le problème est traité, ou pour que certaines variables soient supprimées pour empêcher l’identification des personnes.
Les données sur les accidents sont en elles-mêmes une précieuse source d’information sur le risque d’accident, et cette valeur peut augmenter de manière significative si elles sont combinées avec d’autres données. Le chapitre suivant examine certaines des autres sources de données, et le chapitre 5.6 indique comment combiner ces sources.
Les données sur les accidents sont généralement considérées comme une source essentielle d’information pour évaluer et traiter le risque. Cependant, dans certains pays et plus particulièrement dans les PRFI, elles peuvent ne pas être fiables, ou même disponibles, et dans ce cas, des enquêtes supplémentaires et d’autres sources de données peuvent constituer la seule source disponible de données fiables sur la sécurité routière. Comme déjà indiqué au chapitre 5.2, cette information supplémentaire (indicateurs des résultats de la sécurité) est également importante pour la gestion de la sécurité routière car elle permet d’évaluer différents programmes, projets et politiques afin d’identifier leur effet sur les résultats. Ceci se fait à travers le recueil et l’évaluation de détails relatifs aux interventions mises en œuvre, et aux résultats intermédiaires.
Une variété d’autres sources d’information est aussi disponible, comme les données sur la conception et les caractéristiques des routes, les données de circulation, les données d’enquêtes et les données sur l’exposition au risque.
L’inventaire des routes constitue une source d’information majeure qui peut aider à évaluer la sécurité. Parce que l’impact des différents éléments de la route est bien connu, différents éléments ou combinaisons d’éléments peuvent donner une idée sur les problèmes causant des accidents, y compris les principaux types d’accidents résultant en décès ou blessures graves (voir le Chapitre 4). Les données suivantes sont particulièrement utiles :
Les points ci-dessus représentent la liste de base des types pertinents d’éléments de la route, mais de nombreux autres facteurs peuvent avoir une influence sur les résultats de la sécurité routière. Le Programme international d’Évaluation des Routes (iRAP) collecte des données sur presque 70 attributs (voir le site Internet http://www.irap.org/about-irap-3/methodology pour les détails sur ces attributs, le chapitre 10.4.4 sur l’iRAP, et l'Encadré 5.7 pour des exemples sur le recueil de données entreprises au Mexique).
Aux États-Unis, le modèle d’inventaire sur les éléments de la route (MIRE, Model Inventory of Roadway Elements) contient une liste de 202 éléments pouvant être utiles pour la prise de décision en matière de sécurité routière. Voir le site Internet : http://www.mireinfo.org/about.html pour plus d’information.
Le problème : environ 18 000 décès se produisent annuellement dans des accidents de la route sur tout le territoire du Mexique, avec une croissance annuelle moyenne de 1,9%. 25% de ces décès surviennent sur le réseau routier fédéral, qui constitue l’épine dorsale du système national routier et de transport.
La solution : afin d’améliorer la sécurité routière dans le pays, et par là la qualité de vie de ses habitants ainsi que les conditions de sécurité le long des principaux couloirs commerciaux nationaux et internationaux, le Mexique a lancé un projet de prévention visant dans un premier temps à évaluer 46 000 km de routes fédérales en 2012 et 19 000 km de routes collectrices par la suite en 2013. Le lancement du projet a coïncidé avec celui de la Décennie d’Action des Nations Unies, à laquelle le Mexique s’est joint, de sorte que le projet a été conçu à la fois comme une avancée majeure pour améliorer la sécurité routière, et comme le début d’un programme d’évaluation périodique des routes.
Les résultats : au cours de ses deux étapes, le projet a rendu possible la création d’une classification selon un niveau de sécurité pour chaque type d’usager de la route, et d’un plan d’investissement sur 20 ans pour accroître la sécurité. Le résultat de l’évaluation après les deux étapes a été, l’attribution de 1 ou 2 étoiles, vis-à-vis des occupants de véhicules, pour environ 50% des 46 000 premiers kilomètres. Les pourcentages sont encore plus élevés pour les autres usagers plus vulnérables.
Le projet a permis :
L’adoption de cette méthodologie comme programme périodique permettra le suivi de l’efficacité des mesures et des programmes mis en œuvre.
Étude de cas fournie par le Dr Alberto Mendoza, IMT, Mexico.
Les caractéristiques des routes doivent aussi être géo-localisées (dans l’idéal, grâce à un système lié à un SIG) pour permettre une analyse et des liens croisés.
Les données d’inventaire des routes pertinentes pour la sécurité routière peuvent être disponibles ou doivent être recueillies. Une évaluation de la situation devrait être exécutée pour vérifier leur existence (voir chapitre 5.3). Traditionnellement, les données d’inventaire des routes sont utilisées pour les audits ou les inspections (voir Chapitre 10), mais de manière plus récente, des méthodes ont été développées pour quantifier les résultats probables de sécurité routière, sur la base de ces éléments.
Le recueil de ces données peut se fonder sur des approches ad hoc (par exemple, par les inspections périodiques, des plaintes du public, etc.), mais dans l’idéal elles devraient l’être au moyen d’un programme exhaustif exécuté de manière régulière. L’approche la plus commune consiste en l‘extraction de données à partir d’images vidéo, et leur classification ou encodage postérieur par des experts formés à cet effet. Ces données sont ensuite saisies dans une base de données ou un registre du patrimoine routier (Encadré 5.8).
Le recueil des données d’inventaire des routes est extrêmement utile, mais elle doit cependant être effectuée de manière à minimiser les coûts (c’est-à-dire rapidement), et à assurer son exactitude et sa fiabilité.
Plusieurs méthodes de collecte sont disponibles. La technique la plus rudimentaire consiste à enregistrer les données sur des formulaires de collecte en circulant sur les routes. Cette approche ne peut être utilisée que sur des tronçons de route relativement courts, et il peut être difficile de collecter toutes les variables routières pertinentes en se déplaçant à la vitesse du trafic.
Le recueil assistée par ordinateur permet de recueillir des données plus extensives, et peut s’effectuer au moyen d’un ordinateur, d’une « tablette » portable, ou de caméras vidéo. Les données peuvent ensuite être saisies en toute sécurité au bureau. L’utilisation d’une tablette permet d’ajouter l’information à une base de données tout en se déplaçant le long d’une route, typiquement en utilisant la technologie d’écran tactile pour sélectionner les variables routières pertinentes. Différents symboles peuvent être affichés à l’écran pour faciliter une rapide saisie des données. Encore une fois, il est souvent difficile de saisir toutes les variables pertinentes tout en se déplaçant à grande vitesse ou dans des environnements agités ; l’enregistrement vidéo permet d’aider à la saisie et à la vérification ultérieure des données.
Une autre option est l’évaluation des données vidéo à partir d’un ordinateur de bureau. Une ou plusieurs caméras peuvent être utilisées sur tout le réseau d’intérêt. L’utilisation d’une seule caméra permet l’enregistrement d’informations dans une seule direction, vers l’avant, et plusieurs caméras permettent une meilleure collecte d’information sur la route et ses abords. Ces images vidéo sont ensuite utilisées pour encoder les variables d’intérêt, et peuvent être calibrées pour permettre des mesures (telles que la largeur d’une route ou la distance entre la route et des objets fixes situés sur les abords). Ceci permet une collecte plus exacte de l’information, et une identification spatiale exacte.
Les images vidéo sont analysées et peuvent être arrêtées pour l’étude d’environnements plus complexes. L’information obtenue à partir des images est ajoutée à la base de données pour analyse ultérieure. Elle peut être saisie manuellement ou au moyen d’un système de menu déroulant. Typiquement, les données sont recueillies pour de courts tronçons de route (par exemple, un segment de 10 mètres).
Graphique : Peupler une base de données avec des données d’inventaire routier relatives à la sécurité
Les nouvelles technologies en développement aideront à automatiser davantage le recueil des données sur les routes et leurs abords. Par exemple, il est possible de recueillir des informations sur des caractéristiques telles que la largeur de la route, le tracé horizontal et vertical, et l’état de la surface de la route en utilisant des radars (Light Detection and Ranging, LIDAR) et d’autres capteurs dans le véhicule.
Il est important de collecter et d’analyser les données de circulation, et plus particulièrement les volumes de circulation (trafic moyen journalier annuel ou TMJA), parce qu’elles peuvent être utilisées pour générer des taux d’accidents fournissant un bon indicateur des résultats de la sécurité, y compris sur des routes spécifiques, certains types de routes ou même sur des éléments de l’infrastructure. D’autres types de données sur la circulation comprennent :
Les données sur la circulation peuvent être recueillies manuellement ou au moyen de dispositifs automatisés de comptage de la circulation (par exemple, dispositifs de tubes pneumatiques ou de collecte permanente des données installés sur la chaussée).
En plus des données sur la circulation, d’autres sources de données sur l’exposition au risque incluent les données démographiques (population totale, total pour chaque tranche d’âge) pour une zone ou un pays, qui sont habituellement disponibles à partir des données des recensements nationaux. Les données sur l’immatriculation des véhicules sont aussi souvent recueillies et utilisées.
Les enquêtes de comportement collectent des informations sur les impressions des conducteurs, des autres usagers de la route, et des résidents. Elles sont considérées comme une importante source de rétroaction, et peuvent fournir un aperçu du comportement des conducteurs (par exemple, faible niveau de respect des limites de vitesse affichées).
Les informations sur le nombre de contrôles routiers de police (limites de vitesse, alcoolémie, port de la ceinture de sécurité), le nombre d’infractions (excès de vitesse, motocyclistes sans casque), et le nombre de conducteurs punis (amendes, pénalités ou emprisonnements) sont toutes des mesures utiles, qui aideront à évaluer l’impact de nouvelles politiques ou actions pour améliorer les résultats de la sécurité routière.
En plus des sources déjà mentionnées, d’autres informations utiles peuvent être obtenues à partir :
Le chapitre suivant examine d’autres types de données sur le respect des règles de circulation.
Les données sur la circulation et sur le comportement des conducteurs sont rarement disponibles. Il n’existe pas de liste type de données supplémentaires à collecter, et étant donné son coût, tout type de collecte doit être soigneusement planifié, qu’il s’agisse de collecte au niveau national ou visant des sites spécifiques. Les données supplémentaires ne devraient être recueillies que si nécessaire, et ceci de manière économique.
Le chapitre suivant offre une brève description de certaines des données d’enquête les plus communes, des différentes méthodes possibles, ainsi que des références à des documents utiles.
Une étude de vitesse ponctuelle consiste en le recueil d’échantillons de vitesses, sur un site routier spécifique ou sur plusieurs sites, qui seront ensuite analysées pour déterminer la distribution des vitesses des véhicules. Ceci est utile pour :
Les vitesses véhiculaires peuvent être mesurées manuellement (au moyen de radars, de pistolets laser, ou de chronomètres), ou automatiquement (boucles ou tubes). Les méthodes automatiques sont plus adaptées pour les études portant sur de vastes échantillons, parce que les boucles et les tubes peuvent enregistrer plus que les seules vitesses moyennes, comme par exemple les volumes de trafic, les mouvements tournants des véhicules et la mixité de la circulation. Ces composantes sont essentielles pour comprendre les problèmes de sécurité existant sur un site. Le Manuel sur la vitesse du FMSR (GRSF Speed Manual, 2008) et les études du gouvernement du Royaume-Uni (DETR, 2001) constituent des guides détaillés sur la mesure des vitesses et des volumes, et sur la manière de gérer les problèmes de sécurité liés à la vitesse. (Voir l’Encadré 5.9 pour une étude de cas sur le recueil de données sur la vitesse en Inde).
Le problème : des données sur les vitesses des véhicules étaient nécessaires pour une étude portant sur quatre États en Inde.
La solution : des données sur la vitesse et les volumes de circulation et aussi sur les accidents ont été recueillies sur le terrain sur quatre sites-échantillons, à partir des corridors routiers qui faisaient partie du Projet Quatre États 2011 en Inde (2011 Four States Project). L’équipe de recherche a effectué des études sur les vitesses et le volume de circulation pour déterminer la vitesse au 85e-percentile et la densité de la circulation dans ces corridors, par type de véhicule. Les chercheurs ont aussi recueilli les données disponibles de la police sur les accidents, et effectué des recherches sur les sites des accidents pendant presque deux mois, afin de parvenir à une meilleure compréhension des accidents. Ces visites sur le terrain ont été possibles grâce à une étroite collaboration avec les départements de police locale, et aussi à des patrouilles de routine régulières sur ces tronçons routiers.
L’étude a porté sur quatre routes d’États (deux dans l’état de Karnataka, et deux dans l’état de Gujarat), couvrant un total de presque 300 km.
Les résultats : il a été déterminé que les vitesses au 85e-percentile étaient largement au-dessus de la limite de vitesse affichée (qui dans certains cas n’était pas évidente), et de grands écarts de vitesse entre les différents types de véhicules ont été observés. Les voitures montraient des vitesses au 85e-percentile beaucoup plus élevées que celles des autres usagers de la route (deux-roues motorisés, bus et camions). De plus, l’écart entre les vitesses pour un même type de véhicule était aussi très élevé (par exemple, les véhicules motorisés à deux roues se déplaçaient à des vitesses allant de 25 à 80 km/h).
Certaines des principales leçons tirées de cette collecte de données sont que :
En plus de la production de classifications sur le plan de la sécurité, les données sur la vitesse ont conduit à des recommandations pour l’établissement de limites de vitesse fondées sur le retour sur expérience, ainsi que pour le contrôle policier de ces limites.
Source: Ravishankar Rajaraman, Manager - Safety Group, JPRI.
Mesurer le port de la ceinture de sécurité et du casque
Le FMSR a développé deux manuels distincts, l’un consacré aux ceintures de sécurité et systèmes de retenue pour enfants (FMSR, 2009), et l’autre aux casques (FMSR, 2006). Ces manuels montrent comment évaluer l’étendue du non-port de la ceinture de sécurité et du casque dans une région projetée, et comment concevoir, mettre en œuvre et évaluer un programme pour aborder ce problème. Ils donnent aussi une liste de sources possibles sur les manières de mesurer le port de la ceinture de sécurité et du casque, et sur le recueil de données à travers des enquêtes communautaires et des études d’observation.
Le FMSR a aussi développé un autre manuel de sécurité routière, similaire aux deux précédents, sur l’alcool au volant (FMSR, 2007), qui indique comment évaluer la situation et choisir des actions prioritaires, et comment concevoir, mettre en œuvre et évaluer un programme de lutte contre l’alcool au volant.
Ce guide suggère de collecter les données auprès des autorités pertinentes, telles que la police, les autorités routières et les secteurs de la santé, pour évaluer le problème. Les données sur le respect des règles de circulation existantes peuvent être obtenues à partir d’une combinaison de données sur les accidents (c’est-à-dire ceux impliquant des conducteurs et usagers avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale), du nombre d’infractions relatives à l’alcool détectées par la police, du pourcentage de conducteurs arrêtés avec un taux d’alcoolémie dépassant la limite légale, et au moyen d’enquêtes de comportement/résultats auprès des conducteurs (FMSR, 2007).
Il existe une variété d’autres résultats intermédiaires qui pourraient être mesurés, selon le type d’intervention mis en place.
En ce qui concerne les données sur les accidents, il est important que les données d’enquêtes soient enregistrées de manière à pouvoir être analysées facilement, et que le système permette de les croiser et de les comparer avec celles d’autres sources. Ceci est particulièrement vrai pour les enquêtes couvrant de vastes zones géographiques (par exemple, volume de circulation, données démographiques ou sur les l’infrastructure routière), et de tels systèmes peuvent déjà exister pour ces types de données. Une méthode commune est le croisement géographique des données par site, au moyen d’un système SIG (Système d’Information géographique). Typiquement, les systèmes SIG peuvent stocker une information croisée géographiquement pour une future analyse, et accepter plusieurs « couches » de différents types de données, ce qui permet une évaluation du risque plus poussée (voir Paragraphe 5.6).
Pour collecter, gérer et utiliser des données sur la sécurité routière, il est important de garder à l’esprit que la qualité des données peut se trouver compromise à n’importe quel stade du processus, du fait :
La faible qualité et la sous-déclaration des données sur les accidents peuvent avoir des conséquences (Austroads, 2005; OCDE, 2007), telles que :
Le présent chapitre se consacre aux facteurs qui affectent la qualité des données, aux méthodes d’étude des incohérences entre les données, et aux manières d’améliorer leur qualité. Bien que ce chapitre ne traite que des données sur les accidents, les problèmes de qualité se posent également pour les autres données qui doivent être recueillies et interprétées avec précautions.
Il arrive parfois que les données soient enregistrées de manière incorrecte par la police ou le personnel de saisie. Il est important de noter que, dans la plupart des cas, la personne qui remplit le formulaire sur le lieu de l’accident n’est pas la même qui saisira les données dans le système (OCDE, 2007). Les données incorrectes, incomplètes ou manquantes sont très rarement un fait intentionnel, et presque toujours le résultat d’une erreur humaine. Du fait de ses priorités et de sa charge de travail, la police ne peut pas toujours se rendre sur les lieux d’un accident ou avoir le temps de complètement remplir le formulaire d’accident (ce qui peut être pire dans le cas d’un formulaire de collecte inutilement long). Des définitions peu claires des champs (voir paragraphe suivant) peuvent aussi avoir pour conséquence une saisie incorrecte ou incomplète des données. Des situations similaires peuvent se rencontrer avec des données autres que celles concernant les accidents. Par exemple, des données sur l’infrastructure routière peuvent être encodées de manière incorrecte, ou des erreurs de saisie peuvent se produire lors d’une analyse des données sur la vitesse.
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La définition de chaque champ (type d’accident, gravité des blessures, lieu de l’accident, etc.) peut différer selon les sources de données (par exemple, dossiers de la police sur les accidents, dossiers des hôpitaux, déclarations de sinistres auprès des assurances), les pays et les régions. Ceci peut amener des complications dans l’identification des accidents considérés, dans la comparaison des bases de données, et dans l’évaluation de la qualité des données. Les définitions confuses les plus communes sont examinées ci-après.
Les catégories les plus communes de gravité des blessures sont les blessures mortelles, les blessures sérieuses/graves, et les blessures légères/sans gravité. Cependant, les méthodes utilisées par la police et les hôpitaux pour déterminer quelles blessures appartiennent à quelle catégorie de gravité peuvent être source de problèmes.
Une question qui revient toujours dans la comparaison des bases de données de différents pays est le cadre temporel qui s’applique aux accidents et blessures mortels. La règle des 30 jours définit un accident mortel comme un accident dans lequel la victime meurt sur-le-champ ou des blessures occasionnées par l’accident (à l’exclusion des suicides) dans les 30 jours suivants. La règle des 30 jours est la classification la plus commune dans le monde, en particulier dans les pays à revenu élevé et intermédiaire (OMS, 2010). D’autres pays, en particulier les pays à revenu faible, utilisent les définitions « sur les lieux » ou « dans les 24 heures » pour classifier les blessures, ce qui peut créer des incohérences entre les bases de données. Des facteurs d’ajustement ont été développés pour prendre ces différences en considération (OMS, 2010), mais ceci suppose cependant que des proportions similaires d’usagers vulnérables existent dans chaque système, ce qui n’est pas forcément le cas (OMS, 2010).
De plus, la règle des 30 jours implique un certain degré de coordination entre les officiers de police présents sur les lieux de l’accident et le personnel de l’hôpital, afin de mettre le dossier de l’accident à jour après la période de 30 jours. Toutefois, ceci n’est pas toujours le cas, du fait des différentes priorités et de la charge de travail des parties intéressées (OMS, 2010). La même question se pose en ce qui concerne la classification des blessures non mortelles, Une blessure grave est souvent classifiée comme « admission à l’hôpital », mais la police utilise souvent la classification de « toute personne quittant les lieux de l’accident dans une ambulance » (Austroads, 2005).
De même, il existe des différences entre ce que les hôpitaux considèrent comme une « blessure grave » (voir IRTAD 2011 pour un examen détaillé de cette question). Un nombre croissant de patients est envoyé dans des cliniques spécialisées (par exemple, cliniques de fractures) au lieu d’être hospitalisé. De ce fait, il est difficile de dire, dans certaines bases de données, si la tendance qui montre moins d’hospitalisations est le résultat d’un changement de la gravité des blessures ou d’un changement dans le système de gestion des services de santé (Ward, Lyons & Thoreau, 2006). L’IRTAD (2011) recommande que le statut de « blessure grave » soit attribué par le personnel qualifié des hôpitaux et non par la police sur les lieux de l’accident. Dans la réalité cependant, de telles vérifications sur le statut de la gravité des blessures ne sont pas souvent effectuées, et il revient à la police de déterminer sur les lieux de l’accident la gravité des blessures.
Dans certains pays, il est obligatoire de déclarer les accidents « sans blessures » ou avec seulement des « dommages matériels », et dans d’autres, non. Parfois le niveau de dommages doit dépasser un certain seuil monétaire pour être déclaré. Ce type d’informations supplémentaires peut être d’utilité, en particulier pour identifier le lieu de l’accident et de sa cause probable, et n’implique pas un coût plus élevé en termes de collecte et de saisie des données.
La définition des accidents de la circulation ou accidents de la route peut incorporer ou exclure les accidents impliquant des véhicules non motorisés. Elle peut aussi exclure les accidents survenus sur des routes privées ou des sites hors de la route tels que des parcs ou des stationnements. Certains pays collectent les informations sans égard au site (OMS, 2010).
Un autre problème courant est que les dossiers des patients externes des hôpitaux ne se concentrent souvent que sur la nature de la blessure (par exemple, fémur cassé), et négligent parfois de mentionner la cause de la blessure. Ceci peut rendre pratiquement impossible l’identification des cas liés à des accidents de la route, et réduit aussi l’information disponible permettant d’identifier et de traiter les lieux des accidents (OMS, 2010).
Plusieurs méthodes différentes sont utilisées pour déterminer les lieux d’un accident (chapitre 5.3), et chacune de ces méthodes peut être sujette à erreur. Il peut en résulter un enregistrement inexact ou imprécis du lieu de l’accident par la police, et rendre difficile l’évaluation de l’importance de sites particuliers d’accidents.
La sous-déclaration peut survenir à n’importe quel stade du processus de collecte et de saisie des données. L’OMS (2010) examine en détail les facteurs contribuant à la sous-déclaration dans les données de la police et des services de la santé. La sous-déclaration varie souvent selon la gravité des blessures, le mode de transport, le type d’usager de la route, l’âge des victimes et le lieu de l’accident. Les principales conclusions (Austroads, 2005; Ward, Lyons, Thoreau, 2006) indiquent que :
Cette question de la sous-déclaration peut être un problème significatif dans tous les pays, en particulier dans les PRFIs (Encadrés 5.10 et 5.11).
Le Rapport mondial de situation (OMS, 2013) utilise des estimations fondées sur un modèle de régression, pour les pays qui ne déclarent pas à l’OMS les décès enregistrés sous un format spécifique. Dans de nombreux cas, les estimations de l’OMS diffèrent considérablement des taux officiels déclarés de décès sur la route. Il a été estimé que certains pays ne déclarent que 15 à 20% des décès par accident de la route, et dans un cas, seulement 2,5%. De toute évidence, il y a beaucoup à faire pour améliorer les taux de déclaration.
L’étude de cas sur le système RCVIS au Cambodge (Paragraphe 5.3.2) met en lumière une approche possible, qui implique le recueil de données auprès de deux sources et qui a réduit de manière significative la sous-déclaration dans le pays. Une approche similaire a été adoptée en Indonésie, où des démarches ont été entreprises en 2009 pour améliorer le recueil de données, y compris le recoupement des données de la police avec celles des compagnies d’assurance et des hôpitaux. Le graphique ci-dessous montre que la déclaration des données a augmenté de manière substantielle à la suite de cette initiative.
L’OMS (2013) a signalé que cette action a eu comme résultat inattendu une augmentation substantielle du nombre des accidents de la circulation en 2010. Cette augmentation apparente n’est pas le résultat d’une augmentation réelle du nombre des décès par accident de la route, mais d’une amélioration du taux de déclaration des décès survenus. Plusieurs pays ont connu la même expérience d’une augmentation apparente du nombre des décès, alors qu’il s’agissait en fait d’une amélioration de l’exactitude des données. Cette amélioration des données permet une meilleure identification et une meilleure gestion des problèmes de sécurité routière. Cependant, l’illusion, que le nombre des accidents a augmenté, est aussi une question qui doit être gérée.
Source: OMS, (2013).
Au Mexique, l’Institut pour les Statistiques et la Géographie (INEC) a généré des statistiques officielles fondées sur le recueil de l’information sur les accidents de la route auprès de la police locale et des tribunaux, ainsi que de la police fédérale dans le cas des accidents sur les routes fédérales. Les décès sur les lieux de l’accident sont enregistrés à partir de ces sources, ce qui a donné en 2012 le chiffre de 10 008 morts. Par ailleurs, le Ministère de la Santé gère aussi une base de données à partir des certificats de décès déclarant un accident de circulation comme leur cause. A partir de cette seconde source, tous les décès de ce type sont enregistrés, et ceci a donné en 2012 le chiffre de 17 653. La différence entre les chiffres de ces deux sources provient des décès qui ne surviennent pas sur les lieux de l’accident, mais quelque temps après celui-ci. De plus, le chiffre de 17 653 en 2012 sous-estime le nombre total des décès dus à des accidents de la route, parce que dans le cas des accidents postérieurs à l’accident, le certificat de décès n’indique pas l’accident comme sa cause, mais une cause différente (par exemple, arrêt cardio-pulmonaire, mort cérébrale, infection, défaillance d’un organe).
Typiquement, les niveaux élevés de gravité des blessures ont les meilleurs taux de déclaration. De nombreux pays (en particulier les PREs) enregistrent tous les accidents mortels et ont un niveau raisonnable d’enregistrement des blessures les plus graves (par exemple, hospitalisations). Il est tout aussi courant que les blessures sans gravité soient moins déclarées. Une manière rapide de déterminer l’échelle probable des taux de sous-déclaration des accidents non mortels est de comparer les ratios des accidents mortels avec ceux d’autres types d’accident entre pays et régions. Bien qu’un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération (par exemple, type de route, parc des véhicules, vitesses moyennes, etc.), l’écart entre ces ratios peut indiquer des différences dans les taux de déclaration.
Les ensembles de données peuvent être évalués pour déterminer les niveaux de sous-déclaration et de qualité des données par comparaison avec d’autres bases de données. Une comparaison commune est celle des données de la police sur les accidents avec celles des hôpitaux sur les patients internes. Une autre source est celle des données de déclarations de sinistres auprès des compagnies d’assurance. Bien que ces évaluations soient très utiles, elles ne permettent pas de déterminer le nombre total réel d’accidents, parce qu’il n’existe aucun moyen de connaître le croisement exact de deux bases de données (OCDE, 2007). Certains accidents seront enregistrés dans la base de données sur les accidents de la police, mais comme les victimes ne sont pas toujours envoyées ou admises à l’hôpital (dans les accidents ne causant que des dommages matériels ou des blessures sans gravité), ils n’apparaîtront pas dans les bases de données des hôpitaux. A l’inverse, il y aura évidemment dans les bases de données des hôpitaux des enregistrements de blessures qui ne sont pas liées à des accidents.
Comparer les données de la police et celles des hôpitaux permet d’apprécier l’exactitude des cas d’accidents (en s’assurant que l’information saisie dans les deux bases de données soit la même) et aussi de poser les bases permettant d’estimer la proportion de cas non déclarés aussi bien dans les dossiers de la police que dans ceux des hôpitaux, ainsi qu’illustré dans le diagramme ci-dessous (OCDE, 2007).
Un problème commun avec cette technique est que certains pays ne permettent pas la diffusion du nom de la victime, et parfois même de codes d’identification personnelle. Les cas ne peuvent être associés que par d’autres caractéristiques (par exemple, heure, date et lieu de l’accident) (Austroads, 2005). Les données ne peuvent être conservées de manière fiable que si leur qualité est vérifiée régulièrement. L’OMS (2010) et l’IRTAD (2011) donnent plus de détail sur les méthodes d’évaluation de la qualité des données et sur les taux de sous-déclaration.
Il n’est typiquement pas possible de recueillir avec succès les données pour chaque accident survenu sur un réseau, mais il n’est pas nécessaire d’enregistrer tous les accidents pour pouvoir tirer des conclusions et identifier les priorités pour améliorer la sécurité routière (Austroads, 2005). Cependant, plus les bases de données sont complètes, plus leur fiabilité est grande.
Les principales étapes pour améliorer la qualité des données comprennent :
Le paragraphe 3.4.1 de l’OMS (2010) examine en détail de quelle manière les étapes énumérées ci-dessus peuvent être mises en œuvre. Il présente des solutions efficaces telles que le bénéfice tiré des systèmes de saisie de données comportant des fonctions intégrées de vérification pour minimiser les erreurs, et celui de maintenir la police informée des résultats afin que les agents se rendent compte de la valeur et de l’importance de cette tâche et de leur rôle dans son accomplissement. Il est également important de reconnaître qu’un équilibre doit être trouvé dans le nombre de détails que la police doit enregistrer sur les lieux d’un accident. Trop de questions auront pour résultat des rapports d’accidents incomplets ou manquants, et trop peu de questions limiteront les détails essentiels nécessaires pour les futures analyses.
Les données sur les accidents peuvent être extrêmement utiles pour un ensemble d’agences et de personnes :
Le chapitre suivant s’intéresse à la disponibilité des données sur les accidents, aux différents usagers, et aux efforts coopératifs internationaux actuels visant à améliorer ces données.
Selon l’OMS, des méthodes appropriées de partage des données avec chaque agence qui le demande devraient être mises en place, au moyen de rapports statistiques, de bulletins d’information, de sites Internet et d’ateliers de travail (OMS, 2010). Un excellent moyen de diffuser les données sur les accidents, si le financement est disponible, est une base de données publique et interrogeable en ligne, qui peut offrir des rapports personnalisés selon le lieu de l’accident, le type de blessures ou autres caractéristiques (OMS, 2010). L’Encadré 5.12 donne un exemple d’un tel système.
CrashMap (www.crashmap.co.uk ) est un outil en ligne, ouvert au public permettant des recherches sur les accidents (par gravité) pour savoir où et quand ils sont survenus. Les utilisateurs peuvent décider d’inclure tous les types d’accidents graves dans leur recherche, ou la limiter aux accidents impliquant des motocyclistes, des cyclistes, des piétons, ou des enfants. Les résultats de la recherche montrent une carte des lieux des accidents, marquée de repères en couleur indiquant le degré de gravité. Alternativement, les repères peuvent être d’une seule couleur mais montrer un chiffre supérieur à 1, indiquant que de multiples rapports d’accident existent pour un emplacement particulier. Chaque repère fournit une vue générale des circonstances de l’accident, y compris sa date, sa gravité, et le nombre de véhicules et de victimes impliqués. Souscrire au site permet des recherches encore plus détaillées sur les accidents pour un coût minime, lequel finance la tenue à jour du service.
Les médias sont une autre méthode efficace de diffusion des données, et peuvent agir en influençant les opinions publiques et politiques.
Il est important de garder à l’esprit qu’indépendamment de la méthode de diffusion, les responsables des données sur les accidents ont aussi la responsabilité de protéger la vie privée des personnes impliquées. L’OMS (2010) a décrit les démarches nécessaires à cette fin.
Les données peuvent être utilisées pour accroître la prise de conscience de certains problèmes particuliers au regard de la sécurité routière, et servir pour attirer l’appui à certains programmes, politiques ou l’affectation de ressources (OMS, 2010). Les activités usuelles de plaidoyer ou défense de la cause sont les ateliers de travail, les reportages et les campagnes d’information. Le plaidoyer ou la promotion de la cause sont importants pour la sécurité routière, pour dégager des sources de financement et le soutien du public. Il convient de noter que tout matériel pour la défense ou promotion de la cause doit prendre en compte l’audience sélectionnée et le contexte de la recommandation ou cause défendue pour avoir l’effet désiré. L’OMS (2010) donne des conseils à l’intention des décideurs politiques pour le développement de messages de promotion. L'Encadré 5.13 montre l’utilisation des données de sécurité routière aux fins de plaidoyer et promotion de la cause au Cambodge.
Le problème : en dépit de l’existence d’une base de données bien développée pour l’analyse des accidents de la route, l’information capitale n’était pas transmise aux parties prenantes concernées.
La solution : reconnaissant que des rapports trop longs ne sont probablement pas lus par les gestionnaires et politiciens de haut niveau, le Comité national sur la Sécurité routière du Cambodge a passé en revue les rapports du système de données sur les accidents. Un rapport résumé est maintenant préparé en plus des rapports détaillés. Il contient les titres principaux de l’analyse sur les conséquences des accidents, ainsi que des graphiques, tableaux et cartes claires et faciles à interpréter, pouvant être rapidement lus et compris. Cette information résumée est particulièrement utile aux fins de défense et de promotion de la cause, et pour informer les hautes autorités sur les problèmes critiques. Les rapports détaillés restent à la disposition des intéressés (par exemple, les personnels techniques).
Les résultats : l’information est présentée de différentes manières en fonction des besoins de l’utilisateur final, ce qui la rend désormais plus accessible aux principales parties prenantes.
Identifier les problèmes de sécurité routière
Les utilisateurs les plus courants des bases de données fondées sur l’information de la police sont les ingénieurs routiers, pour leurs travaux sur la sécurité. Les données sur les accidents sont utilisées pour identifier les sites à haut risque d’accident et si possible les facteurs de risque propres à ces sites. Ceci est expliqué plus en détail au Chapitre 10.
Pour identifier des sites à haut risque d’accidents, des groupes ciblés ou des facteurs particuliers de risque, les décideurs utilisent les données sur les accidents pour évaluer le problème, en termes des comptages, de la gravité, des tendances et des coûts des blessures (OMS, 2010). Il est donc important que ces professionnels aient accès aux caractéristiques des accidents telles que la tranche d’âge, le type d’accident et la catégorie d’usagers de la route, afin de pouvoir prendre des décisions éclairées quant à la priorité à donner aux problèmes à haut risque et aux solutions pouvant être efficacement mises en œuvre.
La police peut aussi utiliser ses données pour cibler ses opérations de contrôle du respect des règles de circulation sur un problème ou un site particulier. Il est important que la police reçoive un retour d’information régulier, afin qu’elle puisse constater l’impact de ses efforts de recueil de données et d’application des règles de circulation (OMS, 2010).
Suivre et évaluer les résultats des initiatives
Les données sur les accidents sont essentielles pour évaluer les nouveaux traitements et les politiques. Les évaluations fournissent une base de connaissances sur l’efficacité d’un traitement donné, et permettent d’assurer que les programmes actuels produisent les résultats attendus et désirés.
Les nouvelles analyses peuvent renforcer l’efficacité connue d’une initiative, au moyen par exemple du développement de facteurs modificateurs des accidents (FMAs). Le Chapitre 12 offre plus d’information sur le suivi et l’évaluation des contremesures de sécurité routière, y compris l’efficacité des traitements et le développement de FMAs.
La coopération internationale est essentielle pour la coordination et la comparaison. L’évaluation internationale peut aider à identifier et suivre les problèmes de sécurité routière, et à estimer l’efficacité de toute méthode mise en œuvre à grande échelle. La comparaison des résultats de la sécurité routière (avec d’autres pays, régions, villes, etc. similaires) peut conduire à l’identification de problèmes devant être abordés. Il est important de noter que ceci n’est pas réalisable sans une cohérence entre les définitions des champs. La coordination aide aussi les pays et les gouvernements à améliorer leurs systèmes de collecte et la qualité des données de sécurité routière (Encadré 5.14).
Figure 5.8 - Source: OECD/ITF, (2014).
En 1988, l’Organisation pour la Coopération et le Développement économique (OCDE) a établi la base internationale de données sur la circulation et les accidents de la route (IRTAD), qui contient des données pour plus de 30 pays, qui sont continuellement mises à jour et analysées pour en extraire des tendances. Cette base de données contient des informations sur la gravité des accidents, les catégories d’usagers de la route et leur âge, et aussi des détails pertinents tels que la population, la composition du parc des véhicules, la longueur du réseau routier, et les taux de port de la ceinture de sécurité. Ceci a permis des comparaisons très utiles entre les taux de décès des pays (par exemple, taux de décès routiers par 100 000 habitants). Le Groupe de l’IRTAD est un groupe de travail composé de statisticiens et d’experts en sécurité routière du monde entier. Son objectif principal est de contribuer à la coopération internationale en matière de collecte et d’analyse des données de sécurité routière. Ceci se fait à travers : 1) l’échange d’information sur les données recueillies, les systèmes de déclaration et les tendances dans les politiques, la recherche et les publications sur des problèmes critiques et émergeants en matière de sécurité routière, et 2) l’apport de conseils sur des questions spécifiques de sécurité routière aux pays membres. Le Groupe de l’IRTAD est également chargé du développement du réseau IRTAD et de la couverture de la base de données, de programmes de jumelage pour aider les PRFIs à améliorer leurs systèmes de collecte et de déclaration des données, de la Conférence de l’IRTAD, et de la publication du rapport annuel. Il produit aussi des définitions normalisées et des méthodologies de comparaison (par exemple, définition de la gravité des accidents et des blessures).
Dans le cadre de sa stratégie de sensibilisation dans les PRFI, l’IRTAD a lancé un programme de jumelage et travaille avec plusieurs organisations pour aider les PRFIs à améliorer leurs méthodes pour le recueil de données, l’établissement et la gestion de bases de données sur les accidents de la route. Il existe plusieurs de ces accords, comme les programmes de jumelage entre le Cambodge et les Pays-Bas, la Jamaïque et le Royaume-Uni, l’Argentine et l’Espagne ; d’autres partenariats sont en cours de développement. L’étude de cas de l’Encadré 5.15 renseigne sur l’accord de jumelage entre l’Argentine et l’Espagne, l’Encadré 5.16 offre plus de détails sur un observatoire régional en Amérique Latine.
Le problème : le manque d’information fiable et exhaustive sur les accidents au niveau national en Argentine.
La solution : en Avril 2010, la Banque mondiale a fourni le financement pour l’établissement d’un jumelage entre l’Argentine et l’Espagne, en lien avec l’IRTAD. L’Espagne a assisté l’Argentine dans l’amélioration de son système de recueil et d’analyse des données, en vue d’aider l’Agence nationale pour la Sécurité routière (ANSV, Agencia Nacional para la Seguridad Vial), l’agence chef de file en Argentine, à devenir un membre de l’IRTAD.
Le programme de jumelage impliquait des voyages d’étude en Espagne et l’apport de conseils sur la gestion des interventions en sécurité routière. L’aspect principal du programme était l’assistance au développement d’un système national, exhaustif et cohérent, de gestion des données sur les accidents. Le programme comprenait aussi la formation de praticiens dans toutes les juridictions, aux niveaux municipal, provincial et national, afin d’assurer une qualité et une analyse normalisées des données dans la préparation des diagnostics et des rapports.
Les résultats : grâce au développement d’une base de données nationale sur les accidents, les données de toutes les juridictions ont été recueillies au moyen d’un formulaire normalisé, afin de permettre l’inclusion de la base de données de l’ANSV dans le Groupe IRTAD. Le programme de jumelage a aussi créé l’accès au conseil d’experts, à l’information technique et à des méthodologies de recherche. Le succès du programme de jumelage a permis l’inclusion de l’Argentine dans la base de données IRTAD, ainsi qu’une coopération plus large en Amérique Latine, ce qui, à son tour, a conduit à la création de l’Observatoire latino-américain de la sécurité routière (OISEVI).
Le problème : le manque de capacité régionale pour collecter et analyser les données de sécurité routière.
La solution : le jumelage réussi entre l’Espagne et l’Argentine a eu pour effet l’établissement d’une coopération plus large entre des pays de l’Amérique latine et de la région caribéenne, baptisée l’Observatoire latino-américain de la sécurité routière (OISEVI).
Cet Observatoire a été créé en 2011 ; 18 pays s’y sont joints dans le but de partager les connaissances et les meilleures pratiques en matière de planification et d’établissement de politiques. L’objectif principal de l’OISEVI est de partager l’information sur la sécurité routière, en particulier les meilleures pratiques en formulation de politiques, planification, stratégies et gestion des données en matière de sécurité routière. L’Observatoire vise aussi à améliorer l’expertise et le partage des connaissances entre les praticiens de la sécurité routière, et à améliorer les résultats de celle-ci en Amérique latine.
L’OISEVI est soutenu par une base régionale de données sur la sécurité routière (hébergée par l’OCDE/ITF) fondée sur le modèle IRTAD, et destinée à aider les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes. Cette base de données utilise les mêmes définitions et pratiques de déclaration normalisées que le système central IRTAD, et a pour raison d’être des améliorations progressives dans la qualité des données, au fil des ans. Au vu du succès de ce modèle, l’OCDE/ITF explore les opportunités de reproduire cette approche dans d’autres régions du monde.
La base de données IRTAD LAC est une sorte de base de données « miroir », qui a la même structure que la base principale de données IRTAD, et est fondée sur la même enquête. La principale différence est qu’elle est un outil d’apprentissage, dans lequel les pays peuvent inclure leurs données nationales, même si elles sont incomplètes ou fondées sur des estimations. IRTAD LAC leur permet de se familiariser avec les exigences de l’IRTAD, de s’adapter aux méthodes de recueil de l’IRTAD (si nécessaire), et de se comparer avec les pays voisins. Une fois que les données sont consolidées et plus complètes, elles sont examinées par le Groupe de l’IRTAD en vue de leur inclusion dans sa base de données principale.
Les résultats : l’Observatoire a produit trois rapports annuels consolidant les données régionales de sécurité routière. Des conférences techniques ont aussi été tenues sur des sujets pertinents à leur région (par exemple, un atelier de travail sur la sécurité des motocyclettes). Les données de la ligne de référence ont été recueillies pour analyser les changements de comportement (sur la route) dans des pays pilotes. Les données ont été recueillies au moyen d’enquêtes d’observation sur les facteurs de risque d’accidents, tels que le non-port de la ceinture de sécurité, la distraction du conducteur, l’usage ou non de systèmes de retenue pour enfants, et la conduite en état d’ivresse.
L’Encadré 5.17 est consacré à la déclaration de l’IRTAD/OISEVI de Buenos Aires, Argentine, pour de meilleures données en vue de meilleurs résultats de sécurité routière.
En novembre 2013, 40 pays se sont joints à la Conférence IRTAD/OISEVI à Buenos Aires. La réunion a conduit à l’approbation de 12 recommandations en vue de meilleures données de sécurité routière pour de meilleurs résultats dans ce domaine :
des données factuelles (incluant le nombre de victimes tuées ou blessées par catégories d’usagers de la route, la date et l’heure de l’accident, etc.),
des données au niveau des produits (y compris des indicateurs de performance) et
des données contextuelles (y compris les données sur l’exposition au risque, telles que population, nombre de véhicules, distances parcourues).
Le site Internet suivant offre plus de détail : http://www.internationaltransportforum.org/jtrc/safety/Buenos-Aires-Declaration.html
En Europe, la base centralisée de données CARE (Community Road Accident Database – Base commune de Données sur les Accidents) est hébergée par la Commission européenne et contient des informations sur les accidents mortels et avec blessés. Les détails sur les accidents individuels sont conservés (c’est-à-dire que cette information n’est pas combinée), ce qui permet une analyse plus poussée. Un protocole de collecte des données a été développé, avec des variables communes spécifiées. La raison d’être de cette base de données est de rassembler les éléments permettant de :
Le site Internet de la Commission européenne offre plus d’information sur CARE :
Intégrer les données sur la sécurité routière offre de grands avantages, parmi lesquels :
Les principaux croisements de données incluent la combinaison de données sur les accidents avec des données sur la circulation, l’infrastructure routière, l’immatriculation des véhicules, l’inspection des véhicules et les statistiques démographiques.
Le processus de croisement se fait en plusieurs étapes, et peut être temporaire (par exemple, pour un projet spécifique ou des besoins de la police), ou permanent (par exemple, pour l’analyse et le suivi en continu). Les données doivent être recueillies dans un format facilitant le croisement, ce qui requiert habituellement la disponibilité d’éléments communs de données, Pour les éléments de la route (y compris les accidents), les données les plus utiles sont les coordonnées spatiales. Les données non spatiales requièrent un identifiant unique afin de pouvoir être croisées. Un système exhaustif d’information sur la sécurité peut avoir un grand nombre de fichiers composants.
Après avoir été croisées, les données peuvent être analysées par fusion des fichiers de données. Pour les données spatiales, un logiciel SIG peut être de grande utilité, en particulier pour cartographier les informations des différentes sources.
Après l’investissement initial, il peut être relativement peu coûteux de rassembler différentes sources d’information pour satisfaire une variété de besoins, et plus particulièrement si un identifiant unique a été attribué à chaque ensemble de données. Dans d’autres circonstances, et surtout si les données n’ont pas été saisies dans des formats compatibles, la tâche peut être assez considérable et impliquer un investissement substantiel.
L’une des fonctions de croisement les plus communes est celle du calcul des taux d’accidents, qui permet de comparer ou d’identifier les emplacements à haut risque. Par exemple, les données sur les accidents peuvent être combinées avec des chiffres de démographie, de volumes de circulation, ou d’immatriculation de véhicules pour permettre d’utiles comparaisons du risque. Dans l’idéal, celles-ci sont présentées comme un taux d’accident mortel ou causant des blessures graves. Chacune de ces mesures est utile à différentes fins, telles que :
Les données sur les accidents peuvent aussi être combinées avec des données sur l’inventaire des routes. À un niveau simple, ceci peut fournir des informations sur les caractéristiques actuelles d’une route, et sur de possibles améliorations de la sécurité de l’infrastructure. Par exemple, les données sur les accidents en sortie de route peuvent être présentées en parallèle avec les données sur l’emplacement des barrières latérales (sur les accotements) sur une carte, permettant une rapide analyse visuelle des endroits qui pourraient bénéficier de l’installation de nouvelles barrières.
L’Encadré 5.18 décrit le Système d’Information sur la Sécurité des routes aux États-Unis.
Le Système d’Information sur la Sécurité des Autoroutes (HSIS, Highway Safety Information System) des États-Unis est géré sous contrat par l’Administration fédérale des routes (FHWA). Le système HSIS contient des informations sur :
L’information sur les caractéristiques concernant les courbes, pentes et carrefours est également disponible pour certains États. La combinaison des différentes sources de données permet une analyse poussée de problèmes spécifiques de sécurité routière.
Un grand nombre d’études ont été effectuées à partir de cette riche source d’information, avec la production de plusieurs rapports, résumés et outils de recherche. Des exemples récents incluent :
Le site Internet de HSIS offre plus d’information : www.hsisinfo.org
Les récentes initiatives d’intégration des données impliquent la combinaison de données sur les accidents avec des données sur l’évaluation des risques routiers. Ceci fournit un outil très puissant pour identifier les sites à haut risque et les solutions possibles. Le Chapitre 10.5 et le Chapitre 11 explorent plus en détail la combinaison de ces données.
Par une évaluation des besoins de données :
Austroads (2005), Australasian road safety handbook volume 3, Why we continue to under-count the road toll, Austroads, Sydney, Australia.
DETR (2001), A road safety good practice guide for highway authorities, DETR, London, United Kingdom.
Global Road Safety Facility GRSF (2009), Implementing the Recommendations of the World Report on Road Traffic Injury Prevention. Country guidelines for the Conduct of Road Safety Management Capacity Reviews and the Specification of Lead Agency Reforms, Investment Strategies and Safe System Projects, Global Road Safety Facility World Bank, Washington DC.
Global Road Safety Facility GRSF (2013), Road Safety Management Capacity Reviews and Safe System Projects, Global Road Safety Facility, World Bank, Washington, DC.
GRSP (2006), Helmets: a road safety manual for decision-makers and practitioners, WHO, Geneva, Switzerland.
GRSP (2007), Drinking and driving: a Road Safety Manual for Decision-makers and Practitioners, Global Road Safety Partnership, Geneva, Switzerland.
GRSP (2008), Speed management: a Road Safety Manual for Decision-Makers and Practitioners, GRSP, Geneva, Switzerland.
GRSP (2009), Seat-belts and child restraints: a road safety manual for decision-makers and practitioners, FIA Foundation for the Automobile and Society, London, United Kingdom.
IRTAD (2011), Reporting on serious road traffic casualties: combining and using different data sources to improve understanding of non-fatal road traffic crashes, Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD), Paris, France.
Mansfield, H, Bunting, A, Martens, M & van der Horst, R (2008), Analysis of the On-the-Spot (OTS) road accident database. Road Safety Research Report 80, Department for Transport, London, United Kingdom.
OECD (2007), IRTAD special report: Underreporting of road traffic casualties, OECD, Paris. France.
OECD/ITF (2014) IRTAD Road Safety Annual Report 2014, Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD), Paris, France.
Ruengsorn, D, Chadbunchachai, W, & Tanaboriboon, Y, (2001), Development of a GIS based Accident Database through trauma management system: the developing countries experiences, a case study of Khon Kaen, Thailand, Journal of the Eastern Asia Society for Transportation Studies, 4, 5, 293-308.
Thomas, P, Muhlrad, N, Hill, J, Yannis, G, Dupont, E, Martensen, H, Hermitte, T, Bos, N (2013) Final Project Report, Deliverable 0.1 of the EC FP7 project DaCoTA.
Turner, B & Hore-Lacy, W, (2010), Road safety engineering risk assessment part 3: review of best practice in road crash database and analysis system design, Austroads, Sydney, Australia.
United Nations Road Safety Collaboration (UNRSC), (2011), Global Plan for the Decade of Action for Road Safety 2011 – 2020, World Health Organization, Geneva.
Ward, H, Lyons, R & Thoreau, R (2006), Under-reporting of road casualties: phase I. Road Safety Research Report 69, Department for Transport, London, United Kingdom.
WHO, (2010), Data systems: a road safety manual for decision-makers and practitioners, World Health Organization, Geneva, Switzerland.
WHO, (2013), Global Status Report on Road Safety 2013, World Health Organization, Geneva, Switzerland.
Ce chapitre est consacré aux calendriers d’établissement d’objectifs au niveau national, de plans et stratégies d’investissement, y compris les projets, nécessaires pour atteindre les objectifs choisis, ainsi qu’aux défis et conditions préalables nécessaires pour une mise en œuvre réussie.
L’expression « plans et stratégies d’investissement » se réfère à l’utilisation de ressources pour mettre en œuvre les stratégies et actions spécifiées, y compris les changements dans les politiques, et est utilisée de manière interchangeable dans ce Manuel avec l’expression « stratégies et actions ».
Les objectifs attachés aux stratégies sont un puissant moyen d’avancer l’agenda de sécurité routière, au niveau local, régional et national. Pour obtenir les meilleurs résultats, les pays agiront stratégiquement à ces trois niveaux. Fixer des objectifs au niveau organisationnel (par exemple, au niveau de l’agence de sécurité routière), est également utile pour aider à atteindre les objectifs nationaux.
Le chapitre 2 décrit l’établissement d’objectifs (quantitatifs) ambitieux, réalisables et mesurables, d’amélioration des résultats de la sécurité routière en vue de l’objectif à long terme du Système Sûr, comme le démontrent les meilleures pratiques internationales et les exemples de succès. Une fois qu’un pays a reconnu qu’il ne peut plus accepter les taux de décès et de blessures graves survenant sur son réseau routier, la réponse usuelle est de décider l’adoption d’un objectif et le développement d’un plan et d’une stratégie de soutien en matière de sécurité routière (un programme ou un ensemble de projets).
Les approches suivies par les PRE pour le développement d’objectifs et des plans et stratégies d’investissement correspondants sont habituellement plus élaborées et en général fondées sur une appréciation plus solide de la sécurité routière que ce qui est réalisable dans les PRFI durant la phase de définition de leur stratégie d’investissement en sécurité routière. Ceci tient principalement à l’écart entre les capacités et l’expérience des PRE et des PRFI, ainsi qu’à l’absence de données sur les accidents. La plupart des PRFI nécessitent une approche différente de celles suivies par la plupart des PRE (voir chapitre 6.2).
Les plans et stratégies d’investissement nécessaires pour atteindre les objectifs agréés ne doivent pas seulement être définis, ils doivent aussi être mis en œuvre avec succès (voir chapitre 6.5). Ceci représente un défi considérable.
Il est utile de considérer la fixation d’objectifs pour trois horizons temporels, à savoir : à long terme (par ex., éliminer les décès et les blessures graves), à moyen terme (par ex., l’objectif de la Décennie d’Action des Nations Unies de réduire de 50% les décès entre 2011 et 2020) et à court terme (par ex., des réductions sur une période de 3 à 5 ans).
Les objectifs à court et moyen terme devraient toujours être considérés comme des bornes sur la voie de l’objectif ultime d’éliminer les décès et les blessures graves, dont l’adoption déterminera la forme des actions planifiées et exécutées dans l’intervalle. Le chapitre 6.6 examine la fixation d’objectifs quantifiés pour ces trois horizons temporels.
Pour chaque horizon, des objectifs de résultats finaux (la mesure habituelle), de résultats intermédiaires et de résultats institutionnels peuvent être fixés, ainsi que décrit au chapitre 3. Ces options sont examinées plus en détail au chapitre 6.7.
Pour les PRFI, l’objectif sous-jacent sera le développement de la capacité de gérer la sécurité routière via un processus d’apprentissage par la pratique. Une première étape importante est l’identification des faiblesses du système de sécurité routière (aussi bien en termes de gestion que de risques sur le réseau). Elle devrait être suivie par l’adoption d’un projet de démonstration (dans tous les secteurs), qui constituera la phase de mise en place de la stratégie d’investissement et permettra d’acquérir des connaissances techniques et de gestion. Un fort engagement du gouvernement et un financement adéquat seront indispensables.
Cette première étape permettra de fixer par la suite, et en connaissance de cause, des objectifs à moyen et long terme, et de concevoir et mettre en œuvre avec succès des stratégies ou actions (pour les phases de croissance et de consolidation de l’investissement) fondées, dans le cas des PRFI, sur le déploiement dans tout le pays d’interventions modelées sur le projet de démonstration, la mise en application des conclusions tirées de l’examen des principales politiques dans le cadre du projet de démonstration, et la conduite de revues.
Le financement et la mise en œuvre d’un projet de démonstration (c’est-à-dire le traitement multisectoriel d’un corridor ou d’une zone urbaine, couplé avec l’examen de quelques politiques clés) est l’approche fortement recommandée pour développer la capacité de gestion d’ensemble de la sécurité routière.
Dans le cas des PRFI, l’engagement à améliorer les résultats de sécurité routière peut conduire à l’adoption d’un objectif fixé par le haut de réduction à court terme (par exemple dans les cinq prochaines années), en reconnaissant que l’atteinte de cet objectif initial sera des plus difficiles. Quoi qu’il en soit, l’attention devrait être focalisée sur un ou plusieurs projets de démonstration.
Pour aider à l’amélioration des résultats et l’atteinte des objectifs de sécurité routière, il est nécessaire d’adopter des stratégies et actions à court terme (un à trois ans), à moyen terme (trois à dix ans), et à long terme (plus de dix ans). Pour les PRFI, des progrès continus par des projets de démonstration sont l’option recommandée à court terme, avec ou sans objectif « idéal » (théorique) à court terme.
Pour les PRE autant que pour les PRFI, des plans et stratégies d’investissement soigneusement élaborés seront essentiels pour réaliser des progrès continus vers les objectifs à moyen terme, et enfin pour avancer vers l’objectif ultime à long terme d’élimination des décès et blessures graves (Chapitre 3). Une bonne compréhension de la relation entre les phases d’investissement et les horizons temporels de la stratégie est nécessaire (Graphique 6.1).
Graphique 6.1 : Les phases de la stratégie d’investissement : Lignes directrices de la Banque mondiale, 2009 Source : Adapté de Mulder & Wegman (1999).
La phase de mise en place (court terme) de la planification de l’investissement en sécurité routière se concentre sur la création d’une capacité centrale qui permettra d’initier puis de faire croître une amélioration ciblée et effective des résultats de sécurité routière. Les deux objectifs principaux, durant cette phase, devraient être :
Les projets de démonstration sont le moyen le plus efficace pour obtenir ces résultats, par les activités réalisées dans des corridors routiers spécifiques et l’analyse de certaines politiques clés.
Cette approche créera une plate-forme de connaissances pour aider ultérieurement à faire croître l’investissement, durant la phase de croissance, en vue d’accélérer l’amélioration des résultats de sécurité routière. Une grande partie des résultats durant la phase de mise en place dépend « d’activateurs » que sont une législation renforcée, de systèmes de données nécessaires, et la disponibilité d’une variété d’outils et de guides. Ceci demandera du temps, mais il est essentiel de prêter attention à ces questions très tôt durant la phase de mise en place, afin que les activateurs soient en place pour soutenir les phases suivantes de la mise en œuvre.
Les systèmes de gestion des données et les outils nécessaires pour permettre une meilleure planification des actions sur le réseau routier doivent être progressivement identifiés et développés, ainsi que décrit au chapitre 5. La capacité disponible pour utiliser ces outils et pour mettre les systèmes de données en place, déterminera la portée et le calendrier de leur introduction.
Pour la phase de croissance (moyen terme) de l’investissement, la priorité sera le développement d’un robuste cadre de gestion des résultats pour toutes les agences, et de programmes ciblés de sécurité. Dans les PRFI, ceci devrait se fonder sur les actions antérieures réussies des projets de démonstration et sur les enseignements tirés de la gestion de projet. Ces programmes devraient être déployés dans tout le pays, plus particulièrement sur les segments à haut risque du réseau routier. Les changements recommandés sur la base des examens de politiques effectués durant la phase de mise en place devraient être mis en œuvre ; la législation de même que les activateurs de cette même phase devraient étayer la mise en œuvre de procédures clés d’interventions. Un financement adéquat sera vital pour que cette phase permette une intensification majeure des interventions. Pour les PRE, l’expérience antérieure acquise durant les premières étapes devrait guider les étapes suivantes de cette phase de croissance.
Pour la phase de consolidation (long terme) de l’investissement, les principales priorités sont d’assurer que le cadre de gestion des résultats a bien été mis en place dans toutes les régions et tous les départements, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer l’efficacité de la gestion et de l’exploitation, tout en recherchant des opportunités d’innovations futures en matière de sécurité routière.
Pour les horizons temporels des phases de croissance et de consolidation, l’indispensable développement de stratégies pour atteindre les objectifs choisis dépendra de la capacité disponible à ce moment pour constituer des propositions pertinentes.
Le tableau 6.1 montre les relations recommandées entre les horizons des objectifs et les phases du plan d’investissement. Il donne une indication de la position probable (pour les objectifs et les activités d’investissement) dans laquelle la plupart des PRFIs et des PREs se trouveraient.
Les facteurs critiques de succès (aussi bien pour les PRE que pour les PRFI) comprennent la capacité d’un pays à :
Les lignes directrices pour l’examen de la capacité (FMSR, 2009, 2013; Chapitre 3.2.2) reconnaissent la nécessité de progresser, avec le temps, d’une faible vers une forte capacité institutionnelle, et de mettre en œuvre progressivement cette capacité améliorée. Ceci a bien sûr des implications pour l’efficacité des actions à court terme identifiées. Développer et essayer de produire une stratégie à court terme si les connaissances et les capacités de mise en œuvre ne sont pas suffisantes ne produira probablement pas de résultats significatifs durant la phase de mise en place (OCDE, 2008).
Établir, dans les PRFIs, les structures d’organisation et les processus des pays qui ont conduit une gestion systématique de la sécurité routière durant un certain temps, ne se fera pas du jour au lendemain. Bliss et Breen (2012) indiquent que pour arriver à de bons résultats, il faut une volonté politique à long terme qui se traduira en investissements en sécurité routière vers une variété de secteurs, ainsi qu’en matière de gouvernance et d’institutions, d’infrastructure, des parcs de véhicules, de normes d’accès à la conduite, de comportements de sécurité et du système de santé. Ce ne sont pas là des tâches triviales. Un temps suffisant doit être prévu pour le développement des compétences des personnes et des organisations.
L’Encadré 6.1 décrit le développement d’un cadre pour assister les nations africaines dans l’établissement d’un plan d’action stratégique national pour la sécurité routière. L’Encadré 6.2 traite des pays d’Asie du Sud-Est.
Le problème : l’Afrique a le taux per capita de décès par accident de la route le plus élevé du monde ; ce taux est supposé empirer d’ici à 2030. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime ce taux à 24,1 pour 100 000 habitants, contre 18,5 en Asie et 10,3 en Europe. Bien que l’Afrique ait l’une des plus faibles densités de réseau routier, seulement 2% des véhicules motorisés du monde, et ne représente que 12% de la population mondiale, elle compte pourtant pour 16% des décès par accident de la route dans le monde. Les accidents de la route causent deux fois plus de décès que la malaria. De nombreuses victimes d’accidents de la route sont pauvres, ou sont poussées dans la pauvreté par suite d’un accident de circulation. Les projets traitant de la sécurité routière sont généralement de petite taille et avec une coordination insuffisante pour obtenir des résultats mesurables de l’amélioration de la sécurité routière.
La solution : lors d’une conférence au Ghana en 2007, les Ministres africains chargés des transports et de la santé se sont engagés à améliorer les services de ces secteurs, afin de prévenir les accidents de la route. En 2011, le Plan d’Action africain pour la Sécurité routière 2011-2020 a été adopté, et approuvé par la Conférence des Ministres de l’Union africaine. Ce plan établit le cadre de développement d’un système de gestion de la sécurité routière visant à guider les pays d’Afrique dans leurs efforts pour établir une agence nationale chef de file et pour améliorer la sécurité routière et la santé publique. L’objectif de ce cadre est d’accroître la capacité nationale à aborder les problèmes de sécurité routière. Un engagement national est nécessaire pour diriger les efforts d’un pays en matière de sécurité routière et pour défendre des fonctions de gestion institutionnelle.
Les résultats : ce cadre constitue un outil pour la préparation d’un plan d’action national stratégique en sécurité routière, Le cadre décrit dans le Plan renforce les fonctions de gestion institutionnelle stratégiques de l’agence chef de file, afin de générer : une approche centrée sur les résultats pour aborder les problèmes de sécurité routière, des processus systématiques de gestion des données, la coordination entre les agences et les parties prenantes principales pour obtenir une compréhension et un soutien de la sécurité routière, une législation efficace pour les routes, les véhicules et les usagers, traitant du respect des règles de circulation et sanctions policières, l’affectation de financement et ressources suffisants aux initiatives de sécurité routière, la sensibilisation et l’éducation du public au sujet de la sécurité routière, le suivi des progrès et l’évaluation des succès.
Les agences chefs de file peuvent utiliser cet outil pour renforcer leur capacité à prendre de meilleures décisions d’investissement en sécurité routière.
Pour plus d’information, voir la page Internet du PTASS :
http://www.ssatp.org/en/publication/managing-road-safety-africa-framework-national-lead-agencies.
Source : Programme PTASS de Politique des Transports en Afrique, 2014.
Le problème : dans la région Asie et Pacifique, la rapide motorisation, et en particulier la croissance explosive des parcs de motocyclettes, crée des problèmes de sécurité routière graves et croissants. La crise est particulièrement aigue dans les pays asiatiques en développement, où les accidents de la route sont maintenant la deuxième cause principale de décès prématurés pour la tranche d’âge de 5 à 14 ans, et la cause principale pour la tranche de 15 à 44 ans qui représente le segment économiquement le plus productif de la population. Les accidents de la route ont des impacts majeurs sur la santé, la pauvreté et le développement social, et sur les économies des pays de l’Asie et du Pacifique. Dans les 10 pays que compte la région ASEAN, les accidents de la circulation sont la cause de plus de 106 000 décès et de plus de 5,7 millions de blessés chaque année (selon des données de 2008).
La solution : un projet fondé sur les travaux antérieurs couronnés de succès réalisés par la Banque asiatique de Développement pour les pays de l’ASEAN. Les tâches suivantes ont été entreprises :
Les résultats : les résultats attendus de ce projet comprennent :
La page Internet de la Banque asiatique de Développement offre plus de détail : http://adb.org/projects/details?page=details&proj_id=43080-012 .
Source : Banque asiatique de Développement
Établir des stratégies et plans d’investissement et des objectifs pour la sécurité routière est une tâche complexe, qui requiert la connaissance des risques existants, la compréhension de ce qui est faisable, et la capacité de gérer efficacement les processus nécessaires de changement au sein des agences pour intégrer les activités de sécurité routière.
Comme recommandé au chapitre 3.2.2, pour les PRFI, la première étape de leur activité dans le domaine de la sécurité routière (la phase de mise en place de l’investissement) sera de préparer des projets de démonstration, au lieu de s’embarquer dans d’ambitieux plans nationaux d’amélioration de la sécurité routière et d’établir des objectifs « idéaux », qui sont plus appropriés à moyen terme pour la phase de croissance de l’investissement.
Les PRFIs devront activement acquérir des connaissances et une capacité de gestion leur permettant de concrétiser ces projets et de les étendre à plus large échelle dans tout le pays. Cette expérience développera progressivement la capacité nécessaire à l’établissement des objectifs ultérieurs et le soutien aux stratégies et plans.
L’utilisation de projets adéquats de démonstration par les PRFI est examinée en détail au chapitre 6.5.3.
Il est important de noter que les projets de démonstration doivent être soigneusement adaptés au contexte de chaque pays. Même si ces projets vont générer de l’expertise, il est essentiel de préparer un programme continu d’actions ultérieures en fonction de la capacité de chaque pays. De cette manière, une « capacité permanente » peut être générée en vue d’améliorer la sécurité routière.
Pour les PRE, la réalisation, impliquant toutes les agences de sécurité routière, de projets de démonstration testant des traitements novateurs peut être aussi une manière efficace de préparer un déploiement plus large. Elle peut aider à renforcer la capacité et la direction institutionnelles, au partage de connaissances et à l’établissement de partenariats pour agir. Les projets de cette nature offrent une opportunité ciblée, par exemple, de tester et d’intégrer les approches du Système Sûr dans de nouvelles stratégies et dans les pratiques des agences de sécurité routière.
Dans tous les pays, des problèmes seront rencontrés avec le système de gestion, dans les résultats obtenus jusqu’alors, dans la portée et la qualité des interventions exécutées, et dans la capacité de gestion institutionnelle. Les résultats seront le reflet des actions menées et de leur efficacité, et dépendront de l’ampleur des systèmes critiques de soutien mis en place, tels que l’engagement à financer, la portée de la législation, et le niveau de dissuasion en place, y compris l’implication des institutions judiciaires et policières.
Des processus de gestion de la sécurité routière adéquats, c’est-à-dire liant les chefs des agences aux ministres, sont essentiels pour obtenir de bons résultats, ainsi que décrit au chapitre 3. L’Encadré 6.3 montre l’importance de liens forts entre l’administration, les élus et les ministres d’un pays.
Un cadre de coordination réunissant régulièrement les hauts responsables de la gestion de la sécurité routière de tous les secteurs pertinents et des responsables ministériels, pour : prendre des décisions opérationnelles aux niveaux inférieurs, formuler des recommandations de politique et rendre compte des résultats de la stratégie aux ministres, permet une vision d’ensemble nécessaire pour l’exploitation de la circulation routière et relever ses défis professionnels et politiques.
Des dispositions d’enquête publique au niveau parlementaire et des moyens de consultation générale avec les parties prenantes, y compris les groupes d’intérêts spéciaux, sont recommandés. Des pays ou régions pouvant servir de modèle sont : Victoria (Australie), le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Australie Occidentale, la Suède et les Pays-Bas.
Source : AIPCR (2012).
D’autres questions critiques devant être prises en considération sont :
Les pays étant confrontés à une variété de défis en sécurité routière, la capacité d’identifier les risques d’accidents au niveau du réseau routier est essentielle. Les PRE ont des taux élevés de motorisation de véhicules légers de passagers, alors que les PRFI ont habituellement des taux élevés de motorisation de motocyclettes, de forts volumes de piétons sur les accotements, et des parcs de véhicules comportant une grande proportion de véhicules lourds (camions et bus).
Les aspects qui influencent les risques d’accidents comprennent :
Les parts des volumes totaux de circulation sur autoroutes de bonne qualité seront différents selon les pays, et les risques d’accident sont moindres (par km parcouru) sur ce type de routes que sur les routes bidirectionnelles. C’est un exemple des grandes différences entre les problèmes auxquels les pays font face, et qu’ils doivent appréhender afin de préparer des plans de mesures correctives.
Comprendre la relation entre les résultats de la sécurité routière et les conditions de sécurité routière (par exemple, utilisation des terrains adjacents et contrôle des accès le long des routes, caractéristiques de la route et des abords de route, types, mixité et normes de sécurité des véhicules, vitesses de déplacement, respect des règles de circulation par les usagers, qualité des lois et règles de circulation, critères de permis de conduire pour les novices, et soins médicaux d’urgence du pays) est absolument indispensable pour évaluer le risque sous-jacent d’accident sur le réseau routier et pour prendre des mesures afin de réduire ce risque.
Deux études européennes emblématiques, l’étude SUNflower (par la Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas) et l’étude SUNflower+6 (par les trois pays d’origine plus la République Tchèque, la Hongrie, la Slovénie, la Grèce, le Portugal et l’Espagne) ont évalué plusieurs de ces conditions, et apporté des conclusions utiles sur la relation entre les résultats et les conditions sous-jacentes pour différents pays (Encadrés 6.4 et 6.5). Il est à noter que ces conclusions se réfèrent aux conditions sous-jacentes antérieures à l’année 2005).
Il est à noter que beaucoup des recommandations du rapport de cette étude, y compris celles citées ci-dessus, ont depuis été mises en œuvre dans les trois pays, avec des résultats positifs.
Source : Koornstra et al, 2002)
Cet encadré illustre les différences dans les conditions sous-jacentes et le risque entre trois pays d’Europe centrale (la Hongrie, la République Tchèque et la Slovénie) et les trois pays de l’étude SUNflower originale (la Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas) et (B) trois pays du sud de l’Europe (la Grèce, l’Espagne et le Portugal) et les trois pays de l’étude SUNflower originale.
(A) La Hongrie, la République Tchèque et la Slovénie
L’évolution de la sécurité routière a varié considérablement entre ces trois pays. Les résultats ont reflété les différences de stratégie nationale de gestion de la sécurité routière et de sanctions policières.
En Slovénie, l’amélioration sur plusieurs décades et jusqu’à 2003 a probablement été la conséquence a) d’une introduction précoce de plusieurs règles de la circulation routière, b) de leur application efficace, c) de la construction extensive de nouvelles autoroutes et voies express, d) d’une modernisation considérable du parc des véhicules et e) de l’introduction de plusieurs mesures de modération de la circulation et d’une amélioration générale des normes de sécurité de l’infrastructure routière.
La Slovénie a bénéficié d’une politique de sécurité routière plus flexible et plus efficace au niveau régional et national, avec des objectifs définis entre les parties prenantes.
Pour les trois pays, les résultats de la sécurité routière ont bénéficié de l’extension du réseau d’autoroutes dans les années 90 qui a redirigé la circulation sur un type de routes relativement plus sûr, et d’une ample mise en œuvre de mesures peu coûteuses de sécurité dans les municipalités (carrefours giratoires et autres éléments de modération de la circulation), la mise en œuvre étant décidée au niveau local.
Dans les trois pays, les progrès ont été plutôt lents par rapport aux objectifs. De plus, des améliorations de l’organisation, de la gestion et de la coopération entre toutes les parties prenantes de la sécurité routière, ainsi que l’affectation de ressources suffisantes, semblent être critiques pour des progrès supplémentaires.
(B) La Grèce, l’Espagne et le Portugal
Ces trois pays ont publié un plan triennal ou plus long (y compris l’année 2005) qui établissait des objectifs quantifiés de réduction du nombre de décès par accident de la route, un aspect relativement nouveau de la sécurité routière pour ces pays. Le Portugal visait une réduction ambitieuse de la moitié du nombre des décès à l’horizon 2010, tandis que les objectifs de l’Espagne étaient en ligne avec les projections européennes générales (White Paper de l’UE) et que celles de la Grèce étaient plus modestes.
L’organisation des activités de sécurité routière à un niveau central montre un ministère pilote engagé dans la mise en œuvre de la politique sur tout le territoire et dans la coordination interministérielle des activités. En Espagne, certaines provinces ont assumé la responsabilité d’organiser certaines des activités de sécurité routière.
Dans ces pays, la coordination verticale des activités de sécurité, depuis le niveau central vers le niveau régional puis local n’est pas bien développée.
(C) Résumé pour tous les pays de l’étude SUNflower+6
Pour certains pays, les changements identifiés étaient liés à d’importants changements politiques (Portugal, Hongrie, et République tchèque). La situation était similaire à celle des pays de l’étude SUNflower, à savoir une augmentation de la circulation motorisée avec une augmentation du nombre des décès. Ces augmentations ont attiré l’attention sur la sécurité routière, ce qui a conduit à de nouvelles politiques et mesures d’organisation de sécurité routière, dans tous les pays de l’étude SUNflower+6 sans exception.
Source : SWOV, 2005.
Pour comprendre l’échelle des problèmes existants dans un pays, il est nécessaire de disposer de données pertinentes. Des données plus exactes et extensives permettront probablement une évaluation plus exacte des problèmes et le développement de solutions mieux adaptées à ceux-ci. Ceci a été démontré dans le chapitre 5.
L’OCDE (2002) a souligné les avantages des visions, plans et objectifs fondés sur des données exhaustives sur les accidents et autres aspects de la sécurité routière. Elle a montré que sans une approche planifiée et fondée sur le retour d’expérience et des objectifs clairement déclarés, il est peu probable qu’une stratégie efficace puisse être définie ou mise en œuvre. Comme déjà indiqué au chapitre 5, sans données suffisantes il est difficile de justifier que la sécurité routière soit considérée comme une priorité au niveau stratégique, ou d’avoir une approche cohérente et fondée sur le retour d’expérience pour l’identification des problèmes et la définition et la mise en œuvre de contremesures spécifiques.
Le développement de systèmes fiables de collecte de données exactes sur les accidents, au niveau national et local, doit être une priorité. Si de bonnes bases de données sur les accidents sont essentielles pour connaître l’occurrence des accidents et pour identifier les principaux facteurs de risque, l’OCDE (2008) a souligné l’importance de mesurer aussi des résultats intermédiaires tels que : les vitesses libres moyennes, le nombre d’excès de vitesse, le taux de conduite en état d’ébriété, le taux de port de la ceinture de sécurité, et les classifications du niveau de sécurité du réseau routier et du parc de véhicules, ainsi que leur évolution au fil des ans (voir chapitre 6.7). D’autres facteurs ayant une influence majeure sur les résultats de la sécurité routière doivent aussi être mesurés, telles que :
L’analyse comparée de ces données est indispensable pour guider l’action à moyen terme. Le graphique 6.2 donne une idée de la difficulté de comprendre les risques d’accident au niveau d’un réseau.
Graphique 6.2 : Évaluer les risques sur le réseau : routes rurales principales au Sri Lanka Source : Eric Howard.
Cette image montre les conditions dangereuses inhérentes à cette infrastructure : l’accès non restreint à la chaussée depuis les accotements, et le faible niveau général de prise en compte de la sécurité routière sur ce tronçon de route. Des situations similaires abondent dans de nombreux pays dans le monde.
Nombreux sont les environnements à haut risque d’accidents. Par exemple, le risque augmente de manière considérable là où il existe des ouvertures médianes sur des routes artérielles principales, sans protection contre les collisions à l’arrière pour les véhicules tournant, ni protection pour les véhicules arrivant sur l’autre chaussée, ou ceux s’insérant ou traversant l’autre chaussée. Pour réduire les accidents de ce type, des négociations importantes sont nécessaires avec les propriétaires fonciers qui typiquement demandent l’accès à leur propriété, ou avec les usagers de la route souhaitant un aménagement pratique pour faire demi-tour. La prévalence de cette situation illustre les difficultés rencontrées par les autorités routières pour changer les réponses des populations aux circonstances de cette nature.
Les stratégies aussi bien que les actions sont des plans d’investissement. Cependant, Austroads (2013) note que des différences considérables existent entre les pays quant au contenu des plans d’action, et que l’un des principaux points de divergence est le niveau de détail des mesures spécifiques. Certains pays introduisent plus de détail dans la stratégie, d’autres réservent les détails pour les plans d’action, et d’autres encore fournissent des détails pour la période initiale de la stratégie (par exemple les deux premières années), mais comptent sur les plans d’action (révisés peut-être tous les deux ans) pour fournir les détails concernant les étapes ultérieures de la stratégie.
Austroads conclut qu’il n’existe pas de réponse correcte quant à savoir quelle est la meilleure approche à cette question. L’important est que la stratégie offre une flexibilité suffisante pour aborder tout problème spécifique survenant au cours de son déploiement (par exemple, à la lumière de nouvelles information sur des groupes de problèmes potentiels), et pour permettre des changements dans l’environnement politique (y compris dans le financement ou les priorités), ou en fonction de l’émergence de nouvelles technologies permettant de traiter le risque.
Pour choisir des actions pour la phase de mise en place, les pays doivent se demander quel serait un niveau élevé d’ambition (c’est-à-dire un objectif) pour cette période à court terme. Les actions pouvant être mises en œuvre en vue de tout objectif à court terme varieront considérablement d’un pays à l’autre :
Dans les PRFIs, les projets de démonstration et autres, tels que le renforcement continu des activités existantes de sécurité routière et le développement de systèmes informatisés de données pour l’enregistrement des permis de conduire et des infractions (et de leurs relations associées), seront un processus difficile et progressif, mais gratifiant. Il faudra un effort important, ciblé, et sur plusieurs années pour que les améliorations de la gouvernance dans le secteur public et la mise en œuvre des activateurs nécessaires amènent une bonne politique publique et de bons résultats de la sécurité routière.
Ce sont là des défis considérables. Il ne s’agit pas de décourager l’action immédiate, mais il est nécessaire d’avoir une idée réaliste de ce qui peut être fait à court terme. Ceci dépendra grandement :
Il est également vital de ne pas mettre en œuvre des actions pouvant avoir pour conséquence inattendue l’augmentation des risques d’accident. L’Encadré 6.6 présente l’impact non anticipé de la mise en œuvre de nouveaux revêtements de chaussée dans l’ancienne Allemagne de l’Est, qui a eu pour effet des vitesses de déplacement plus élevées et l’augmentation correspondante des décès, avant que des mesures correctives ne soient prises.
L’expérience de l’État allemand de Brandenburg dans les années suivant la réunification de l’Allemagne est pertinente pour d’autres pays émergents. La situation de départ était la suivante :
Une action précoce a reflété le manque de connaissances. Un programme de revêtement des routes existantes sans les mesures correspondantes de mitigation des risques a eu pour résultat des vitesses supérieures et une augmentation du nombre des décès. Il a fallu du temps pour identifier les initiatives appropriées pour la sécurité routière. Le succès a finalement été obtenu avec une réduction durable de 72% des accidents graves et de 81% des décès en vingt ans.
Source : Wenk & Vollpracht (2013).
Certaines interventions connues, si elles sont efficacement mises en œuvre, apporteront des résultats positifs dans n’importe quel pays (voir le Chapitre 11), parmi lesquelles :
Ces mesures recommandées sont applicables à tous les pays, mais il en existe d’autres tout aussi pertinentes pour rechercher l’amélioration de la sécurité routière dans les PRFI, dont :
Pour les PRFI, le défi est de parvenir à établir les préconditions nécessaires pour atteindre ces résultats. Ceci requiert généralement plusieurs années d’effort. L’amélioration de la sécurité routière est un processus continu exigeant un engagement continu.
Dans ces pays, il est également essentiel que l’attention portée au renforcement de la capacité de gestion institutionnelle permettant d’obtenir de meilleurs résultats de sécurité routière ne se perde pas dans la considération des interventions potentielles. Ce renforcement est vital pour soutenir la capacité à mettre en œuvre des mesures de sécurité routière efficaces, et constitue le principal défi en matière de sécurité routière dans tous les pays.
De plus, dans ces mêmes pays, des actions, plutôt que des stratégies complètes (qui devront être développées dans le futur) seront le plus utile pour guider les premiers pas (phase de mise en place) des activités en matière de sécurité routière. L’intention stratégique, c’est-à-dire l’adoption du principe du Système Sûr, le renforcement des dispositions de gestion institutionnelle, l’acquisition de connaissances et la constitution d’une capacité de recherche, sera nécessaire. Cependant, la production, d’une stratégie très élaborée et d’un objectif réaliste d’amélioration de la sécurité routière ne sera probablement pas un objectif réalisable dès le départ.
Comme indiqué au chapitre 3, la première étape pour les PRFI serait de développer et de mettre un œuvre un projet de démonstration en sécurité routière, qui pourrait consister en activités multisectorielles dans des corridors routiers sélectionnés, et inclure l’examen de politiques de sécurité routière dans des régions choisies. Tout ceci requiert une action coordonnée entre (et par) les agences de sécurité routière, mais à une échelle plus petite et plus facile à gérer que des projets au niveau national ou que l’examen potentiel de toutes les politiques.
Il est à noter que le terme « projet de démonstration » est parfois utilisé pour décrire le test, à petite échelle, d’un type de traitement spécifique (par exemple, un nouveau traitement innovant). Des conseils sur ces approches ou d’autres approches à faible coût sont fournis plus loin dans ce Manuel, à partir du chapitre 9. Dans le présent chapitre, le terme est utilisé de manière très différente, la distinction principale étant l’échelle et la nature multisectorielle de l’approche, et l’attention portée au développement de la capacité (décrit ci-dessous).
La capacité doit être développée progressivement, avec des mécanismes de coordination et de prise de décision acceptés par toutes les agences de sécurité routière. Elle doit ensuite être introduite et utilisée au quotidien. Des liaisons, jusqu’à la prise de décision au niveau politique (entre les ministères) doivent aussi être établies. Dans un tel environnement de développement inévitablement lent des connaissances et de la capacité, de grands bénéfices seront obtenus de l’apprentissage par la pratique.
Le livrable principal serait une capacité améliorée des agences de sécurité routière du pays à fournir des améliorations en la matière. Ceci enverrait aussi à la population un message clair que de meilleurs résultats peuvent être obtenus. L’Encadré 6.7 présente les objectifs de haut niveau des projets de démonstration du Système Sûr.
Les objectifs génériques de haut niveau des programmes de projets de démonstration sont de :
Source : FMSR (2013).
Les projets doivent inclure des traitements de base critiques et coordonnés dans des corridors routiers, tels que :
Les composants de développement politique des projets de démonstration (distincts des actions dans les corridors routiers) comprennent entre autres :
Les ressources, l’accompagnement et la persévérance nécessaires pour parvenir à des changements même mineurs dans l’approche par les agences seront substantiels. L’expérience a démontré que le niveau d’effort requis est constamment sous-estimé et sous-financé. Les projets sélectionnés de démonstration sont un moyen reconnu d’établir la capacité à fournir de meilleurs résultats en sécurité routière en développant l’engagement, les connaissances et les qualifications nécessaires pour une application ultérieure à l’ensemble du réseau.
La mesure (de référence ainsi qu’en continu) et le suivi des résultats intermédiaires sont un composant essentiel des projets de démonstration, et sont particulièrement importants pour les phases ultérieures de l’activité générale de sécurité routière. En résumé :
En l’absence de bases de données informatisées sur les accidents, les chiffres sur les décès peuvent être collectés grâce aux fichiers de la police et des hôpitaux pour les besoins du projet de démonstration dans un corridor routier, et habituellement (avec effort) aussi pour une zone plus large. Le pays serait alors en position de collecter le retour sur expérience pour évaluer les avantages du projet de démonstration, ce qui soutiendrait un programme de déploiement large pour la phase suivante à moyen terme, ou phase de croissance.
Les tableaux 6.2 et 6.3 font la liste détaillée des objectifs et des composants d’un projet de démonstration de sécurité routière, fondé sur des recommandations pour la phase d’établissement tirées d’un récent examen typique de la capacité de gestion de la sécurité routière par la Banque mondiale.
1 | Renforcer la capacité de gestion de la sécurité routière du pays A à réaliser un projet de démonstration. Mettre en place des dispositions de prise de décision concernant la sécurité routière aux niveaux de groupes de travail et de la direction des agences principales, ainsi que des modes de consultation avec les experts et les parties prenantes. |
---|---|
2 | Désigner une agence principale pour diriger le projet de démonstration et en spécifier les objectifs formels, les fonctions et les besoins en ressources. Ceci inclut une petite cellule consacrée à la sécurité routière pour apporter conseil et assistance administrative à la prise de décision coordonnée par les partenaires du projet. |
3 | Développement et mise en œuvre par les secteurs d’interventions dans un corridor sélectionné. Suivre et mesurer les changements dans les résultats de sécurité routière. |
4 | Identifier et conduire les examens de politiques sélectionnées pour traiter des priorités de sécurité routière. Émettre des recommandations pour améliorer les résultats de sécurité routière. |
5 | Accélérer le transfert de connaissances aux partenaires stratégiques. |
Ces cinq objectifs sont liés et se renforcent mutuellement. Le but est de créer un projet conjoint encourageant les agences à travailler ensemble et de manière constructive pour réaliser (et ensuite évaluer) un ensemble d’interventions multisectorielles de bonne pratique et bien ciblées dans des corridors identifiés pour leur risque élevé, faire d’autres examens de politiques, et accélérer le transfert des connaissances en matière de sécurité routière. Il est estimé qu’un projet de démonstration coûte environ 20 millions de USD (et au moins 10 millions au strict minimum), a quatre composants principaux, et doit être mis en œuvre sur une période de quatre ans (voir tableau 6.3).
Composants | Coût typique en millions de USD | |
---|---|---|
1 | Un comité exécutif financé et chargé du projet pour diriger et gérer les composants 2, 3 et 4. | |
2 | Des interventions dans des corridors de démonstration, à haut risque et fort volume de circulation (avec des segments urbains et zone rurale), avec un système de suivi et d’évaluation en place. | 19.0 |
3 | Des examens des politiques concernant les priorités en sécurité routière, comme par exemple :
| 0.4 |
4 | Acquisition des connaissances par une assistance technique, des voyages d’études dans d’autres pays, et un groupe ou cellule entièrement financé chargé de la sécurité routière. | 0.6 |
TOTAL | 20.0 |
L’échelle recommandée pour les projets de démonstration se situe autour de ce montant et de cet horizon temporel, parce qu’il est peu probable qu’un financement mineur puisse obtenir les résultats décrits plus haut. Les gouvernements et les agences de financement doivent reconnaître que le considérable changement dans la gestion de la sécurité routière, depuis les « meilleurs efforts » d’une agence individuelle vers une approche de gestion coordonnée, bien dirigée, impliquant le gouvernement tout entier, et permettant d’acquérir les qualifications nécessaires pour gérer une amélioration dans tout le pays, requiert un investissement et une direction significatifs. L’Encadré 6.8 présente un exemple de projet de démonstration.
Un projet de couloir de démonstration est en cours au Kerala, en Inde. Le corridor, qui est supposé bénéficier d’une amélioration majeure de la sécurité grâce à des efforts multisectoriels, est un tronçon de 80 km de long sur la Route MC, une autoroute d’Etat qui va de Kazhakkoottam à Adoor. Cette route principale passe par des zones rurales et de nombreux développements urbains (urbanisation linéaire) sur toute sa longueur.
Ce projet, financé par le gouvernement de l’état du Kerala et la Banque mondiale, s’étend sur trois ans, avec un budget de presque 14 millions de USD. Sa planification a commencé à la fin de 2014, et le développement de la capacité institutionnelle pour sa réalisation conjointe par toutes les agences de sécurité routière est en cours. Il est prévu que la conception du projet, la passation de marchés et la formation nécessaires commenceront à la fin de la première année du projet, et que la mise en œuvre complète soit effective au milieu des trois ans.
Plusieurs agences participent au projet, dans un groupe de gestion, qui rend compte au comité directeur de l’Autorité de sécurité routière du Kerala (KRSA), parmi lesquelles les ministères ou départements des Travaux uublics, des Véhicules à Moteur, de la Police, de la Santé, de l’Éducation, et la KRSA. Cette dernière est en cours de renforcement, afin d’assister et de soutenir les autres partenaires de sécurité routière. De plus, les conseils de districts (communautés locales) seront pleinement consultés sur les propositions.
Les interventions seront fondées sur l’application des principes du Système Sûr, et comprendront des traitements de sécurité pour une infrastructure plus sûre, tels que :
D’autres mesures, ne concernant pas l’infrastructure, comprennent :
Des campagnes sont aussi prévues pour informer la population sur l’objectif du projet, afin d’obtenir son soutien à celui-ci et des changements de comportement recherchés avec l’application de sanctions policières.
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Pour les phases de croissance et de consolidation de l’investissement, il sera nécessaire d’établir des plans d’action et stratégies exhaustifs. La capacité sera alors suffisante pour développer des propositions significatives dont la contribution probable aux objectifs proposés pourra être pleinement évaluée. Dans la dernière partie de la phase de croissance et au-delà, l’impact agrégé estimé des actions réalisées peut être utilisé pour déterminer un objectif (chapitre 6.6). Ceci est applicable tant pour les PRE que pour les PRFI.
La disponibilité d’une capacité, d’outils et de données sera essentielle pour permettre l’analyse du risque et la sélection d’interventions pertinentes. Une analyse majeure des risques d’accident, avec, par exemple, une stratégie à dix ans, pourrait être effectuée, au minimum, tous les deux ans, et servir à la mise à jour du plan d’action en cours.
Le développement des stratégies et actions de contremesures sera guidé par l’analyse des risques et des conséquences des accidents par type :
Les interventions (c’est-à-dire les contremesures) pour traiter des risques identifiés durant les phases de croissance et de consolidation de l’investissement peuvent être définies sur la base du retour d’expérience tiré des projets de démonstration, de l’expérience d’autres pays, et de la recherche en général. La deuxième partie du guide pour la sécurité routière de Austroads (2013) fournit un cadre conceptuel pour la sélection de contremesures fondée sur l’approche du Système Sûr et donne la liste des étapes pour :
Le guide décrit les techniques de base d’évaluation et les mesures économiques (rapport coût-bénéfice, valeur présente et taux de retour pour la première année), et examine l’importance de l’acceptation du public et de résultats coût-bénéfice favorables.
Dans les PRE aussi bien que dans les PRFI, de nombreuses interventions potentielles peuvent être appliquées au cours de la phase de croissance et au-delà. Les prochains chapitres (en particulier le 11) couvrent en détail les interventions d’ingénierie de sécurité routière et autres interventions (telles que l’amélioration, par la législation, du comportement des usagers, les sanctions policières, les permis de conduire, l’amélioration des normes des véhicules et celle des soins post-accident) qui sont aussi importantes.
Ces mesures se sont révélées efficaces dans de nombreux pays différents. Il sera nécessaire de déterminer quelles mesures peuvent être mises en place pour cibler les risques principaux d’accidents dans un pays, et ensuite de les mettre en œuvre. Ceci requiert des données, des compétences d’analyse, une connaissance des interventions potentielles, et une expérience suffisante pour guider les initiatives par des processus de développement de politiques et de législations, en particulier au niveau politique. Dans de nombreux pays, et en particulier dans les PRFIs, le manque de capacité pour mettre en œuvre des interventions connues pour leur efficacité est une contrainte.
Des solutions existent mais, par exemple, il se peut que le lien entre un problème général au niveau national et les initiatives spécifiques ne soit pas reconnu. Un mécanisme recommandé pour accroître la conscience du lien entre les actions potentielles et l’orientation stratégique est le forum ou l’atelier de travail pour l’échange d’informations entre états ou régions d’un pays, ou entre pays. Lorsque cette activité se concentre sur les expériences de mise en œuvre dans différents états, et examine des questions et éléments pratiques, il est probable que l’échange de connaissances sera un succès.
L’établissement d’objectifs peut s’appuyer sur les résultats estimés des plans d’actions adoptés. Alternativement (et le plus fréquemment), les objectifs peuvent être simplement « idéaux » par nature.
La plupart des PRE auront adopté un objectif de sécurité routière nationale sur une période de cinq à dix ans. La stratégie associée (plan d’investissement) pour atteindre l’objectif cibles sera probablement soutenue par des plans d’action sur deux ou trois ans, ce qui permet l’examen périodique et l’ajustement des priorités pendant la durée retenue pour la stratégie.
Dans certains cas, l’objectif sera une déclaration d’aspiration (« idéale »), descendante (du haut en bas, top-down), et la stratégie et les actions permettant de l’atteindre devront être déterminées promptement, mises en œuvre progressivement, et les progrès examinés régulièrement.
La fixation d’un objectif par le haut (top-down) , tel que l’objectif de réduction de 50% des décès entre 2011 et 2020 de la Décennie d’Action (Chapitre 6.6.3) sera beaucoup plus probablement utilisé dans les PRFI, du fait qu’ils ne disposent souvent que de peu d’informations fondées sur le retour d’expérience pour démarrer leurs efforts d’amélioration de la sécurité routière. Cependant, cette approche « idéaliste » peut souvent avoir des résultats à court et moyen terme décevants.
Dans le cas des PRE possédant de bonnes données sur les accidents, une compréhension des problèmes, les connaissances sur les solutions possibles, et de bonnes ressources dans les agences et la communauté de la recherche, des objectifs plus spécifiques peuvent être fixés. Dans certains PREs, les objectifs seront fondés sur un ensemble négocié d’actions stratégiques avec un impact calculé (estimé) sur les décès et les blessures graves. Il y aura des relations établies entre l’administration et le niveau politique, avant l’adoption et la publication des cibles (et de la stratégie associée), pour examiner et résoudre les problèmes de mise en œuvre (souvent au-delà des impacts du transport) qui autrement pourraient faire dérailler ou paralyser les initiatives. Ceci peut être considéré comme établir un objectif de manière ascendante (bottom-up).
La définition ascendante d’une stratégie potentielle en vue de fixer un objectif quantitatif est une approche utilisée dans nombre de juridictions en pointe. Cette méthode (Austroads, 2013) vise généralement à déterminer les tendances actuelles des accidents sur la base des évènements récents pour prévoir la circulation routière dans le temps, et tout changement potentiel dans les modes d’utilisation de la route (par exemple, changements dans le volume ou la composition de la circulation dus à la croissance économique). Elle cherche aussi à faire des hypothèses sur les taux futurs de décès en fonction de ces prévisions. Ceci permet de faire une prévision de référence montrant le changement attendu du nombre de décès sur la période de la stratégie, en l’absence de toute action. Ceci est souvent appelé le scénario au fil de l’eau ; c’est une étape importante du processus de définition de la stratégie, car sans cette estimation, il est impossible de prédire les gains de sécurité routière obtenus grâce aux initiatives planifiées. Cette situation de référence permet de tenir compte des changements dans la croissance de la population, de l’exposition au risque sur le réseau routier, et de divers facteurs économiques.
Les conséquences de ces prévisions sur les objectifs généraux de transport doivent être examinés, en particulier celles relatives à la santé publique, par exemple, les changements dans les modes de déplacement, les impacts sur les niveaux d’activité ou les impacts environnementaux (Racioppi et al, 2004). Des liaisons avec d’autres secteurs peuvent aussi être nécessaires, plus particulièrement celui de la santé, pour déterminer quelles autres politiques pourraient avoir un impact sur le scénario de référence.
Bien que cette approche ascendante soit un moyen puissant d’encourager un examen détaillé des options possibles, ceci ne garantit pas que les actions proposées soient acceptées au niveau politique. Les dirigeants peuvent ne pas les considérer comme nécessaires pour atteindre un objectif plus ambitieux. Quelle que soit l’approche, ascendante ou descendante, utilisée pour fixer un objectif, les connaissances et l’expérience étayeront la stratégie, le développement et la mise en œuvre du plan d’action. Les deux approches peuvent permettre une amélioration des résultats de sécurité routière. Cependant, tant qu’une capacité institutionnelle suffisante pour gérer la sécurité routière n’est pas en place dans un pays, il est peu probable qu’une approche ascendante soit faisable (chapitre 6.3). Pour cette raison, pour les phases de mise en place et de début de croissance de l’investissement, une approche descendante pour fixer un objectif sera probablement la seule option possible pour les PRFI (Tableau 6.4). Elle restera cependant une approche « idéaliste » ayant peu de chances de succès.
À première vue, il semblerait utile que les PRFI fondent leur sélection d’objectifs à court terme avec un horizon de cinq ou dix ans actuellement adoptés par les pays suivant les bonnes pratiques. Cependant, cette approche présente des inconvénients majeurs, car :
Les PRFIs peuvent souhaiter établir un objectif à court terme pour les premières années de la phase de mise en œuvre, parce que cette aspiration peut amener une amélioration. Cependant, ils doivent reconnaître qu’il est hautement improbable que cet objectif puisse être atteint avant que leur capacité de gestion de la sécurité routière ne soit renforcée.
Les plans et les objectifs établis au niveau local ou de l’état/région devraient refléter l’approche nationale, avec les variations correspondant aux contextes et intentions locales. De cette manière, une compréhension plus cohérente par la population, les praticiens de la sécurité routière et les politiciens aux divers niveaux du gouvernement peut être établie. Toutefois, l’établissement d’objectifs au niveau local (distincts du niveau état/région) sera probablement problématique, parce que à ce niveau, les données, les ressources et le niveau d’expertise ne sont généralement pas aisément disponibles. De ce fait, l’adoption d’objectifs se fait souvent au niveau national ou de l’état/région.
En Australie, l’État de l’Australie Occidentale a choisi une approche ascendante pour l’établissement d’objectifs intermédiaires (Encadré 6.9).
En Australie, l’état de l’Australie Occidentale (WA, Western Australia) a développé une stratégie de sécurité routière fondée sur le Système Sûr, pour la période de 2008 à 2020. Un modèle mathématique a été construit pour montrer les avantages projetés de la mise en œuvre d’une combinaison de contremesures fondées sur les meilleures pratiques du Système Sûr. Plusieurs options et combinaisons d’avantages dérivés d’une gamme de choix de politique et de financement ont été proposées au public à travers un programme exhaustif de consultations, à mesure que la stratégie était développée.
La philosophie du Système Sûr en Australasie aspire à prévenir à long terme les décès et les blessures graves sur le réseau de transport routier. L’approche de WA affirme que considérer la sécurité routière sous cet angle aura pour résultat de nouvelles conceptions de routes fondamentalement sûres. Ces conceptions et protocoles d’exploitation sûrs peuvent faire avancer à grand pas la sécurité routière, contrairement aux progrès incrémentaux qui caractérisaient les approches traditionnelles.
En utilisant des estimations fondées sur le retour sur expérience et des données récentes sur les accidents, le modèle mathématique a projeté des réductions futures d’accidents graves pour chaque année entre 2008 et 2020. Ces réductions projetées ont été cumulées pour toute la durée de la stratégie pour chaque initiative, en supposant que seule celle-ci est mise en œuvre. Une gamme complète d’options de meilleures pratiques du Système Sûr, obtenues à partir de combinaisons de routes et d’abords de route sûrs, de vitesses sûres, de véhicules sûrs et d’une utilisation sûre de la route, a été créée pour permettre la comparaison des réductions d’accidents graves.
La principale mesure de la valeur de chaque option était le nombre total prédit d’accidents graves évités sur la durée de la stratégie. Ces réductions ont été estimées par rapport au nombre d’accidents graves à attendre en l’absence d’une stratégie significative pour la sécurité routière. (une compensation a été prévue pour l’effet combiné de la croissance de la circulation et de la réduction des accidents graves dues à l’augmentation de la motorisation, et pour l’impact des retards potentiels dans la mise en œuvre d’une mesure). Le modèle a fourni les deux résultats suivants :
Une combinaison optimale de ces initiatives fondées sur le Système Sûr a été proposée. Si elle avait été pleinement adoptée, cette combinaison aurait permis en 2020 une réduction estimée des accidents graves en Australie Occidentale d’environ 50% par rapport au niveau de 2006.
Source : MUARC (2008).
La méthode la plus utilisée pour fixer un objectif est l’approche descendante ou « idéale », qui est en fait la seule faisable durant la phase de mise en place, et peut aussi servir efficacement durant les phases de croissance et de consolidation. La Suède utilise par exemple un mélange d’approches ascendantes et descendantes pour établir ses objectifs de résultats de la sécurité routière intermédiaires (Encadré 6.10).
En 2012, la Suède a effectué un examen de sa stratégie 2010 - 2020, de ses objectifs (d’alors) intermédiaires et de ses indicateurs de résultats, pour s’assurer que les objectifs de résultats de sécurité routière restent ambitieux et réalistes. La réduction du nombre des décès pour les trois années antérieures à 2012 avait dépassé les résultats prédits et les objectifs de progrès vers 2020.
Les agences se réunissent six fois par an pour suivre les résultats de sécurité routière par rapport aux objectifs adoptés pour 2020, pour partager les connaissances et pour coordonner les efforts. L’objectif initial en matière de sécurité routière spécifiait un objectif intermédiaire de réduction de moitié des décès et d’un quart du nombre des blessures graves entre 2007 et 2020, et les mesures concernant les enfants devaient avoir une priorité spéciale.
Depuis l’adoption de ces objectifs intermédiaires, les progrès ont été gérés et suivis au moyen de 13 indicateurs de résultats. Les résultats ont été présentés, analysés et discutés lors de conférences annuelles depuis 2009. L’analyse des résultats de 2011 a pris en considération les récentes tendances passées et les options futures pour les résultats, et montré que l’objectif actuel de nombre maximum de décès en 2020 serait atteint d’ici là grâce aux tendances prévisibles pour les véhicules et l’infrastructure. Ceci ne prenait pas en compte les contributions attendues d’autres mesures (telles que usagers, vitesses, soins post-accident, etc.). La plus grande amélioration serait réalisée dans la protection aux usagers de la route.
L’analyse montre qu’il est possible d’élever les objectifs de réduction jusqu’à 50% des décès et 40% des blessures très graves entre 2010 et 2020, mais ceci exigerait des mesures au-delà de celles du scénario initial, et représenterait environ 70 décès et 210 blessures très graves de moins chaque année. Le graphique montre des objectifs alternatifs pour l’évolution du nombre de décès par accident de la route d’ici à 2020.
Les raisons pour effectuer une analyse sont, entre autres, que :
Conclusions de l’analyse :
Pour qu’une stratégie de sécurité routière soit un succès, des objectifs quantitatifs ambitieux mais réalistes sont nécessaires, parce qu’ils sont associés de manière significative à l’amélioration des résultats de sécurité routière (Chapitre 2). Ils doivent également être mesurables afin que le niveau d’aspiration soit clair, que la mesure dans laquelle l’objectif a été atteint puisse être déterminée, et, dans le cas contraire, que l’écart avec l’objectif puisse être mesuré..
Dans les dernières décennies, des objectifs quantifiés au regard de la sécurité routière ont été fixés dans plusieurs régions et pays, dont la Finlande, la France, les Pays-Bas, la Suède, le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande et les États-Unis (Chapitre 2).
L’Irlande a obtenu une réduction substantielle du taux des décès par accident de la route dans les dernières années, et s’est positionnée comme l’un des pays de l’Union européenne ayant les meilleurs résultats. Sa stratégie, adoptée pour la période 2013-2020, comportait une réduction de 24% des décès et de 40% des blessures graves sur cette période (Autorité de la Sécurité Routière, 2013).
De nombreux pays ont adopté un objectif de réduction de 50% des décès et des blessures graves entre 2011 et 2020 de la Décennie d’Action des Nations-Unies. L’Indonésie par exemple a adopté cet objectif de réduction de 50% (des victimes par rapport à la population) ainsi que la stratégie et les actions politiques nécessaires pour l’atteindre d’ici 2020. Elle a aussi établi une cible de réduction de 80% du taux de décès par rapport à la population d’ici à 2035, et identifié les actions politiques permettant de l’atteindre. Ces objectifs et ces actions politiques sont exposés dans le Plan Directeur pour la Sécurité Routière 2011-2035 (République d’Indonésie, 2011) pour la période jusqu’à 2015 et ensuite pour chaque quinquennat jusqu’à 2035. Les progrès ont été lents. Les mesures, l’évaluation et la reddition de comptes sur les progrès par rapport au Plan Directeur ont été accrues de manière considérable, en 2014, avec une attention particulière au détail des activités (contenu, calendrier, ressources) nécessaires pour réaliser les actions du plan.
Les plans nationaux doivent avoir une flexibilité suffisante pour accommoder les préférences locales, et pour que les priorités puissent être identifiées et intégrées dans les plans locaux.
En plus des objectifs de résultats généraux, finaux, pour les décès et les blessures graves, fixés dans la stratégie, des objectifs de résultats peuvent aussi être fixés pour différents groupes d’usagers exposés au risque, ou pour diverses catégories de risques selon les piliers du Système Sûr. Par exemple, l’actuelle stratégie Safer Journeys (Déplacements Plus Sûrs) 2010-2020 de la Nouvelle-Zélande (Ministère des Transports, 2010) vise à une réduction de 40% du taux de décès des jeunes adultes et de 20% des décès par accident dus à l’abus de drogues ou d’alcool. (Tableau 6.5).
Objectif visé | Objectif de réduction |
---|---|
Augmenter la sécurité des jeunes conducteurs | Réduire le taux des décès sur la route chez les jeunes adultes de 21 par 100 000 habitants à un taux similaire à celui des jeunes australiens, de 13 pour 100 000 habitants |
Réduire la conduite sous l’effet de la drogue ou de l’alcool | Réduire le taux de décès dus à la conduite sous l’effet de l’alcool ou de la drogue, actuellement de 28 morts par million d’habitants, à un taux similaire à celui de l’Australie, de 22 morts par million d’habitants
|
Parvenir à des routes et des abords de route plus sûrs | Réduire significativement les risques d’accidents sur les routes à haut risque de la Nouvelle-Zélande |
Parvenir à des vitesses plus sûres | Réduire significativement l’impact de la vitesse dans les accidents en réduisant le nombre d’accidents attribués à l’excès de vitesse en général ou à l’excès de vitesse dans certaines conditions |
Augmenter la sécurité en motocyclette | Réduire le taux d’accidents en motocyclette ou en vélomoteur de 12 par 100 000 habitants à un taux similaire à celui de l’état australien de Victoria, qui a les meilleurs résultats avec un taux de 8 décès par 100 000 habitants |
Améliorer la sécurité du parc de véhicules légers | Faire entrer dans le pays plus de nouveaux véhicules avec les derniers équipements de sécurité. L’âge moyen de 12 ans du parc néo-zélandais de véhicules légers devra aussi baisser à un niveau similaire à celui de l’Australie, qui est de 10 ans |
Améliorer la sécurité des piétons et des cyclistes | Obtenir une réduction du risque d’accident des piétons et en particulier des cyclistes, et encourager en même temps l’utilisation de ces modes avec une infrastructure routière plus sûre |
Améliorer la sécurité des véhicules lourds | Réduire le nombre d’accidents graves impliquant des véhicules lourds |
Réduire l’impact de la fatigue et aborder la distraction | Faire de la gestion de la distraction et de la fatigue une part habituelle du comportement d’un conducteur sûr et compétent |
Réduire l’impact des conducteurs dangereux | Réduire le nombre de contrevenants récidivistes conduisant sous l’effet de l’alcool ou de la drogue, et les courses de rue
|
Augmenter le niveau de port des systèmes de retenue pour enfants | Parvenir à une utilisation correcte et à un taux de 90% de port des systèmes de retenue pour enfants, et rendre l’utilisation des sièges rehausseurs pour enfant obligatoire pour les enfants de 5 à 10 ans
|
Augmenter la sécurité des personnes âgées de la Nouvelle-Zélande | Réduire le taux de décès des personnes âgées néo-zélandaises de 15 par 100 000 habitants à un taux similaire à celui de l’Australie, de 11 morts par 100 000 habitants. |
Austroads (2013) analyse l’intérêt de prédire la croissance probable de la circulation, comme par exemple les impacts attendus d’une augmentation du nombre de camions. En l’absence d’intervention, l’augmentation de la circulation de véhicules lourds conduira à une augmentation des blessés sur la route. Il est important de prendre en compte ces impacts pour estimer les objectifs de résultats généraux de sécurité routière, en particulier ceux fixés par une approche ascendante.
Selon l’OCDE (2008), les résultats intermédiaires (indicateurs de résultats) sont un élément de grande valeur pour la prédiction des résultats finaux (les chapitres 3 et 5 présentent des mesures de produits et résultats intermédiaires et finaux). L’évaluation, le recueil et le suivi des données sur les résultats intermédiaires pour des facteurs sélectionnés fourniront un moyen de mesurer les progrès dans le temps. Ce suivi efficace encourage la prise de conscience et la compréhension. Ceci permet aussi une prédiction raisonnablement fiable des changements probables dans les taux de décès et de blessures graves pour chaque élément mesuré.
Plusieurs mesures possibles des résultats intermédiaires sont présentées dans les chapitres susmentionnés, comme par exemple les taux de port de la ceinture de sécurité, de surveillance des vitesses, de l’effet de l’alcool dans les accidents graves et mortels, et de port du casque. Dans le cas des PRFI, les mesures suivantes de résultats intermédiaires peuvent être ajoutées :
Selon Austroads (2013), une manière de lier ces mesures aux résultats désirés (objectifs adoptés) est de développer un cadre de gestion par les résultats associant directement les enjeux de la stratégie (c’est-à-dire ce qui sera réalisé) avec les résultats (à savoir ce qui doit être atteint). C’est une approche utile qui concentre l’attention sur les résultats principaux, encourage l’estimation de l’efficacité des produits d’après les résultats intermédiaires et finaux obtenus, aide au processus de suivi. Ce sera une activité ultérieure (durant les phases de croissance et de consolidation) dans la plupart des PRFI.
Souvent, les stratégies peuvent inclure des objectifs de résultats intermédiaires (ou des indicateurs de résultats de sécurité routière), et s’appuyer sur des mesures de résultats intermédiaires pour prédire les impacts sous-jacents sur les résultats visés. Dans certains cas, des objectifs de productions seront aussi inclus dans la stratégie.
Des objectifs de résultats finaux ou intermédiaires ou de production peuvent aussi être établis à un niveau organisationnel (de l’agence de sécurité routière), comparés à l’objectif général de résultats finaux pour l’ensemble du pays, qui devrait être atteint grâce aux contributions de toutes les agences.
Par exemple, une autorité routière peut calculer la réduction du nombre de décès (résultats) attendue du traitement de certains points noirs ou d’un programme de réduction des risques d’accidents sur certains tronçons de route. Elle peut mesurer les réductions des vitesses moyennes (une mesure de résultats intermédiaires) obtenues grâce à l’installation de dispositifs surélevés de réduction de la vitesse à des points du réseau où les risques de décès de piétons ou d’accidents aux carrefours sont les plus élevés. Enfin, elle peut déterminer le nombre de points noirs ou de tronçons du réseau traités pour réduire les risques d’accidents graves (une mesure des productions).
Pour toute organisation, il est de la plus grande utilité d’avoir son propre plan stratégique, des actions et des objectifs fondés sur la stratégie générale nationale. La stratégie d’une agence devrait indiquer, d’une manière aussi mesurable que possible, ce que l’agence pense faire et comment elle le fera, pour remplir ses obligations contribuant à l’objectif général national.
L’établissement d’un objectif de sécurité routière représente une opportunité majeure d’informer la population sur les risques de sécurité existants, sur les mesures disponibles pour les réduire, et de rechercher ouvertement et activement son soutien à l’amélioration des résultats.
Il est de plus très important que le soutien politique d’objectif aille de pair non seulement avec l’engagement à légiférer et à réglementer, mais aussi avec l’engagement à financer, avec une vision à long terme. Les coûts économiques des stratégies de prévention des blessures peuvent être comparés avec le gain pour l’État d’une réduction des dépenses de santé et d’aide sociale. Ceci est un argument particulièrement utile auprès des ministères des finances, qui dans de nombreux pays jouent un rôle décisif dans la détermination des priorités générales de dépenses du gouvernement.
Dans la mesure du possible, les « premiers succès » devraient être identifiés et utilisés pour renforcer le soutien politique à l’objectif général et à sa stratégie associée. Ceci peut impliquer l’établissement d’objectifs ou l’adoption de mesures moins exigeants dans la phase initiale de mise en œuvre, mais qui seront un encouragement pour une progression plus dynamique par la suite. L’utilisation de preuves pour rendre compte et faire la publicité des premiers succès donnera confiance dans la stratégie et contribuera à accroître le soutien du gouvernement.
Les politiciens jouent un rôle critique en réagissant aux conseils fondés sur le retour d’expérience au sujet des potentiels changements de politiques et d’options pour la gestion des externalités (autres impacts non liés à la sécurité routière des changements proposés pour la sécurité routière). Ils ont besoin d’un soutien adéquat pour diriger la mise en œuvre d’un changement bénéfique en matière de sécurité routière.
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