Manuel de sécurité routière
Un manuel pour les praticiens et les décideurs
pour la mise en œuvre d’une infrastructure sûre
Les données sur les accidents sont généralement considérées comme une source essentielle d’information pour évaluer et traiter le risque. Cependant, dans certains pays et plus particulièrement dans les PRFI, elles peuvent ne pas être fiables, ou même disponibles, et dans ce cas, des enquêtes supplémentaires et d’autres sources de données peuvent constituer la seule source disponible de données fiables sur la sécurité routière. Comme déjà indiqué au chapitre 5.2, cette information supplémentaire (indicateurs des résultats de la sécurité) est également importante pour la gestion de la sécurité routière car elle permet d’évaluer différents programmes, projets et politiques afin d’identifier leur effet sur les résultats. Ceci se fait à travers le recueil et l’évaluation de détails relatifs aux interventions mises en œuvre, et aux résultats intermédiaires.
Une variété d’autres sources d’information est aussi disponible, comme les données sur la conception et les caractéristiques des routes, les données de circulation, les données d’enquêtes et les données sur l’exposition au risque.
L’inventaire des routes constitue une source d’information majeure qui peut aider à évaluer la sécurité. Parce que l’impact des différents éléments de la route est bien connu, différents éléments ou combinaisons d’éléments peuvent donner une idée sur les problèmes causant des accidents, y compris les principaux types d’accidents résultant en décès ou blessures graves (voir le Chapitre 4). Les données suivantes sont particulièrement utiles :
Les points ci-dessus représentent la liste de base des types pertinents d’éléments de la route, mais de nombreux autres facteurs peuvent avoir une influence sur les résultats de la sécurité routière. Le Programme international d’Évaluation des Routes (iRAP) collecte des données sur presque 70 attributs (voir le site Internet http://www.irap.org/about-irap-3/methodology pour les détails sur ces attributs, le chapitre 10.4.4 sur l’iRAP, et l'Encadré 5.7 pour des exemples sur le recueil de données entreprises au Mexique).
Aux États-Unis, le modèle d’inventaire sur les éléments de la route (MIRE, Model Inventory of Roadway Elements) contient une liste de 202 éléments pouvant être utiles pour la prise de décision en matière de sécurité routière. Voir le site Internet : http://www.mireinfo.org/about.html pour plus d’information.
Le problème : environ 18 000 décès se produisent annuellement dans des accidents de la route sur tout le territoire du Mexique, avec une croissance annuelle moyenne de 1,9%. 25% de ces décès surviennent sur le réseau routier fédéral, qui constitue l’épine dorsale du système national routier et de transport.
La solution : afin d’améliorer la sécurité routière dans le pays, et par là la qualité de vie de ses habitants ainsi que les conditions de sécurité le long des principaux couloirs commerciaux nationaux et internationaux, le Mexique a lancé un projet de prévention visant dans un premier temps à évaluer 46 000 km de routes fédérales en 2012 et 19 000 km de routes collectrices par la suite en 2013. Le lancement du projet a coïncidé avec celui de la Décennie d’Action des Nations Unies, à laquelle le Mexique s’est joint, de sorte que le projet a été conçu à la fois comme une avancée majeure pour améliorer la sécurité routière, et comme le début d’un programme d’évaluation périodique des routes.
Les résultats : au cours de ses deux étapes, le projet a rendu possible la création d’une classification selon un niveau de sécurité pour chaque type d’usager de la route, et d’un plan d’investissement sur 20 ans pour accroître la sécurité. Le résultat de l’évaluation après les deux étapes a été, l’attribution de 1 ou 2 étoiles, vis-à-vis des occupants de véhicules, pour environ 50% des 46 000 premiers kilomètres. Les pourcentages sont encore plus élevés pour les autres usagers plus vulnérables.
Le projet a permis :
L’adoption de cette méthodologie comme programme périodique permettra le suivi de l’efficacité des mesures et des programmes mis en œuvre.
Étude de cas fournie par le Dr Alberto Mendoza, IMT, Mexico.
Les caractéristiques des routes doivent aussi être géo-localisées (dans l’idéal, grâce à un système lié à un SIG) pour permettre une analyse et des liens croisés.
Les données d’inventaire des routes pertinentes pour la sécurité routière peuvent être disponibles ou doivent être recueillies. Une évaluation de la situation devrait être exécutée pour vérifier leur existence (voir chapitre 5.3). Traditionnellement, les données d’inventaire des routes sont utilisées pour les audits ou les inspections (voir Chapitre 10), mais de manière plus récente, des méthodes ont été développées pour quantifier les résultats probables de sécurité routière, sur la base de ces éléments.
Le recueil de ces données peut se fonder sur des approches ad hoc (par exemple, par les inspections périodiques, des plaintes du public, etc.), mais dans l’idéal elles devraient l’être au moyen d’un programme exhaustif exécuté de manière régulière. L’approche la plus commune consiste en l‘extraction de données à partir d’images vidéo, et leur classification ou encodage postérieur par des experts formés à cet effet. Ces données sont ensuite saisies dans une base de données ou un registre du patrimoine routier (Encadré 5.8).
Le recueil des données d’inventaire des routes est extrêmement utile, mais elle doit cependant être effectuée de manière à minimiser les coûts (c’est-à-dire rapidement), et à assurer son exactitude et sa fiabilité.
Plusieurs méthodes de collecte sont disponibles. La technique la plus rudimentaire consiste à enregistrer les données sur des formulaires de collecte en circulant sur les routes. Cette approche ne peut être utilisée que sur des tronçons de route relativement courts, et il peut être difficile de collecter toutes les variables routières pertinentes en se déplaçant à la vitesse du trafic.
Le recueil assistée par ordinateur permet de recueillir des données plus extensives, et peut s’effectuer au moyen d’un ordinateur, d’une « tablette » portable, ou de caméras vidéo. Les données peuvent ensuite être saisies en toute sécurité au bureau. L’utilisation d’une tablette permet d’ajouter l’information à une base de données tout en se déplaçant le long d’une route, typiquement en utilisant la technologie d’écran tactile pour sélectionner les variables routières pertinentes. Différents symboles peuvent être affichés à l’écran pour faciliter une rapide saisie des données. Encore une fois, il est souvent difficile de saisir toutes les variables pertinentes tout en se déplaçant à grande vitesse ou dans des environnements agités ; l’enregistrement vidéo permet d’aider à la saisie et à la vérification ultérieure des données.
Une autre option est l’évaluation des données vidéo à partir d’un ordinateur de bureau. Une ou plusieurs caméras peuvent être utilisées sur tout le réseau d’intérêt. L’utilisation d’une seule caméra permet l’enregistrement d’informations dans une seule direction, vers l’avant, et plusieurs caméras permettent une meilleure collecte d’information sur la route et ses abords. Ces images vidéo sont ensuite utilisées pour encoder les variables d’intérêt, et peuvent être calibrées pour permettre des mesures (telles que la largeur d’une route ou la distance entre la route et des objets fixes situés sur les abords). Ceci permet une collecte plus exacte de l’information, et une identification spatiale exacte.
Les images vidéo sont analysées et peuvent être arrêtées pour l’étude d’environnements plus complexes. L’information obtenue à partir des images est ajoutée à la base de données pour analyse ultérieure. Elle peut être saisie manuellement ou au moyen d’un système de menu déroulant. Typiquement, les données sont recueillies pour de courts tronçons de route (par exemple, un segment de 10 mètres).
Les nouvelles technologies en développement aideront à automatiser davantage le recueil des données sur les routes et leurs abords. Par exemple, il est possible de recueillir des informations sur des caractéristiques telles que la largeur de la route, le tracé horizontal et vertical, et l’état de la surface de la route en utilisant des radars (Light Detection and Ranging, LIDAR) et d’autres capteurs dans le véhicule.
Il est important de collecter et d’analyser les données de circulation, et plus particulièrement les volumes de circulation (trafic moyen journalier annuel ou TMJA), parce qu’elles peuvent être utilisées pour générer des taux d’accidents fournissant un bon indicateur des résultats de la sécurité, y compris sur des routes spécifiques, certains types de routes ou même sur des éléments de l’infrastructure. D’autres types de données sur la circulation comprennent :
Les données sur la circulation peuvent être recueillies manuellement ou au moyen de dispositifs automatisés de comptage de la circulation (par exemple, dispositifs de tubes pneumatiques ou de collecte permanente des données installés sur la chaussée).
En plus des données sur la circulation, d’autres sources de données sur l’exposition au risque incluent les données démographiques (population totale, total pour chaque tranche d’âge) pour une zone ou un pays, qui sont habituellement disponibles à partir des données des recensements nationaux. Les données sur l’immatriculation des véhicules sont aussi souvent recueillies et utilisées.
Les enquêtes de comportement collectent des informations sur les impressions des conducteurs, des autres usagers de la route, et des résidents. Elles sont considérées comme une importante source de rétroaction, et peuvent fournir un aperçu du comportement des conducteurs (par exemple, faible niveau de respect des limites de vitesse affichées).
Les informations sur le nombre de contrôles routiers de police (limites de vitesse, alcoolémie, port de la ceinture de sécurité), le nombre d’infractions (excès de vitesse, motocyclistes sans casque), et le nombre de conducteurs punis (amendes, pénalités ou emprisonnements) sont toutes des mesures utiles, qui aideront à évaluer l’impact de nouvelles politiques ou actions pour améliorer les résultats de la sécurité routière.
En plus des sources déjà mentionnées, d’autres informations utiles peuvent être obtenues à partir :
Le chapitre suivant examine d’autres types de données sur le respect des règles de circulation.
Les données sur la circulation et sur le comportement des conducteurs sont rarement disponibles. Il n’existe pas de liste type de données supplémentaires à collecter, et étant donné son coût, tout type de collecte doit être soigneusement planifié, qu’il s’agisse de collecte au niveau national ou visant des sites spécifiques. Les données supplémentaires ne devraient être recueillies que si nécessaire, et ceci de manière économique.
Le chapitre suivant offre une brève description de certaines des données d’enquête les plus communes, des différentes méthodes possibles, ainsi que des références à des documents utiles.
Une étude de vitesse ponctuelle consiste en le recueil d’échantillons de vitesses, sur un site routier spécifique ou sur plusieurs sites, qui seront ensuite analysées pour déterminer la distribution des vitesses des véhicules. Ceci est utile pour :
Les vitesses véhiculaires peuvent être mesurées manuellement (au moyen de radars, de pistolets laser, ou de chronomètres), ou automatiquement (boucles ou tubes). Les méthodes automatiques sont plus adaptées pour les études portant sur de vastes échantillons, parce que les boucles et les tubes peuvent enregistrer plus que les seules vitesses moyennes, comme par exemple les volumes de trafic, les mouvements tournants des véhicules et la mixité de la circulation. Ces composantes sont essentielles pour comprendre les problèmes de sécurité existant sur un site. Le Manuel sur la vitesse du FMSR (GRSF Speed Manual, 2008) et les études du gouvernement du Royaume-Uni (DETR, 2001) constituent des guides détaillés sur la mesure des vitesses et des volumes, et sur la manière de gérer les problèmes de sécurité liés à la vitesse. (Voir l’Encadré 5.9 pour une étude de cas sur le recueil de données sur la vitesse en Inde).
Le problème : des données sur les vitesses des véhicules étaient nécessaires pour une étude portant sur quatre États en Inde.
La solution : des données sur la vitesse et les volumes de circulation et aussi sur les accidents ont été recueillies sur le terrain sur quatre sites-échantillons, à partir des corridors routiers qui faisaient partie du Projet Quatre États 2011 en Inde (2011 Four States Project). L’équipe de recherche a effectué des études sur les vitesses et le volume de circulation pour déterminer la vitesse au 85e-percentile et la densité de la circulation dans ces corridors, par type de véhicule. Les chercheurs ont aussi recueilli les données disponibles de la police sur les accidents, et effectué des recherches sur les sites des accidents pendant presque deux mois, afin de parvenir à une meilleure compréhension des accidents. Ces visites sur le terrain ont été possibles grâce à une étroite collaboration avec les départements de police locale, et aussi à des patrouilles de routine régulières sur ces tronçons routiers.
L’étude a porté sur quatre routes d’États (deux dans l’état de Karnataka, et deux dans l’état de Gujarat), couvrant un total de presque 300 km.
Les résultats : il a été déterminé que les vitesses au 85e-percentile étaient largement au-dessus de la limite de vitesse affichée (qui dans certains cas n’était pas évidente), et de grands écarts de vitesse entre les différents types de véhicules ont été observés. Les voitures montraient des vitesses au 85e-percentile beaucoup plus élevées que celles des autres usagers de la route (deux-roues motorisés, bus et camions). De plus, l’écart entre les vitesses pour un même type de véhicule était aussi très élevé (par exemple, les véhicules motorisés à deux roues se déplaçaient à des vitesses allant de 25 à 80 km/h).
Certaines des principales leçons tirées de cette collecte de données sont que :
En plus de la production de classifications sur le plan de la sécurité, les données sur la vitesse ont conduit à des recommandations pour l’établissement de limites de vitesse fondées sur le retour sur expérience, ainsi que pour le contrôle policier de ces limites.
Source: Ravishankar Rajaraman, Manager - Safety Group, JPRI.
Mesurer le port de la ceinture de sécurité et du casque
Le FMSR a développé deux manuels distincts, l’un consacré aux ceintures de sécurité et systèmes de retenue pour enfants (FMSR, 2009), et l’autre aux casques (FMSR, 2006). Ces manuels montrent comment évaluer l’étendue du non-port de la ceinture de sécurité et du casque dans une région projetée, et comment concevoir, mettre en œuvre et évaluer un programme pour aborder ce problème. Ils donnent aussi une liste de sources possibles sur les manières de mesurer le port de la ceinture de sécurité et du casque, et sur le recueil de données à travers des enquêtes communautaires et des études d’observation.
Le FMSR a aussi développé un autre manuel de sécurité routière, similaire aux deux précédents, sur l’alcool au volant (FMSR, 2007), qui indique comment évaluer la situation et choisir des actions prioritaires, et comment concevoir, mettre en œuvre et évaluer un programme de lutte contre l’alcool au volant.
Ce guide suggère de collecter les données auprès des autorités pertinentes, telles que la police, les autorités routières et les secteurs de la santé, pour évaluer le problème. Les données sur le respect des règles de circulation existantes peuvent être obtenues à partir d’une combinaison de données sur les accidents (c’est-à-dire ceux impliquant des conducteurs et usagers avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale), du nombre d’infractions relatives à l’alcool détectées par la police, du pourcentage de conducteurs arrêtés avec un taux d’alcoolémie dépassant la limite légale, et au moyen d’enquêtes de comportement/résultats auprès des conducteurs (FMSR, 2007).
Il existe une variété d’autres résultats intermédiaires qui pourraient être mesurés, selon le type d’intervention mis en place.
En ce qui concerne les données sur les accidents, il est important que les données d’enquêtes soient enregistrées de manière à pouvoir être analysées facilement, et que le système permette de les croiser et de les comparer avec celles d’autres sources. Ceci est particulièrement vrai pour les enquêtes couvrant de vastes zones géographiques (par exemple, volume de circulation, données démographiques ou sur les l’infrastructure routière), et de tels systèmes peuvent déjà exister pour ces types de données. Une méthode commune est le croisement géographique des données par site, au moyen d’un système SIG (Système d’Information géographique). Typiquement, les systèmes SIG peuvent stocker une information croisée géographiquement pour une future analyse, et accepter plusieurs « couches » de différents types de données, ce qui permet une évaluation du risque plus poussée (voir Paragraphe 5.6).