Manuel de sécurité routière
Un manuel pour les praticiens et les décideurs
pour la mise en œuvre d’une infrastructure sûre
Même si l’approche du Système Sûr est adoptée comme fondement des stratégies de sécurité routière de nombreux pays, l’adoption d’un concept et sa mise en œuvre sont deux choses différentes, et cette dernière reste un défi important.
Dans tous les pays, le catalyseur de soutien pour planifier, développer et mettre œuvre des interventions du Système Sûr, c’est le système de gestion de la sécurité routière en usage (voir le chapitre 3 pour les lignes directrices).
Le potentiel pour que les traitements de sécurité appliqués à l’infrastructure routière produisent une réduction certaine et immédiate de la probabilité et de la gravité des accidents est largement reconnu. Avec des ressources adéquates, l’infrastructure a la capacité d’éliminer presque tous les décès et blessures graves. De nombreuses stratégies nationales et provinciales ont souligné le rôle de l’infrastructure pour avancer vers le Système Sûr.
Certains exemples de traitements appliqués à l’infrastructure ayant donné d’excellents résultats, permettent de tirer des enseignements généraux tels que (McInerney & Turner, sous presse, voir aussi le Chapitre 11.3) :
Tous les usagers de la route doivent être pris en considération lors de la conception ou de l’amélioration de l’infrastructure :
Le paragraphe 4.6.2 soulignait l’importance d’une vitesse de déplacement sûre, ce qui sous-tend l’approche du Système Sûr. Les niveaux de vitesse critique dans les accidents de la route diffèrent selon le type d’accident considéré.
Le Tableau 4.6 montre le risque d’accident grave associé aux vitesses de déplacement supérieures à un seuil spécifique pour les principaux types d’accidents.
Les types d’accidents examinés impliquent des véhicules et un piéton ou un autre usager vulnérable de la route, la collision d’un véhicule seul avec un poteau ou un arbre, l’impact latéral entre véhicules aux intersections, des collisions frontales entre véhicules et les sorties de route impliquant un véhicule seul.
Les vitesses au moment de l’impact au-dessus desquelles les chances de survivre ou d’éviter les blessures graves décroissent rapidement | ||
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Types d'accidents | Vitesse au moment de l'impact | Exemples |
Voiture-Piéton ou cycliste | 30 km/h | Là où il y a un mélange d’usagers vulnérables et de circulation de véhicules motorisés |
Voiture-Motocycliste | ||
Voiture-Motocycliste (impact latéral) | 50 km/h | Là où il existe une probabilité d’impacts latéraux (carrefours ou points d’accès) |
Voiture-Voiture (collision frontale) | 70 km/h | Là où il n’y a pas de séparation entre les deux sens de circulation |
Sur certains tronçons du réseau, tels que les autoroutes de haute qualité, le risque d’accidents impliquant des niveaux élevés de transfert d’énergie (et donc le risque d’être mortels) est faible rapporté à la distance totale parcourue par les véhicules sur les autoroutes.
Typiquement, ces routes :
Dans celles conditions, et avec les limites de débit de véhicules sur chaque voie, des vitesses plus rapides (telles que 100 ou 110 km/h) peuvent généralement être permises de manière sûre, pour des véhicules conformes aux normes élevées de sécurité.
Par contre, les risques d’accidents graves sont beaucoup plus élevés dans le cas des routes à deux voies bidirectionnelles dans des environnements ruraux présentant des obstacles non protégés en bordure de route, des carrefours fréquents, des accotements non revêtus, et un tracé vertical et en plan conçu selon des normes variées.
Le tableau 6 montre que dans de tels cas, et y compris pour les véhicules ayant les meilleures caractéristiques de sécurité actuellement disponibles, des vitesses très supérieures à 50 à 70 km/h ne doivent pas être permises, si l’on désire éviter les accidents mortels.
Si les obstacles en bordure de route sont protégés (par des barrières), et si les intersections sont traitées pour réduire les vitesses à 50 km/h, la vitesse de déplacement sur ce type de routes peut être fixée à 70 km/h. Installer des barrières médianes permettrait de considérer des vitesses plus élevées.
Si les motocyclistes représentent une large proportion de la circulation, des vitesses plus faibles, peut-être de 40 km/h, peuvent être nécessaires.
La gestion de la vitesse est au cœur du développement d’un réseau routier sûr. Si une route présente un risque élevé d’accidents et si la sécurité de l’infrastructure ne peut pas être améliorée dans un futur prévisible, une option de grande importance est de revoir les limites de vitesse et d’effectuer des contrôles appropriés pour faire respecter les règles. Il faudrait de plus considérer des mesures ciblées concernant l’infrastructure, afin de parvenir à une réduction des vitesses.
Par exemple, abaisser la limite de vitesse de 100 à 90 km/h peut réduire la vitesse moyenne de 4 à 5 km/h, s’il existe un niveau raisonnable de respect des règles de circulation. La recherche scientifique, fondée sur le retour d’expérience, montre que ceci entraine une réduction pouvant atteindre jusqu’à 20% des décès se produisant sur ces tronçons de route (Sliogeris, 1992).
Depuis 1996 et partout en Europe, la sécurité des véhicules (ou tout au moins celle de leurs occupants) n’a pas compté uniquement sur la réglementation, mais aussi sur les forces du marché, grâce en particulier au Programme Européen d’Evaluation des Nouveaux Véhicules (Euro NCAP). Il est largement reconnu que cette approche pour produire une avancée rapide de la sécurité des véhicules a été un succès. L’industrie automobile a répondu très rapidement aux attentes du marché concernant la protection des occupants du véhicule. D’autres NCAPs (Programmes d’Evaluation des Nouveaux Véhicules) ont été introduits dans de nombreux pays et régions (Australasie, Japon, et beaucoup d’autres). L’installation de programmes ou contrôle électronique de la stabilité (ESC ou ESP – Electronic Stability Control/Program) dans les véhicules a été un véritable succès, avec une efficacité aussi élevée qu’inattendue et une pénétration du marché plus rapide que celle de n’importe quel autre exemple antérieur (Tingvall, 2005). L’ESC est un élément essentiel de la notation des NCAPs.
Dans les PREs, les opportunités découlant des nouvelles technologies de sécurité à l’intérieur des véhicules, désormais disponibles ou en passe de le devenir, couplées avec le niveau de résistance aux impacts de nombreux véhicules nouveaux, sont remarquables. Les PRFI devraient rechercher ces mêmes bénéfices en priorité. Latin NCAP en Amérique Latine et ASEAN NCAP en Asie sont deux exemples de la récente arrivée des NCAP dans les PRFI, ce qui donnera aux consommateurs une information au regard de la sécurité et amènera des changements du marché. De plus, un NCAP Mondial (Global NCAP) a été récemment établi, et aura vraisemblablement une grande influence.
Les agences de sécurité routière doivent assurer la promotion appropriée des bénéfices retirés des équipements de sécurité et des niveaux généraux de sécurité des véhicules. Les autorités routières devraient développer leur connaissance de ces nouveaux équipements de sécurité des véhicules, et en particulier des nouveaux modes de traitements spécifiques à l’infrastructure pouvant démultiplier l’amélioration des résultats de réduction des accidents. Les actions des agences de sécurité routière pourraient inclure (VicRoads, 2013) :
Les agences de sécurité routière devraient suivre le progrès des technologies émergentes de sécurité, telles que les dispositifs d’évitement des collisions, d’adaptation intelligente de la vitesse, et les détecteurs incorporés d’alcoolémie et de fatigue. Des études pilotes ont été effectuées à des fins de recherche sur de nombreux parcs de véhicules au niveau international, afin d’établir les coûts et les bénéfices de ces technologies.
Les initiatives que les pays devraient prendre comprennent :
Les jeunes conducteurs devraient être informés des véhicules d’occasion les plus sûrs disponibles sur le marché dans des fourchettes de prix pertinentes, pour les encourager à acheter ce type de véhicules, dans le but d’augmenter leurs chances de survie durant les années à haut risque (les premières) de leur vie de conducteur.
Les développements dans la sécurité des véhicules lourds incluent les systèmes de freins réactifs au contrôle électronique de la stabilité (ESC), et les équipements de contrôle de la vitesse et de la fatigue. Des programmes d’évaluation des nouveaux camions pourraient émerger dans les années à venir pour les principaux exploitants de véhicules lourds. Encore une fois, les agences de sécurité routière devraient se maintenir au courant de ces développements.
De nombreuses opportunités d’améliorations existent en matière d’équipements de sécurité des véhicules disponibles sur les marchés des PRFI. Des rapports signalent que des véhicules, sans les équipements de sécurité exigés par les normes de sécurité dans le pays du fabricant, sont importés par d’autres pays (ce qui serait selon les rapports un effort pour limiter les coûts). Certains pays imposent des taux élevés de taxes sur les équipements de sécurité des véhicules, qu’ils considèrent de manière erronée comme des articles de luxe, argument qu’ils utilisent pour obtenir des revenus. Ceci bien sûr décourage l’installation de ces équipements sur les véhicules. Certaines questions critiques sont :
Maximiser un comportement respectueux des règles de circulation par les usagers reste difficile, et requiert la présence et la mise en œuvre actives de dispositions législatives efficaces, des bases de données sur les véhicules, une mise en relation des permis de conduire et des infractions, des contrôles policiers du respect des règles, le soutien de la part du système judiciaire, le traitement des infractions, et des capacités de suivi.
L’erreur humaine, plutôt que les comportements de non-respect des règles, représente une contribution importante aux accidents graves et mortels. Pour réduire les possibilités d’erreur humaine, des mesures doivent être prises pour guider l’utilisation du réseau routier. Une signalisation claire et cohérente et, de la part des usagers, une capacité raisonnable à comprendre et agir en fonction de l’information sont nécessaires pour réduire l’incertitude et l’indécision sur la route. Ces questions sont examinées en détail au chapitre 8, mais les principales d’entre elles sont que :
Développer une capabilité de sanction policière efficace et respectée requiert une compétence de gestion de haut niveau, de bonnes normes de gouvernance, une recherche de qualité pour guider les efforts, et une forte attention aux résultats.