Manuel de sécurité routière
Un manuel pour les praticiens et les décideurs
pour la mise en œuvre d’une infrastructure sûre

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6.4 Évaluation des problèmes de sécurité routière d’un pays

Identifier les besoins spécifiques et les opportunités dans le système de gestion

Dans tous les pays, des problèmes seront rencontrés avec le système de gestion, dans les résultats obtenus jusqu’alors, dans la portée et la qualité des interventions exécutées, et dans la capacité de gestion institutionnelle. Les résultats seront le reflet des actions menées et de leur efficacité, et dépendront de l’ampleur des systèmes critiques de soutien mis en place, tels que l’engagement à financer, la portée de la législation, et le niveau de dissuasion en place, y compris l’implication des institutions judiciaires et policières.

Des processus de gestion de la sécurité routière adéquats, c’est-à-dire liant les chefs des agences aux ministres, sont essentiels pour obtenir de bons résultats, ainsi que décrit au chapitre 3. L’Encadré 6.3 montre l’importance de liens forts entre l’administration, les élus et les ministres d’un pays.

Encadré 6.3 : Implantation de bonne pratique pour la coordination et la prise de décisions en matière de sécurité routière

Un cadre de coordination réunissant régulièrement les hauts responsables de la gestion de la sécurité routière de tous les secteurs pertinents et des responsables ministériels, pour : prendre des décisions opérationnelles aux niveaux inférieurs, formuler des recommandations de politique et rendre compte des résultats de la stratégie aux ministres, permet une vision d’ensemble nécessaire pour l’exploitation de la circulation routière et relever ses défis professionnels et politiques.

Des dispositions d’enquête publique au niveau parlementaire et des moyens de consultation générale avec les parties prenantes, y compris les groupes d’intérêts spéciaux, sont recommandés. Des pays ou régions pouvant servir de modèle sont : Victoria (Australie), le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Australie Occidentale, la Suède et les Pays-Bas.

Source : AIPCR (2012).

 

D’autres questions critiques devant être prises en considération sont :

  • Existe-t-il de la recherche et du développement pour aider les agences à définir et cibler les problèmes, et à évaluer les résultats par la conception d’interventions fondées sur le retour d’expérience ?
  • Le pays peut-il répondre à des questions telles que :
    • Quels sont les types principaux d’accidents graves ?
    • Quels sont les principaux risques d’accidents graves, par type et emplacement ?
    • Quels sont les tronçons de route avec les plus hauts risques d’accidents graves ? Et qu’est-ce qui peut être fait pour quantifier ces risques de manière encore plus précise ?
    • avant de considérer de possibles solutions, quels sont les obstacles probables à leur mise en œuvre ?
  • Comment la gestion de la sécurité est-elle influencée par le modèle politique et le système juridique du pays, ainsi que par les pratiques historiques et culturelles ?
  • Les moyens de coordination, de direction et de prise de décision entre les agences gouvernementales sont-ils adéquats pour parvenir à une définition partagée des problèmes, pour développer une gamme d’interventions, obtenir le soutien politique à ces actions de manière prioritaire (Encadré 3) et pour mettre celles-ci en œuvre avec succès ?
  • Des mesures pour développer la capacité gouvernementale locale et provinciale en vue d’améliorer les résultats de la sécurité routière sont-elles en place ?
  • Comment l’apprentissage par la pratique peut-il renforcer la capacité de gestion institutionnelle et les connaissances ?

Comprendre les risques d’accidents existants au niveau du réseau

Les pays étant confrontés à une variété de défis en sécurité routière, la capacité d’identifier les risques d’accidents au niveau du réseau routier est essentielle. Les PRE ont des taux élevés de motorisation de véhicules légers de passagers, alors que les PRFI ont habituellement des taux élevés de motorisation de motocyclettes, de forts volumes de piétons sur les accotements, et des parcs de véhicules comportant une grande proportion de véhicules lourds (camions et bus).

Les aspects qui influencent les risques d’accidents comprennent :

  • le niveau de sécurité de l’infrastructure,
  • le niveau de sécurité du parc des véhicules,
  • la mixité des différents types de véhicules utilisant le réseau,
  • le niveau de respect des règles de circulation par les usagers,
  • le contrôle des conducteurs et des véhicules accédant et utilisant le réseau,
  • les soins médicaux d’urgence aux victimes d’accident.

Les parts des volumes totaux de circulation sur autoroutes de bonne qualité seront différents selon les pays, et les risques d’accident sont moindres (par km parcouru) sur ce type de routes que sur les routes bidirectionnelles. C’est un exemple des grandes différences entre les problèmes auxquels les pays font face, et qu’ils doivent appréhender afin de préparer des plans de mesures correctives.

Comprendre la relation entre les résultats de la sécurité routière et les conditions de sécurité routière (par exemple, utilisation des terrains adjacents et contrôle des accès le long des routes, caractéristiques de la route et des abords de route, types, mixité et normes de sécurité des véhicules, vitesses de déplacement, respect des règles de circulation par les usagers, qualité des lois et règles de circulation, critères de permis de conduire pour les novices, et soins médicaux d’urgence du pays) est absolument indispensable pour évaluer le risque sous-jacent d’accident sur le réseau routier et pour prendre des mesures afin de réduire ce risque.

Deux études européennes emblématiques, l’étude SUNflower (par la Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas) et l’étude SUNflower+6 (par les trois pays d’origine plus la République Tchèque, la Hongrie, la Slovénie, la Grèce, le Portugal et l’Espagne) ont évalué plusieurs de ces conditions, et apporté des conclusions utiles sur la relation entre les résultats et les conditions sous-jacentes pour différents pays (Encadrés 6.4 et 6.5). Il est à noter que ces conclusions se réfèrent aux conditions sous-jacentes antérieures à l’année 2005).

Encadré 6.4 : Certaines conclusions de l’étude SUNflower originale (3 pays) illustrent les différences entre les conditions sous-jacentes et le risque selon les pays

  • Au Royaume-Uni, les risques sont plus élevés pour les piétons et les motocyclistes et plus faibles pour les occupants des véhicules, par rapport à d’autres pays. Les facteurs pouvant expliquer ces différences de risque incluent la densité élevée de la circulation sur les routes du pays, une plus grande utilisation de carrefours giratoires aux intersections, et des vitesses moyennes plus faibles sur les principales routes interurbaines.
  • En Suède, le risque est plus élevé pour les occupants des véhicules. Les facteurs pouvant expliquer ce risque sont les vitesses moyennes plus élevées sur les routes principales du pays, en dépit de limites de vitesse plus basses, d’une densité de la circulation plus faible, et d’un niveau de contrôle policier des limites de vitesse plus faible.
  • Pour les trois pays, le risque sur les autoroutes est presque cinq fois plus faible que sur les autres routes, et diffère légèrement entre les trois pays (2,0 par milliard (109) de véhicules- kilomètres au Royaume-Uni contre 2,3 aux Pays-Bas et 2,5 en Suède).
  • Aux Pays-Bas, le risque sur les routes autres que les autoroutes est d’environ un tiers plus élevé que le risque sur ces mêmes routes dans d’autres pays. Les facteurs pouvant expliquer cette situation sont une plus grande exposition au risque des conducteurs de cyclomoteurs et des cyclistes, de plus faibles taux de port de la ceinture de sécurité, et une plus grande densité de carrefours.
  • Le Royaume-Uni doit trouver une solution d’infrastructure qui permettra à la circulation piétonne et véhiculaire de coexister tout en réduisant le taux des décès, par exemple en limitant la vitesse à 30 km/h sur les routes urbaines.

Il est à noter que beaucoup des recommandations du rapport de cette étude, y compris celles citées ci-dessus, ont depuis été mises en œuvre dans les trois pays, avec des résultats positifs.

Source : Koornstra et al, 2002)

Encadré 6.5 : Résumé des conclusions de l’étude SUNflower+6 (2005) sur les résultats et les conditions sous-jacentes de la sécurité routière

Cet encadré illustre les différences dans les conditions sous-jacentes et le risque entre trois pays d’Europe centrale (la Hongrie, la République Tchèque et la Slovénie) et les trois pays de l’étude SUNflower originale (la Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas) et (B) trois pays du sud de l’Europe (la Grèce, l’Espagne et le Portugal) et les trois pays de l’étude SUNflower originale.

(A) La Hongrie, la République Tchèque et la Slovénie

L’évolution de la sécurité routière a varié considérablement entre ces trois pays. Les résultats ont reflété les différences de stratégie nationale de gestion de la sécurité routière et de sanctions policières.

En Slovénie, l’amélioration sur plusieurs décades et jusqu’à 2003 a probablement été la conséquence a) d’une introduction précoce de plusieurs règles de la circulation routière, b) de leur application efficace, c) de la construction extensive de nouvelles autoroutes et voies express, d) d’une modernisation considérable du parc des véhicules et e) de l’introduction de plusieurs mesures de modération de la circulation et d’une amélioration générale des normes de sécurité de l’infrastructure routière.

La Slovénie a bénéficié d’une politique de sécurité routière plus flexible et plus efficace au niveau régional et national, avec des objectifs définis entre les parties prenantes.

Pour les trois pays, les résultats de la sécurité routière ont bénéficié de l’extension du réseau d’autoroutes dans les années 90 qui a redirigé la circulation sur un type de routes relativement plus sûr, et d’une ample mise en œuvre de mesures peu coûteuses de sécurité dans les municipalités (carrefours giratoires et autres éléments de modération de la circulation), la mise en œuvre étant décidée au niveau local.

Dans les trois pays, les progrès ont été plutôt lents par rapport aux objectifs. De plus, des améliorations de l’organisation, de la gestion et de la coopération entre toutes les parties prenantes de la sécurité routière, ainsi que l’affectation de ressources suffisantes, semblent être critiques pour des progrès supplémentaires.

(B) La Grèce, l’Espagne et le Portugal

Ces trois pays ont publié un plan triennal ou plus long (y compris l’année 2005) qui établissait des objectifs quantifiés de réduction du nombre de décès par accident de la route, un aspect relativement nouveau de la sécurité routière pour ces pays. Le Portugal visait une réduction ambitieuse de la moitié du nombre des décès à l’horizon 2010, tandis que les objectifs de l’Espagne étaient en ligne avec les projections européennes générales (White Paper de l’UE) et que celles de la Grèce étaient plus modestes.

L’organisation des activités de sécurité routière à un niveau central montre un ministère pilote engagé dans la mise en œuvre de la politique sur tout le territoire et dans la coordination interministérielle des activités. En Espagne, certaines provinces ont assumé la responsabilité d’organiser certaines des activités de sécurité routière.

Dans ces pays, la coordination verticale des activités de sécurité, depuis le niveau central vers le niveau régional puis local n’est pas bien développée.

(C) Résumé pour tous les pays de l’étude SUNflower+6

Pour certains pays, les changements identifiés étaient liés à d’importants changements politiques (Portugal, Hongrie, et République tchèque). La situation était similaire à celle des pays de l’étude SUNflower, à savoir une augmentation de la circulation motorisée avec une augmentation du nombre des décès. Ces augmentations ont attiré l’attention sur la sécurité routière, ce qui a conduit à de nouvelles politiques et mesures d’organisation de sécurité routière, dans tous les pays de l’étude SUNflower+6 sans exception.

Source : SWOV, 2005.

 

Pour comprendre l’échelle des problèmes existants dans un pays, il est nécessaire de disposer de données pertinentes. Des données plus exactes et extensives permettront probablement une évaluation plus exacte des problèmes et le développement de solutions mieux adaptées à ceux-ci. Ceci a été démontré dans le chapitre 5.

L’OCDE (2002) a souligné les avantages des visions, plans et objectifs fondés sur des données exhaustives sur les accidents et autres aspects de la sécurité routière. Elle a montré que sans une approche planifiée et fondée sur le retour d’expérience et des objectifs clairement déclarés, il est peu probable qu’une stratégie efficace puisse être définie ou mise en œuvre. Comme déjà indiqué au chapitre 5, sans données suffisantes il est difficile de justifier que la sécurité routière soit considérée comme une priorité au niveau stratégique, ou d’avoir une approche cohérente et fondée sur le retour d’expérience pour l’identification des problèmes et la définition et la mise en œuvre de contremesures spécifiques.

Le développement de systèmes fiables de collecte de données exactes sur les accidents, au niveau national et local, doit être une priorité. Si de bonnes bases de données sur les accidents sont essentielles pour connaître l’occurrence des accidents et pour identifier les principaux facteurs de risque, l’OCDE (2008) a souligné l’importance de mesurer aussi des résultats intermédiaires tels que : les vitesses libres moyennes, le nombre d’excès de vitesse, le taux de conduite en état d’ébriété, le taux de port de la ceinture de sécurité, et les classifications du niveau de sécurité du réseau routier et du parc de véhicules, ainsi que leur évolution au fil des ans (voir chapitre 6.7). D’autres facteurs ayant une influence majeure sur les résultats de la sécurité routière doivent aussi être mesurés, telles que :

  • la croissance des déplacements,
  • les tendances de la consommation d’alcool, et
  • la croissance des parcs de véhicules lourds, de motocyclettes et de cyclomoteurs.

L’analyse comparée de ces données est indispensable pour guider l’action à moyen terme. Le graphique 6.2 donne une idée de la difficulté de comprendre les risques d’accident au niveau d’un réseau.

Graphique 6.2 : Évaluer les risques sur le réseau : routes rurales principales au Sri Lanka Source : Eric Howard.

Cette image montre les conditions dangereuses inhérentes à cette infrastructure : l’accès non restreint à la chaussée depuis les accotements, et le faible niveau général de prise en compte de la sécurité routière sur ce tronçon de route. Des situations similaires abondent dans de nombreux pays dans le monde.

Nombreux sont les environnements à haut risque d’accidents. Par exemple, le risque augmente de manière considérable là où il existe des ouvertures médianes sur des routes artérielles principales, sans protection contre les collisions à l’arrière pour les véhicules tournant, ni protection pour les véhicules arrivant sur l’autre chaussée, ou ceux s’insérant ou traversant l’autre chaussée. Pour réduire les accidents de ce type, des négociations importantes sont nécessaires avec les propriétaires fonciers qui typiquement demandent l’accès à leur propriété, ou avec les usagers de la route souhaitant un aménagement pratique pour faire demi-tour. La prévalence de cette situation illustre les difficultés rencontrées par les autorités routières pour changer les réponses des populations aux circonstances de cette nature.

Références

No reference sources found.