Manuel de sécurité routière
Un manuel pour les praticiens et les décideurs
pour la mise en œuvre d’une infrastructure sûre

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10.2 Approches au niveau du programme et du projet

Typiquement, les agences routières affectent les fonds destinés à améliorer les sites à haut risque, que ce soit sur la base des données historiques sur les accidents ou sur le risque potentiel. Ces fonds peuvent prendre la forme d’un financement réservé aux sites à haut risque ou être intégrés dans d’autres budgets d’exploitation (par exemple, grands projets de gestion du patrimoine). La plupart des actions des agences routières ont un impact sur la sécurité, qu’elles soient entreprises pour des raisons de sécurité ou non. Si les considérations de sécurité sont incluses dans toutes les prises de décision, le risque pour la sécurité peut être réduit, souvent avec peu ou pas de coûts additionnels. L’évaluation du risque doit se faire au niveau du programme et du projet, et les conseils donnés dans ce chapitre sont pertinents pour les deux niveaux.

L’évaluation du risque devrait être effectuée sur l’ensemble du réseau de la responsabilité de l’agence routière. Une telle approche requiert une évaluation du risque et des enjeux à l’échelle du réseau. Les résultats de cette approche devraient identifier les principaux types d’accidents, les tendances, les régions ou zones géographiques, les types de déficiences, etc., et déterminer les programmes de travaux.

Il arrive souvent qu’un fort pourcentage des décès et des accidents graves se produise sur un faible pourcentage du réseau. Au niveau du programme, la tâche est d’identifier les routes dangereuses et de les traiter. Pour les pays avec des ressources limitées ou manquant de données adéquates sur l’ensemble du réseau, ces routes ou sites sont les plus importants candidats à une évaluation, et peuvent constituer la base d’un projet de corridor de démonstration. Le contenu de ce chapitre et des suivants peut servir de guide pour l’évaluation du risque sur les réseaux ou dans les corridors. Les exemples ci-dessous au Belize (Encadré 10.1) et en Australie (New South Wales) (Encadré 10.2) décrivent l’approche de corridor.

Encadré 10.1 : Étude de cas : l’approche de corridor de démonstration dans l’évaluation du risque au Belize

Le problème : comme indiqué dans l’étude de cas du chapitre 9.2.2, bien qu’étant un pays de très petite taille, le Belize a enregistré 70 morts sur la route en 2009, ce qui équivaut à 21 décès dus à la circulation pour 100.000 habitants.

La solution : pour évaluer la sécurité routière au Belize, une approche multisectorielle a été choisie, et impliquait des améliorations à l’infrastructure dans un corridor de démonstration. Le processus initial pour cette phase comprenait :

  • Une enquête vidéo sur les caractéristiques de la route et des accotements sur tout le principal réseau routier (environ 600 km au total),
  • Une évaluation de la sécurité sur ce réseau, en utilisant les protocoles du Programme d’Évaluation des Routes, y compris la classification par étoiles. Ceci impliquait l’évaluation à intervalles de 100m de plus de 30 attributs connus pour rendre les accidents graves plus courants,
  • Le développement d’un Plan d’Investissement pour des Routes plus sûres, qui a fourni une série d’options prêtes pour l’affectation des ressources aux contremesures.

Des options d’investissements spécifiques ont été recommandées aux parties prenantes du projet, la décision finale pour un niveau approprié d’investissement étant prise par l’autorité routière du Belize. Des améliorations dans un corridor de démonstration de 82 km allant de Belize City à Belmopan ont été acceptées, et comprenaient :

  • L’élargissement des accotements pour offrir une aire de récupération aux véhicules initiant une sortie de route et une aire de sécurité aux véhicules en panne pour qu’ils puisent sortir du trafic et s’arrêter. Ceci inclut la restauration de 11,25 km de voies étroites à leur largeur originale de 11 pieds (3,1 m), qui s’étaient fortement détériorés avec le temps et étaient devenus dangereuses pour le trafic motorisé. Les accotements sur ces sections seront portés à une largeur de 3 pieds (0,9m). L’intérieur des virages sera aussi élargi pour atteindre les normes des chaussées revêtues.
  • La construction de 16 aires d’arrêt pour les bus (selon les normes des chaussées) dans les villages au long du corridor.
  • L’installation d’alertes et de signaux de régulation, de bornes kilométriques et d’indicateurs sur les murs de tête des ponts et des ponceaux.
  • La réduction de la probabilité et de la gravité des accidents par sortie de route grâce à l’installation de barrières sur les accotements (environ 2 km au total).
  • L’amélioration de la délimitation au moyen de chevrons et de marquages sur la chaussée (ligne centrale et bords) sur toute la longueur du corridor de démonstration, ainsi que d’autres améliorations de la délimitation tels que des délinéateurs rétro-réfléchissants sur la ligne centrale.
  • La réduction de la probabilité et de la gravité des accidents de piétons au moyen de l’installation de passages piétons et d’allées piétonnières.

Des modèles de taux de décès et de blessures sur la route avec et sans les améliorations recommandées ont été établis pour le corridor de démonstration, et une évaluation économique a comparé les coûts incrémentaux et les avantages de ces deux alternatives. Les résultats de cette analyse incrémentale ont indiqué que pour le niveau d’investissement proposé, 470 décès et blessures graves pourraient être évités sur une période d’analyse de 20 ans. Ceci équivaut à une réduction de 20% du nombre de décès et de blessures graves sur cette période.

En utilisant des valeurs très conservatives des coûts des accidents, la valeur nette actuelle (VNA) estimée de ce projet est de un million de USD, et le taux de rentabilité économique (TRE) est de 28,8%. Ce TRE est largement supérieur à la valeur plancher de 12,0% de la Banque caribéenne de Développement, ce qui met en lumière les importants avantages économiques qui peuvent être obtenus grâce aux investissements en sécurité routière. L’analyse économique s’est concentrée sur les coûts quantifiables et les avantages associés aux améliorations de la sécurité de l’infrastructure dans le corridor de démonstration, parce qu’ils peuvent être estimés avec une plus grande fiabilité et robustesse. De plus, les actions de renforcement institutionnel et de la capacité sont aussi supposées avoir un impact significatif sur la sécurité routière dans tout le pays. Des avantages tangibles sont aussi attendus des activités proposées d’éducation routière, de sensibilisation et de communication.

Les résultats : ce projet est toujours en cours d’évaluation, mais les premières indications sont positives.

Source : Ministère des Travaux publics du Belize et Banque caribéenne de Développement

Encadré 10.2 : Étude de cas : l’approche de corridor de démonstration en Australie (New South Wales)

Le problème : les seules améliorations de sécurité apportées à l’infrastructure ne produisaient pas de résultats assez forts en termes de réduction des décès et des blessures graves sur la route.

La solution : New South Wales a développé des inspections de la sécurité des routes principales avec une approche par corridor pour analyser et sélectionner des travaux (et certains programmes de changement des comportements) destinés à améliorer la sécurité routière. Les inspections de sécurité routière sont différents des audits d’ingénierie et des programmes de traitement des points noirs. Ils se concentrent sur un seul corridor, sur l’analyse des accidents mortels, et un examen physique de la route tout entière par une équipe multidisciplinaire de sécurité routière (incluant l’expertise en ingénierie, conception des routes, science ou psychologie du comportement, en statistiques et en action de la police). L’examen ne se concentre pas sur les sites où la route ne répond pas aux normes, mais plutôt sur l’analyse des conditions des accidents mortels. L’équipe d’auditeurs considère la route comme un tout et aborde la question de savoir comment éviter les blessures plutôt que les accidents. Roos et al (2008) donnent plus de détails sur ce sujet.

Les résultats : les gains obtenus en matière de sécurité routière ont été élevés, comme l’indique le graphique ci-après. Sur l’autoroute Pacifique (plus de 600 km), la comparaison du nombre d’accidents avec celui dans les années précédant les travaux montre une réduction de 45% des décès, et une forte réduction du nombre des blessés. Le même processus pour l’autoroute des Princes (plus de 400 km) montre une réduction de 83% des décès et une forte réduction du nombre de blessés. Ces examens ont donné un rapport bénéfices/coûts moyen de plus de 12,1 pour les travaux, très au-dessus des valeurs obtenues avec les programmes traditionnels de traitement des points noirs ou audits d’ingénierie dans l’Etat.

Réduction des accidents mortels à la suite de la mise en œuvre d’un programme   de travaux de sécurité routière sur les autoroutes Pacifique et Princes Source : Dr Soames Job, Global Road Safety Solutions.

 

Au niveau du projet, les étapes indiquées dans ce chapitre sont aussi pertinentes. Elles soulignent comment identifier et diagnostiquer le risque à des emplacements plus spécifiques (par exemple carrefours, routes ou zones). Les approches fondées sur les taux d’accidents (réactives) et celles plus dynamiques sont pertinentes aussi bien pour les approches au niveau du programme que pour celles au niveau du projet. Dans les deux cas, les mêmes étapes sont nécessaires pour évaluer les risques et identifier les problèmes occasionnels.

Références

No reference sources found.