Manuel de sécurité routière
Un manuel pour les praticiens et les décideurs
pour la mise en œuvre d’une infrastructure sûre
Ce chapitre décrit de manière plus détaillée les charges actuelles et anticipées que représentent les accidents corporels de la route, au niveau régional et mondial1.
Le Rapport de Situation sur la Sécurité routière dans le Monde 2013 de l’OMS est une publication centrale pour le suivi et l’évaluation périodique des objectifs de sécurité de la Décennie d’Action (OMS, 2013a)2. Bien que les données sur les accidents corporels soient incomplètes et souvent largement sous-déclarées dans de nombreux pays, aussi bien dans le secteur des transports que dans celui de la santé, les dernières estimations disponibles auxquelles ce Manuel fait référence fournissent une vue générale stratégique exhaustive de la crise émergeant dans les PRFI.
Le Rapport de Situation rassemble les données issues de l’information collectée à partir d’enquêtes effectuées dans 182 pays et établit des estimations, le cas échéant, pour tenir compte des niveaux variés de qualité des données afin de les rendre comparables entre pays. Ceci inclut l’utilisation de la définition à 30 jours du décès par accident de la route et implique des estimations ponctuelles des décès par accidents de la route dans les PRFI, qui dépassent parfois de beaucoup les décès officiellement déclarés. Les données ont été extrapolées pour les 195 pays et territoires du monde. Le détail complet des méthodologies utilisées pour établir des estimations comparables peut être consulté auprès de l’OMS (2013a, p. 42).
Le rapport souligne aussi le besoin urgent de normaliser la collecte des données sur les décès dus aux accidents de la circulation, et la nécessité d’améliorer la qualité des données sur les décès, invalidités et autres blessures non mortelles. Le Chapitre 5 est consacré à l’examen complet et aux conseils pour l’établissement, la gestion et l’utilisation des données, et la détermination des niveaux de sous-déclaration.
En 2010, au moins 1,24 million de personnes ont perdu la vie dans des accidents de la circulation (OMS, 2013a). Les blessures dues à ces mêmes accidents sont une cause principale de décès et de sérieuses pertes de santé (exprimées en termes de perte d’années de vie corrigées du facteur invalidité (AVCI)3 (Encadré 1.4). Pour chaque décès par accident de la route au moins 20 personnes souffrent de blessures non mortelles allant des accidents pouvant être traités immédiatement et pour lesquels les soins médicaux ne sont pas nécessaires à ceux se traduisant par une invalidité permanente (Peden el al, 2004). Annuellement de 20 à 50 millions de personnes sont blessées ou deviennent invalides du fait des accidents de la route (OMS, 2013a).
En 2010, les accidents corporels de la route ont été :
Source : OMS, (2013a); OMS (2013b); Institute for Health Metrics and Science/IHME, (2013).
Dans certaines régions, les accidents de la route ont été la principale cause de décès pour certaines tranches d’âge, comme le montre le Tableau 1.1. Pour les pays à revenu élevé en général, les accidents de la route sont la principale cause du décès des enfants âgés de 5 à 14 ans (Institute for Health Metrics and Science/IHME, 2013). Une étude réalisée dans quatre PRFI a montré que 17 % des enfants traités en service d’urgence à la suite d’un accident de voiture ont souffert d’invalidités durant six semaines ou plus (OMS, 2003).
Région | 1–4 ans | 5–9 ans | 10–14 ans |
---|---|---|---|
Amerique de Nord | 1 | 1 | 1 |
Europe Centrale | 3 | 1 | 1 |
Australasie | 2 | 1 | 1 |
Europe Occidentale | 2 | 2 | 1 |
Afrique du Nord et Moyen-Orient | 4 | 1 | 1 |
Amérique Latine | 4 | 1 | 1 |
Source : IHME, (2013).
Taux de mortalité
En 2010, dans les pays à faible revenu, le taux de mortalité dû à des accidents de la circulation était de 18 pour 100 000 habitants. Dans les pays à revenu intermédiaire, le taux annuel le plus élevé était de 20,1 pour 100 000 habitants, et dans les pays à revenu élevé, le taux le plus faible était de 8,7 pour 100 000 habitants (Graphique 1.1).
Source: OMS, (2013a).
Environ 80 % des décès dus aux accidents de la route se produisent dans les pays à revenu intermédiaire à motorisation rapide, qui représentent 72 % de la population mondiale et 52 % des véhicules immatriculés dans le monde. Le Graphique 1.2 montre que ces pays ont une proportion élevée de décès par accidents de voiture par rapport à leur niveau de motorisation (OMS. 2013a). Des détails sur les résultats individuels des pays peuvent être consultés dans les Rapports périodiques sur la Situation mondiale (OMS 2009, 2013a).
Source: OMS, (2013a).
En comparaison avec les données de la période de référence (2007, 2010) recueillies par l’OMS pour permettre le suivi périodique des résultats de la Décennie d’Action (qui a démarré en 2011), la plupart des pays à revenu élevé montrent une réduction du nombre de décès dus à des accidents de circulation. La plupart des pays à revenu faible et intermédiaire présentent au contraire une augmentation du nombre de décès, tandis qu’un peu moins de la moitié des pays à revenu intermédiaire ont réduit le nombre de décès (Graphique 1.3).
Source: OMS, (2013a).
Entre 2007 et 2010, le nombre de tués par accident de voiture a baissé dans 88 pays, dont 42 étaient des pays à revenu élevé, 41 des pays à revenu intermédiaire, et 5 des pays à revenu faible. Durant la même période, 87 pays ont connu une augmentation du nombre de décès par accident de la route (OMS, 2013a).
Les principaux groupes de victimes de la route
Dans la plupart des PRFI, la proportion d’usagers de la route constituée par les piétons, cyclistes ou conducteurs de véhicules motorisés à deux ou trois roues est beaucoup plus élevée que dans les pays à revenu élevé. Plus de la moitié des tués de la route dans le monde sont des usagers vulnérables : motocyclistes (23 %), piétons (22 %), et cyclistes (5 %). Le pourcentage restant des décès se répartit entre les occupants du véhicule (31 %) et des usagers non spécifiés (19 %). Les pays à revenu faible ont la proportion la plus élevée de décès dus à des blessures mortelles parmi les usagers vulnérables (57 %), contre 51 % dans les pays à revenu intermédiaire et 39 % dans les pays à revenu élevé (OMS, 2013a). Le Graphique 1.4 fournit plus de détails sur les décès sur la route, par type d’usagers pour les pays à revenu faible, intermédiaire et élevé.
Source: OMS, (2013a).
Y compris dans les pays à revenu élevé, les usagers vulnérables sont souvent largement sur-représentés lorsque les taux de tués et de blessures graves sont comparés. Par exemple, quand les distances parcourues (en milliards de miles) par différents modes d’utilisation de la route sont comparées, plus de dix fois plus de piétons et de cyclistes que de conducteurs d’automobile ont perdu la vie sur les routes de Grande Bretagne en 2011. S’agissant des motocyclistes, le taux a été près de 40 fois plus élevé (Département des Transports, 2012). L’écart est d’autant plus élevé lorsque l’on considère le risque de tués ou de blessés graves par milliard de véhicules-km. Pour chaque conducteur de voiture en Grande Bretagne, plus de 20 fois plus de piétons et autour de 40 fois plus de cyclistes sont tués ou sont victimes de blessures graves dans un accident de la circulation. Les motocyclistes sont ceux qui courent le plus grand risque, avec une probabilité 75 fois plus élevée que celle des conducteurs de voiture d’être tué ou gravement blessé (Département des Transports, 2012).
Les jeunes adultes de 15 à 44 ans représentent 59 % des tués dans des accidents de la circulation dans le monde. (Graphique 1.5), et plus des trois quarts (77 %) de tous les tués par accidents de la circulation concernent des hommes. Dans les pays à revenu élevé, la proportion de tués pour les personnes de plus de 70 ans est notablement plus grande que dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Des facteurs critiques d’exposition au risque, tels que la durée de vie dans ces pays, combinée avec le risque accru lié à la fragilité due à l‘âge, contribuent à ces résultats (OMS, 2013a)..
Source: OMS, (2013a).
Il existe des différences substantielles entre les taux de tués par accidents de la route entre les différentes régions (Graphique 1.6) et à l’intérieur des régions. Le risque déclaré de décès est le plus élevé en Afrique avec 24,1 tués pour 100 000 habitants, et le plus faible en Europe avec 10,3 tués pour 100 000 habitants. En prenant en compte la sous-déclaration des tués sur la route, il est estimé que plus de la moitié des pays africains peuvent avoir un taux de tués de 30 pour 100 000 habitants ou plus (BAD, 2012). Les plus faibles taux nationaux déclarés de tués sont ceux de l’Islande (2,5 pour 100 000 habitants) et de la Suède (2,8 pour 100 000 habitants) (IRTAD, 2012)..
Source: OMS, (2013a).
Le Graphique 1.7 montre que dans quatre des six régions de l’OMS, les occupants de véhicules constituent le plus grand groupe de tués.
Source: OMS, (2013a).
En Afrique, en Europe et dans les Amérique, la plupart des tués lors d’accidents de la circulation impliquent des occupants de véhicules et des piétons. En Asie du Sud-Est et dans le Pacifique Occidental, les tués parmi les utilisateurs de véhicules à deux et trois roues constituent une large proportion du total des décès par accident de la route (OMS, 2013).
La modélisation des tendances historiques mondiales indique que si les PRFIs choisissent de suivre le coûteux cheminement des pays à revenu élevé pour réduire les décès et les blessures graves à mesure qu’ils accumulent des connaissances, il est très probable que le nombre de décès sur la route augmente de manière très substantielle (Kopits et Cropper, 2003 ; OMS, 2013b). Les projections les plus récentes indiquent que, sur la base des tendances actuelles, 96 % du total mondial des décès sur la route d’ici à 2030 se produiront probablement dans les PRFI (OMS, 2013b).
Les taux de mortalité régionaux projetés les plus élevés (décès pour 100 000 habitants) d’ici à 2030 se situent en Afrique Subsaharienne (38), Asie du Sud (29) et la région Afrique du Nord et Moyen Orient (28), les taux diminuant entre 2015 et 2030 dans les régions d’Asie de l’Est et du Pacifique, d’Amérique Latine et des Caraïbes, et surtout dans les régions d’Europe et d’Asie Centrale (voir Tableau 1.2). Dans les PRFI, il existe de grandes différences régionales entre le nombre de décès pour 100 000 habitants, le taux le plus fort étant 4 fois plus élevé que le taux le plus faible. En 2015, le taux projeté de tués par accident de la circulation dans les pays à revenu élevé est de 8 décès pour 100 000 personnes, décroissant jusqu’à 6 d’ici à 2030, contre un taux de 20 décès pour 100 000 habitants dans les PRFI (OMS, 2013b).
Régions de la Banque mondiale | Décès par 100,000 personnes | |
---|---|---|
| 2015 | 2030 |
Asie du Sud | 21 | 29 |
Asie de l'Est et Pacifique | 22 | 18 |
Afrique Subsaharienne | 25 | 38 |
Amérique du Nord et Moyen-Orient | 26 | 28 |
Amérique Latine et Caraibes | 20 | 19 |
Europe et Asie Centrale | 14 | 9 |
Pays à revenu élevé | 8 | 6 |
Total mondial | 20 | 22 |
Source: OMS, (2013b).
Il est aussi prédit que, par rapport aux autres causes de mortalité, l’importance relative des accidents de circulation augmente fortement. Les prévisions des tendances de la mortalité mondiale d’ici à 2030 indiquent que les accidents de la route remonteront de la 9ème à la 7ème cause de décès, comme indiqué par le Graphique 1.8 (OMS, 2013b).
Source: OMS, (2013b).
Les audits de la capacité de gestion de la sécurité routière des pays ainsi que d’autres études révèlent que la majorité des décès et des blessures graves sur la route se produisent sur une proportion relativement faible du réseau routier. Les routes impliquées comprennent généralement des sections urbaines et rurales. En Inde, près des deux tiers des décès se produisent sur les routes nationales et celles des Etats, qui ne représentent pourtant que 6 % du réseau (Mohan et al, 2009). Au Bengladesh, 40 % des décès par accident de la route se produisent sur seulement 3 % des grands axes de circulation (Hoque, 2009). Les statistiques d’une large sélection de pays montrent que, typiquement, près de 50 % des décès se produisent sur seulement 10 % du réseau routier (McInerney, 2012). Ces routes ont une haute priorité stratégique, attirent de grands investissements, et se prêtent particulièrement à des traitements ciblés de sécurité routière (FMSR, 2013).
Typiquement, sur le réseau routier principal, les volumes de circulation et les vitesses véhiculaires sont élevés, avec un mélange de trafic motorisé et d’usagers non motorisés, et des environnements mixtes de vitesses (Commission pour la Sécurité routière dans le Monde, 2011 ; FMSR 2006-2013 ; CNUSR, 2011b). Un problème crucial est que beaucoup de normes de circulation utilisées dans les projets routiers dans les PRFI ne tiennent pas compte du degré de vulnérabilité humaine liée à l’utilisation du réseau routier. En outre, le contrôle policier efficace et effectif des comportements, qui contribue à la performance globale en matière de sécurité des normes techniques de sécurité routière dans les pays à revenu élevé, fait défaut. Les normes de conception des carrefours et la gestion de l’utilisation de la route qui sont fondées sur l’idée que les usagers vulnérables puissent côtoyer sans problème des véhicules toujours plus grands et plus rapides, dans des environnements à vitesses variées, conduit à des conséquences tragiques (FMSR, 2010, 2011). Certes les nouvelles routes créent des opportunités de développement, mais beaucoup d’entre elles augmentent le risque de décès et de blessures graves là lorsque les routes ne sont pas restreintes à la circulation de transit, que les zones d’urbanisation linéaire ne sont pas évitées ou contournées, et qu’il n’existe pas de dispositions de priorité pour les piétons, les cyclistes et autres usagers vulnérables (CNUSR, 2011b).
Le Chapitre 6 et la 3ème Partie de ce Manuel fournissent des conseils spécifiques pour aider à la conception de projets pour la gestion de la sécurité routière dans des corridors de circulation, ainsi que des références mondiales sur cette question (par exemple, CNUSR, 2011b ; FMSR, 2009, 2013 ; Breen et al, 2013).
Les principaux types d’accident sur les routes du monde qui ont été identifiés sont les suivantes (CNUSR, 2011b) :
La Section 4.4 et la 3ème Partie proposent des informations plus détaillées concernant les principaux types d’accidents.
Les problèmes de sécurité routière dans les pays à revenu faible, intermédiaire et élevé concernent l’ensemble du système de gestion de la sécurité et notamment :
Les PRFI présentent des défis particulièrement complexes en matière de sécurité routière. Dans de nombreux pays, la faible capacité de gestion de la sécurité routière constitue un obstacle majeur aux progrès dans ce domaine (FMSR, 2006-2013). Les progrès en matière de sécurité routière iront de pair avec d’autres priorités de développement, telles que :
Dans les PRFIs, les investissements nationaux en sécurité routière devront être maintenus sur de longues périodes et portés sur des secteurs divers, et être dirigés par une agence gouvernementale leader disposant de ressources suffisantes.
Les chapitres suivants présentent un examen complet et des conseils sur les facteurs clés de succès dans le traitement des problèmes de sécurité routière. Ils traitent des besoins des PRFI avec leurs propres défis. Ils offrent aussi des conseils pour les PREs actuellement engagés dans le processus de traitement des paramètres du Système Sûr, notamment les nouvelles limites de vitesse ainsi qu’une action plus générale en matière d’environnement et de santé publique, pour des solutions de transport plus dynamiques.