Manuel de sécurité routière
Un manuel pour les praticiens et les décideurs
pour la mise en œuvre d’une infrastructure sûre

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9.3 Politiques, normes et recommandations

Développement des politiques, normes et recommandations

Le chapitre 7 donne des orientations sur l’élaboration de politiques visant à obtenir de meilleurs résultats en matière de sécurité routière. Ceci comprend la nécessité de comprendre les problèmes actuels de la sécurité routière par l’analyse des données, et l’élaboration d’un plan pour la sécurité routière comprenant des objectifs et des interventions appropriés. L’élaboration d’une politique d’infrastructure suit le même processus, et devrait être considéré comme faisant partie de l’élaboration d’une politique générale pour la sécurité routière.

Le FMSR (2009) donne des conseils pour les pays qui constituent leur capacité en sécurité routière (à savoir les PRFI) en termes de stratégie d’investissement (chapitre 3). Ces conseils sont utiles pour le développement de politiques, de normes et de recommandations. Il est suggéré que l’attention initiale de ces pays se concentre sur des corridors de démonstration dans les zones à forte densité d’accidents et sur les zones urbaines. L’intérêt de cette approche par corridor de démonstration est décrit dans tout le Manuel, et illustré dans l’Encadré 11.2 sur le Belize.

Le FMSR (2009) a aussi examiné le besoin de réviser et de comparer les politiques et les interventions de sécurité avec celles d’autres pays, avant le commencement et la mise en œuvre des réformes. Ce conseil est également pertinent pour les agences routières qui essaient de mettre en œuvre de nouvelles politiques d’infrastructure. Afin d’attirer l’attention sur les domaines les plus prioritaires et de renforcer la capacité par la pratique, les politiques visant à traiter les accidents à ces endroits peuvent être considérées comme une priorité. De même, la connaissance des approches fructueuses adoptées dans d’autres pays et la manière d’y parvenir est une méthode précieuse.

Il existe peu de connaissances sur les mécanismes de transformation de la politique de sécurité des infrastructures routières en normes et recommandations pertinentes. Mais certains exemples mettent en lumière ce qui peut être réalisé. De nombreux pays ont élaboré leurs propres normes et recommandations, qui dans certains cas peuvent être adoptées par d’autres pays (bien que, comme déjà signalé, avec beaucoup de précaution là où la situation est différente). Croft et al (2010) donnent des conseils fondés sur l’élaboration de recommandations nationales en Australie. Certains éléments clés de ce processus sont que ces recommandations ont été produites :

  • sous la direction d’un groupe de travail ou d’un panel,
  • sur la base d’un examen des recommandations existantes et des documents techniques associés,
  • de manière à incorporer de nouvelles directions stratégiques (à savoir les principes de conception du Système Sûr),
  • afin d’inclure les résultats de la recherche, l’expérience des praticiens et les développements technologiques pertinents.

Les politiques, normes et recommandations, doivent être révisées constamment afin de les améliorer sur la base des innovations récentes. Une approche fondée sur le retour d’expérience est nécessaire pour assurer que les avantages de sécurité escomptés de tout changement sont obtenus. Comparer les approches utilisées dans les pays ayant de bons résultats de la sécurité routière est une bonne démarche pour aider à identifier les innovations possibles. D’autres analyses peuvent être requises pour assurer que les changements auront un effet positif sur la sécurité s’ils sont appliqués dans un autre pays. Les projets de démonstration pour mettre à l’épreuve les innovations sont utiles pour établir si elles sont bénéfiques dans un environnement contrôlé. Après leur évaluation et la preuve de leur efficacité, ces innovations peuvent être déployées plus largement et les changements recommandés peuvent être traduits dans des recommandations.

Exemples de politiques, normes et recommandations pour l’infrastructure

Il n’y a pas de modèle établi pour l’élaboration de politiques, normes et recommandations et dans les pays qui en ont une couverture complète, elles varient dans leur contenu, le plus souvent pour refléter les conditions locales. Pour les pays souhaitant élaborer ou améliorer des politiques, normes et recommandations pour l’infrastructure, il est utile d’établir des comparaisons avec celles ayant obtenu de bons résultats et de tirer parti des exemples internationaux et régionaux de bonnes pratiques. Les paragraphes suivants présentent des exemples au niveau mondial, régional et national, et peuvent servir de point de départ à cet exercice.

Niveau mondial

En réponse à l’approche Système Sûr, un changement significatif s’est produit dans les politiques de sécurité routière ces dernières années. Ceci est examiné au chapitre 4, y compris l’origine de cette approche et ses implications. La Décennie d’Action pour la Sécurité routière décrite au chapitre 2, a eu pour résultat un changement significatif de politique. Au niveau international, la Coopération pour la Sécurité routière des Nations Unies (CNUSR) a développé un Plan mondial qui comporte des recommandations pour des routes et une mobilité sûres (Paragraphe 2.3). Ce Plan déclare que l’objectif de ce Pilier est de :

« Améliorer la sécurité intrinsèque et la qualité protectrice du réseau routier au bénéfice de tous les usagers de la route, en particulier les plus vulnérables (par exemple, les piétons, les cyclistes et les motocyclistes). Cet objectif sera atteint par la réalisation d’une évaluation de l’infrastructure routière et une meilleure planification, conception, construction et exploitation des routes dans le souci de la sécurité.»

Source : CNUSR, 2010, p.12.

Ce Plan suggère que ceci peut être réalisé grâce à six activités clés, à savoir :

  • Promouvoir l’appropriation et la responsabilisation entre les autorités routières, les ingénieurs routiers et les planificateurs urbains.
  • Promouvoir les besoins de tous les usagers de la route dans le cadre de la planification urbaine, de la gestion de la demande de transport, et de la gestion de l’utilisation des sols.
  • Promouvoir l’exploitation, l’entretien et l’amélioration de l’infrastructure routière existante.
  • Promouvoir le développement d’une nouvelle infrastructure sûre et satisfaisant les besoins de mobilité et d’accès de tous les usagers.
  • Encourager le renforcement de la capacité et le transfert des connaissances en matière d’infrastructure sûre.
  • Encourager la recherche et le développement pour des routes et une mobilité sûre.

L’Encadré 9.5 montre plus en détail comment ces activités peuvent être réalisées. Chaque pays devra évaluer comment il réagit à chacune de ces activités, mais l’information fournie ici constitue une liste utile de vérification des mesures qui peuvent être prises pour améliorer la gestion et la fourniture de routes sûres.

Encadré 9.5 : Piller 2 du Plan mondial : Sécurité des routes et mobilité

Activité 1: Amener les autorités chargées des routes, les ingénieurs et les urbanistes à prendre en main la sécurité routière et à en être responsables :

  • en encourageant les gouvernements et les autorités chargées des routes à éliminer les routes à haut risque d’ici 2020 ;
  • en encourageant et les autorités chargées des routes à consacrer au moins 10 % des budgets destinés aux routes à des programmes visant à améliorer la sécurité des infrastructures ;
  • en confiant aux autorités chargées des routes la responsabilité légale d’assurer la sécurité sur leurs réseaux, par le biais de mesures rentables, et de rendre compte chaque année de la situation en matière de sécurité, des tendances et des mesures correctives prises ;
  • en créant une unité spécialisée dans la sécurité routière chargée de contrôler et d’améliorer la sécurité du réseau routier ;
  • en favorisant un système sûr et une infrastructure routière intuitive et permettant aux usagers de rattraper leurs erreurs ;
  • en adhérant aux accords régionaux sur les infrastructures routières élaborés sous les auspices des commissions régionales des Nations Unies et/ou en les mettant pleinement en œuvre, et en encourageant la création d’instruments régionaux similaires, le cas échant, et
  • en contrôlant les effets sur la sécurité des investissements dans l’infrastructure routière consentis par les autorités nationales, les banques de développement et les autres organismes.

Activité 2 : Tenir compte des besoins de tous les usagers de la route dans le cadre d’un urbanisme, d’une gestion de la demande de transports et d’une gestion de l’utilisation des sols durables :

  • en planifiant l’aménagement du territoire de manière à répondre aux besoins de mobilité de tous, notamment en gérant la demande de déplacements et en tenant compte des besoins en termes d’accès, des exigences du marché, ainsi que de la géographie et de la démographie ;
  • en tenant compte des évaluations de l’impact sur la sécurité dans toutes les décisions concernant la planification et le développement ; et
  • en mettant en place des procédures efficaces de contrôle de l’accès et du développement pour prévenir un développement anarchique du réseau routier ;

Activité 3 : Promouvoir la gestion sûre, la maintenance et l’amélioration par les autorités

de l’infrastructure routière existante pour :

  • connaître le nombre et le lieu des décès et des traumatismes par type d’usager de la route et les principaux facteurs infrastructurels qui influent sur le risque pour chaque catégorie d’usagers ;
  • recenser les endroits où les portions de route représentant un danger, où les accidents sont trop nombreux ou trop graves, et prendre des mesures correctives en conséquence ;
  • procéder à des évaluations de la sécurité des infrastructures routières existantes et prendre des mesures d’ingénierie dont l’efficacité est prouvée pour améliorer la sécurité ;
  • prendre l’initiative en ce qui concerne la gestion de la vitesse et une conception et une gestion du réseau routier tenant compte de la vitesse ;
  • veiller à la sécurité dans les zones de travaux.

Activité 4 : Promouvoir le développement d’une nouvelle infrastructure sûre qui satisfasse les besoins d’accès et de mobilité de tous les usagers en encourageant les autorités concernées à :

  • prendre en considération tous les modes de transport au moment de la construction de nouvelles infrastructures ;
  • fixer des niveaux minimum de sécurité pour les nouveaux projets et les nouveaux investissements routiers afin que les besoins de sécurité de tous les usagers soient pris en compte dans les spécifications ;
  • utiliser les résultats d’évaluations d’impact sur la sécurité routière et d’audits de la sécurité lors de la planification, de la conception, de la construction, de la gestion et de la maintenance de nouvelles infrastructures routières, et veiller à ce que les recommandations issues des audits soient dûment appliquées.

Activité 5 : Encourager le renforcement de la capacité et le transfert des connaissances en sécurité de l’infrastructure :

  • en créant des partenariats avec les banques de développement, les autorités nationales, la société civile, le secteur de la formation et le secteur privé afin de veiller à ce que les principes de conception d’une infrastructure sûre soient bien compris et appliqués ;
  • en favorisant la formation concernant les techniques de sécurité peu onéreuses, les audits de sécurité et l’évaluation des routes ; et
  • en élaborant des normes pour une conception et une gestion sûres des routes, qui tiennent compte des facteurs humains et de la conception des véhicules, et en favorisant leur application.

Activité 6 : Favoriser la recherche-développement dans les domaines de la sécurité des routes et de la mobilité :

  • en achevant et en partageant des travaux de recherche sur les arguments en faveur d’infrastructures routières plus sûres et sur les niveaux d’investissement nécessaires afin d’atteindre les cibles fixées pour la Décennie d’action ;
  • en favorisant la recherche-développement sur l’amélioration de la sécurité des infrastructures pour les réseaux routiers des pays à revenu faible ou intermédiaire ; et
  • en favorisant les projets de démonstration pour évaluer les innovations en matière d’amélioration de la sécurité, notamment pour les usagers vulnérables de la route.

Source : OMS

 

© ARRB Group

Toujours au niveau mondial, la CNUSR a mis en avant dans son document Des Routes plus sûres pour le Développement (Safe Roads for Development, 2010) plusieurs politiques prioritaires pour l’infrastructure, en particulier dans les PRFIs. Le document suggère de cibler les types d’accident principaux sur les routes à haut risque. Les types d’accident concernés comprennent ceux impliquant des usagers vulnérables marchant ou pédalant le long de la route, les chocs frontaux, les impacts latéraux aux carrefours, et les accidents par sortie de route. Les routes à haut risque se réfèrent à la petite proportion des routes du monde où la majorité des accidents graves et mortels se produisent. Le rapport souligne qu’au Royaume-Uni, plus de la moitié des décès et près d’un tiers des blessures graves se produisent sur seulement 10% du réseau, et qu’au Bengladesh, 40% des décès routiers se produisent sur seulement 3% des routes artérielles du réseau.

Les actions prioritaires pour les routes et ces types d’accidents incluent :

  • Les villes et les aires urbanisées devraient être planifiées en fonction du nombre croissant de personnes ne possédant pas de véhicules (c’est-à-dire les usagers vulnérables),
  • La planification et les réalisations pour les usagers vulnérables devraient inclure :
    • le contrôle de l’utilisation des terres,
    • l’élargissement et la réparation des allées piétonnières,
    • les sanctions policières interdisant aux véhicules de stationner sur les allées piétonnières,
    • l’enlèvement des barrières et des mobiliers urbains sur les allées piétonnières,
    • les améliorations aux passages piétons.
  • Que l’on agisse sur l’urbanisation linéaire le long des routes principales (c’est-à-dire villages-rues).

En lien avec ce contexte politique international, plusieurs recommandations mondiales ont été publiées pour aider à traiter de la sécurité routière. Des recommandations, produites par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Partenariat mondial pour la Sécurité routière (GRSP), la Fondation pour l’Automobile (FIA) et la Banque mondiale, existent sur plusieurs éléments liés à la sécurité de l’infrastructure routière. Les recommandations d’intérêt particulier pour les utilisateurs de ce Manuels concernent les systèmes de données (voir chapitre 5), la gestion de la vitesse et la sécurité des piétons. D’autres recommandations mondiales existent aussi sur les casques, la ceinture de sécurité, les dispositifs de retenue pour enfants et la conduite en état d’ébriété. Tous ces documents peuvent être téléchargées depuis le site Internet de l’OMS : http://www.who.int/roadsafety/publications/en/).

L’AIPRC (2012) a conduit un important examen des politiques et plans nationaux de sécurité routière. Ceci traite des politiques pour l’amélioration de l’infrastructure et comporte les principales conclusions suivantes :

  • une meilleure compréhension de la relation entre l’infrastructure et la vitesse est nécessaire,
  • une combinaison des approches « point noir » et au niveau du réseau est utilisé par différents pays. Les deux approches sont utiles, à condition de reconnaître que le système actuel n’est généralement pas sûr,
  • les programmes d’évaluation du risque (les programmes d’évaluation des routes sont spécifiquement identifiés) sont de grande utilité, non seulement pour identifier les sites à haut risque (y compris lorsque les données sur les accidents ne sont pas adéquates), mais aussi pour identifier les traitements. Ce processus aide aussi à accroître la prise de conscience des caractéristiques de la route contribuant au risque, et sur le fait que certains traitements peuvent être plus efficaces que d’autres,
  • il est indispensable d’effectuer des évaluations dans tout le réseau, et de prioriser les actions sur la base des avantages potentiels,
  • comparer les taux d’accidents avec la moyenne de tout le réseau n’aboutit pas forcément à des investissements substantiels en sécurité, car cette approche maintient généralement la moyenne.

Le présent document est évidemment le principal document de recommandation produit par l’AIPCR sur la sécurité routière de l’infrastructure. De nombreux autres documents importants et pertinents pour les politiques et recommandations pour la sécurité routière traitant de la conception et du développement de l’infrastructure, des audits de sécurité routière, de la sécurité sur les zones de chantier, des usagers vulnérables de la route, de l’exploitation de la route, de la sécurité routière durant l’hiver, des tunnels routiers et autres sont disponibles sur son site Internet (Encadré 9.6).

Encadré 9.6 : Exemples de récentes publications de l’AIPCR sur la sécurité

Analyse des accidents de la route, recommandations pour les ingénieurs routiers (2013 - 2013R07FR)

Comparaison des politiques et plans nationaux de sécurité routière (2012 - 2012R31FR)

Guide des inspections pour les vérifications de sécurité sur les routes existantes (2012 - 2012R27FR)

Facteurs humains dans la conception des routes. Examen des normes de conception dans neuf pays (2012 - 2012R36EN)

État de la pratique en matière d'analyse coût-efficacité, d'analyse coûts-avantages et d'affectation des ressources (2012 - 2012R24FR)

Meilleures pratiques pour les campagnes de sécurité routière (2012 - 2012R28FR)

Tirer parti des systèmes de transport intelligents pour améliorer la sécurité routière (2011 - 2011R03FR)

Guide sur les audits de sécurité routière pour les contrôles de sécurité des nouveaux projets routiers (2011 - 2011R01FR)

Catalogue AIPCR des problèmes de sécurité de conception et des contre-mesures potentielles (2009 - 2009R07FR)

Outils pour la gestion de la sécurité dans les tunnels routiers (2009 - 2009R08EN)

Guide sur les facteurs humains pour des infrastructures routières plus sûres (2008 - 2008R18FR)

Facteurs humains et sécurité des usagers dans les tunnels routiers (2008 - 2008R17EN)

 

En plus d’assister la CNUSR dans l’élaboration du Plan mondial, le Fonds mondial pour la Sécurité routière (FMSV) de la Banque mondiale a produit plusieurs documents de politiques et de recommandations, dont beaucoup sont conçus spécifiquement pour une utilisation dans les PRFIs. Le site Internet du Fonds fournit des ressources documentaires complètes pour aider à la réalisation d’infrastructures routières plus sûres : (http://go.worldbank.org/9QZJ0GF1E0).

Niveau régional

La Directive européenne 2008/96/EC traite de la politique pour la réalisation d’une infrastructure sûre. Publiée en novembre 2008, cette directive s’applique au réseau transeuropéen de transport, mais il est suggéré que ses dispositions soient appliquées aux réseaux routiers nationaux. Il existe aussi des recommandations européennes distinctes pour le réseau routier secondaire (voir par exemple Polidori et al, 2012).

Les dispositions de la Directive indiquent que:

  • une évaluation de l’impact sur la sécurité routière doit être exécutée pour tous les projets d’infrastructure sur le réseau Transeuropéen. Elle doit être conçue de manière à évaluer l’impact sur la sécurité routière des différentes variantes du projet.
  • un audit de sécurité routière doit être effectué pour tous les projets d’infrastructure, au moment de l’avant-projet, avant l’ouverture et aux premiers stades de l’exploitation,
  • une classification de la sécurité doit être établie afin d’identifier les routes présentant un risque d’accident supérieur à la moyenne,
  • des systèmes de données doivent être mis en place pour recueillir l’information sur les accidents mortels et calculer leurs coûts sociaux moyens,

La Directive souligne aussi le besoin de disposer de recommandations pour soutenir ces activités, et renseigne sur la formation appropriée, l’échange de meilleures pratiques et l’amélioration continue. Un récent examen de la Directive (EC, 2012) a montré que des processus plus systématiques avaient été mis en place dans les pays de l’Union européenne pour gérer la sécurité de l’infrastructure selon la Directive. Le chapitre 10 examine en détail les approches mentionnées ci-dessus.

Des approches régionales de la sécurité routière dans les PRFIs ont aussi été développées, souvent avec l’assistance des banques de développement, des commissions régionales des Nations Unies ou de groupes économiques régionaux. Par exemple, la Banque asiatique de développement (BAD) a développé une initiative de transport durable qui aborde directement la sécurité routière à travers un plan d’action pour la sécurité routière pour la région (www.adb.org/documents/road-safety-action-plan ).

Ce plan examine la rationalisation de la sécurité dans les zones d’activité de la BAD. Un groupe de la BAD sur la sécurité routière a été constitué, l’un de ses objectifs de ce groupe étant de mettre à disposition pour les pays de la région, des documents de référence, des termes de référence, des recommandations et des outils clés. La version résumée du document Améliorer la Sécurité routière en Asie et dans le Pacifique fournit des conseils et des matériaux de référence utiles sur la sécurité routière, fondés sur la récente expérience de la BAD ; il peut être consulté à :

(http://www.adb.org/sites/default/files/evaluation-document/36104/files/road-safety.pdf  ).

L’Encadré 2.4 du chapitre 2 décrit l’approche régionale utilisée pour le développement du Plan africain d’action pour la sécurité routière 2011-2020, dont le développement a fait participer un large éventail de parties prenantes. Au niveau national, différentes approches ont été suivies pour élaborer des politiques, et la production de normes et recommandations appropriées à l’infrastructure. Ceci arrive souvent en réponse aux différents contextes locaux, y compris les différentes législations et enjeux de sécurité routière. Comme déjà signalé ailleurs dans ce Manuel, il n’existe pas une seule approche correcte pour une gestion efficace de la sécurité routière. Il existe cependant des principes généraux qui sont universels.

Niveau national

Aux États-Unis, le Manuel de Sécurité des Autoroutes (Highway Safety Manual, AASHTO, 2010) fournit des recommandations détaillées sur le processus de gestion de la sécurité des autoroutes. L’approche proposée concorde largement avec ce qui est fait dans de nombreux pays, et ce n’est pas par coïncidence qu’elle reflète exactement la structure de la 3ème partie de ce Manuel, en particulier les chapitres 10 à 12. Le processus inclut des étapes clés depuis l’examen du réseau (identifier et classifier les sites) jusqu’à l’évaluation de l’efficacité de la sécurité (suivi de l’efficacité).

Antérieurement à son Manuel de sécurité des autoroutes, l’AASHTO avait produit une série de guides pour assister à l’élaboration du Plan stratégique de sécurité des autoroutes. Cette série exhaustive de 20 guides montre le chemin à suivre pour résoudre des problèmes stratégiques clés. Les guides concernant les problèmes liés à l’infrastructure routière aborde les thèmes des collisions avec des arbres sur de sites dangereux, des chocs frontaux, des carrefours avec et sans signaux, des collisions en sortie de route, des collisions en virage, des poteaux électriques, des piétons et des zones de chantier. Ces documents sont disponibles sur le site Internet : (http://safety.transportation.org/guides.aspx ).

D’autres pays possèdent des ensembles similaires de recommandations sur la gestion de la sécurité routière de l’infrastructure. Par exemple, le Guide sur la sécurité routière d’Austroads (Guide to Road Safety, actuellement en neuf parties) donne des conseils pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande (www.austroads.com.au) ; les Pays-Bas ont leur Manuel de la sécurité routière Road Safety Manual (CROW, 2009) et Faire Avancer la Sécurité durable (Advancing Sustainable Safety (Wegman & Aarts, 2006), et le Royaume-Uni a élaboré son Guide des Bonnes Pratiques (Good Practice Guide (DTLR, 2001)). Dans chaque pays, ces documents sont accompagnés de nombreuses autres normes et recommandations pertinentes. Par exemple, le Centre d'Études sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme et les Constructions Publiques (Certu) en France, a publié plusieurs guides et documents de références (dont certains traduits à l’anglais) ainsi qu’un Guide méthodologique sur la Sécurité des Transports en Zones urbaines (aussi disponible en anglais : Transportation Safety in Urban Area: Methodological guide, Certu, 2008. Le site Internet du Certu se trouve à: http://www.territoires-ville.cerema.fr/).

Ces documents sont techniquement solides et constituent une base utile pour la gestion de la sécurité de l’infrastructure, mais encore une fois, de grandes précautions doivent être prises pour adapter ces recommandations à d’autres pays. Différentes approches et en particulier différentes solutions peuvent être plus appropriées lorsque le contexte (dont la composition du trafic) est différent.

Comme déjà signalé dans ce chapitre, parfois, différentes politiques ou recommandations sont élaborées pour des routes ayant des fonctions différentes. La Directive de l’UE ne se réfère qu’au réseau routier Transeuropéen, et pour les routes d’ordre inférieur, une information supplémentaire est disponible (voir par exemple Polidori et al, 2012 pour des conseils sur le réseau routier secondaire). Si les principes généraux qui s’appliquent à tous les types de routes sont les mêmes, souvent les détails diffèrent. De même, certains pays publient des recommandations pour les routes locales, reconnaissant que les contraintes peuvent être différentes. Parmi les exemples, le Guide de bonne pratique (Good Practice Guide) du Royaume-Uni (DTLR, 2001), les recommandations du guide Etablir des plans de sécurités : Un manuel pour les propriétaires de routes rurales (Developing Safety Plans: A Manual for Local Rural Road Owners) (Ceifetz et al, 2012) publié par l’administration fédérale des États-Unis (FHWA) et le guide de Austroads (2009) Sécurité routière pour les gouvernements et collectivités locales (Local Government and Community Road Safety) (voir aussi Austroads 2010a). McTiernan et al (2010) donnent aussi des conseils utiles pour les gouvernements locaux australiens sur l'approche Système sûr. Cependant, il n’existe habituellement qu’un seul document concernant la gestion de la sécurité de toutes les routes, les services gestionnaires des différentes parties du réseau étant supposés adapter l’information à leurs propres circonstances.

Recommandations pour la conception des routes et la gestion du trafic

En plus des documents concernant les thèmes liés à la sécurité (sous-chapitre 3.2 et chapitre 11), de nombreux pays disposent de guides complets sur la conception, la construction, la gestion de la circulation et l’entretien des routes qui intègrent généralement la sécurité, bien qu’il soit notable que beaucoup d’entre eux n’intègrent pas encore complètement les principes du Système Sûr. Il faut souvent du temps pour que les recommandations incluent des approches innovantes pour la conception des routes, parce que leur élaboration et leur évaluation s’étale souvent sur plusieurs années. Les mises à jour des recommandations peuvent être peu fréquentes et il peut y avoir une certaine réticence à changer les pratiques établies. Une approche fondée sur le retour sur expérience est nécessaire, ainsi qu’un processus facilitant l’amélioration et les mises à jour continuelles des guides.

Il n’est pas possible d’inclure dans le présent Manuel des conseils complets sur les questions liées à la conception et à l’entretien des routes et à la gestion de la circulation, les lecteurs sont renvoyés vers les recommandations nationales appropriées sur ces sujets. En ce qui concerne les recommandations sur la sécurité, les pays sont encouragés à comparer les leurs avec celles des pays possédant de bons résultats (c’est-à-dire ceux avec de faibles taux d’accidents) lors du développement ou de la mise à jour de leurs propres recommandations.

La conception et la construction des routes comprennent la conception géométrique et la conception structurelle de la chaussée. L’un des objectifs principaux de la conception géométrique de la route est d’optimiser la sécurité opérationnelle et l’efficacité du transport sous contraintes (budgets, préoccupations environnementales et autres résultats sociaux). La conception doit prendre en compte le volume et le type de trafic supposé utiliser cette route. Les éléments qui sont typiquement supposés avoir un impact sur l’efficacité et la sécurité comprennent les carrefours, les courbes en plan, le profil longitudinal, le profil en travers (largeur de la voie et de l’accotement, barrières médianes et accotements), et les zones d’entrée et de sortie du trafic, questions qui sont habituellement couvertes en détail dans les guides de conception. Une information sur les différents éléments de la conception et leur impact sur la sécurité est disponible (par exemple, AASHTO, 2010; Harwood et al, 2014 ; Austroads 2010b).

Les paragraphes suivants donnent une brève description de contremesures efficaces et des avantages en matière de sécurité de différents éléments de conception, sur la base des documents cités ci-dessus. Cependant, il est important de noter que bien que l’efficacité de ces traitements dans la réduction du risque d’accident dans les PREs soit bien connue, les choses peuvent être différentes dans les PFRIs. Par exemple, des accotements asphaltés plus larges peuvent fournir aux conducteurs un espace supplémentaire de récupération après une erreur de conduite, mais dans les PRFIs, cet espace est souvent utilisé par la population pour installer des stands de vente.

Critères de conception :

  • La vitesse de projet : la vitesse sélectionnée et prise en compte dans la conception a une influence sur les caractéristiques de plusieurs éléments géométriques d’une route, tels que largeur des voies, courbes en plan et verticales, visibilité. La vitesse sélectionnée devrait refléter la vitesse à laquelle les conducteurs s’attendent sur un tronçon de route, et prendre en compte les développements adjacents, la fonction de la route et ses limitations physiques (telles que terrain, les volumes de trafic attendus, etc.).
  • Les voies et les accotements : le risque d’accident peut être lié à la largeur totale revêtue (asphalte ou autre revêtement sur la voie et l’accotement). Il diminue avec l’élargissement de la largeur revêtue (c’est-à-dire des voies et des accotements plus larges), parce que les zones revêtues fournissent une zone de récupération pour les véhicules en sortie de voie et un espace pour des manœuvres échappatoires. Pour les routes rurales à deux voies, asphalter ou revêtir les accotements réduit le risque d’accident jusqu’à 35 %.
  • Le tracé en plan : il s’agit de la conception des courbes en plan le long d’une route. Le risque d’accident augmente avec la réduction du rayon de virage. Le risque augmente plus rapidement pour les rayons de courbe de moins de 400m. Le risque est aussi plus élevé pour les courbes isolées (ou là où le conducteur ne s’attend pas au virage) ; il est plus faible pour les courbes d’une séquence de courbes similaires.
  • Le profil en long : il s’agit de la pente de la route (le taux de changement d’élévation verticale) et des courbes verticales (c’est-à-dire les crêtes et les creux). Les courbes rentrantes (concaves) n’ont pas d’effet significatif connu sur la sécurité, et l’effet le plus critique des courbes saillantes (convexes) sur la sécurité est dû à la distance de visibilité, sujet couvert par le point suivant. Il existe une faible relation entre le risque d’accident et la pente ; le risque augmente plus rapidement pour les pentes de plus de 5%, parce que la vitesse des véhicules devient plus difficile à gérer.
  • Distance de visibilité d’arrêt : la distance nécessaire pour qu’un conducteur reconnaisse le besoin de s’arrêter et freine jusqu’à l’arrêt complet à partir d’une vitesse donnée. Les courbes en plan et verticales limitent la visibilité du conducteur, en particulier les crêtes. Une corrélation a été suggérée d’une légère augmentation du risque d’accident à mesure que la visibilité au-delà d’une crête diminue. Le risque d’accident augmente plus rapidement pour les distances de visibilité de moins de 100 m. L’élargissement de la route (soit de l’accotement ou d’une voie de dépassement) sur une crête avec une visibilité non adéquate peut être une contremesure efficace, au lieu d’un aplatissement de la crête. Améliorer la visibilité limitée aux emplacements où d’autres véhicules peuvent ralentir ou s’arrêter (en particulier la visibilité aux carrefours) peut être extrêmement important pour la sécurité.
  • Dégagement des bas-côtés : aussi connu sous le terme de dégagement horizontal. Il s’agit de la distance entre le bord de la chaussée ou de l’accotement et un obstacle vertical en bordure de route, et du type d’obstacle qu’un véhicule pourrait heurter. Le risque d’accident peut potentiellement baisser de 35 à 45% lorsque tous les obstacles sur les accotements sont supprimés (par exemple arbres, poteaux, barrières, etc.), mais l’installation de barrières peut cependant être une contremesure efficace pour réduire les accidents en sortie de route. Il est à noter qu’un accotement dégagé doit aussi être plat ou en pente légère (par exemple 1 pour 4 ou moins), et que les accotements avec des pentes plus raides peuvent avoir un fort impact sur la sécurité des véhicules.

Les références suivantes fournissent des exemples de recommandations de différents pays pour la conception des routes :

La gestion de la circulation concerne le déplacement efficace et sûr des biens et des personnes, ce qui implique des dispositions pour les piétons, les cyclistes et les autres usagers vulnérables de la route. Encore une fois, de nombreuses recommandations existent et peuvent assister dans la gestion des routes et de la circulation. Elles sont habituellement étroitement liées aux principes de conception, aux capacités des usagers, et aux caractéristiques des véhicules. Typiquement, les recommandations couvrent des aspects tels que la théorie du trafic, les études et l’analyse du trafic, et l’utilisation de dispositifs de contrôle du trafic (signaux et marquages), ainsi que d’autres mesures associées (signaux lumineux et éclairage public). Elles peuvent aussi couvrir des questions telles que la gestion de la vitesse et la modération du trafic, les installations de transport public, le stationnement et la gestion de travaux routiers. Des exemples comprennent :

Généralement, les recommandations pour la conception sont élaborées en partant de l’hypothèse qu’elles seront utilisées lorsqu’il y a un minimum de contraintes à la réalisation du projet. Sur des sites nouveaux (« green fields ») ce sont les critères de conception du Domaine normal de Conception (Normal Design Domain, NDD) qui devraient être utilisés. Cependant, il est beaucoup plus courant de réaliser des améliorations de sécurité ou autres sur des sites où des contraintes existent, comme par exemple la modernisation de routes existantes ( « brown fields »). Les contraintes peuvent inclure le tracé existant de la route, des installations électriques (y compris les poteaux), le drainage, les points d’accès, etc. Dans ces situations, appliquer les valeurs NDD peut rendre les projets financièrement non viables. De plus, les contraintes peuvent surgir de questions environnementales, de patrimoine historique ou culturel.

De nombreux pays ont élaboré des procédures pour traiter les écarts par rapport au NDD. Si l’on s’écarte des critères recommandés de conception, une justification est requise. Ceci devrait être produit au début de l’étape de conception, et inclure un examen clair et attentif des impacts sur la sécurité découlant de la non-application de ces critères, ainsi que des impacts sur l’exploitation de la circulation. Des stratégies d’atténuation destinées à minimiser tout risque dû à l’écart doivent être formulées.

Des recommandations sur les impacts sur la sécurité résultant de la non-application des critères du NDD existent dans plusieurs pays, ainsi que de l’information sur les stratégies d’atténuation. Parmi les exemples utiles citons les recommandations du Département des Transports du New Jersey, (2012), du Département des Transports et des Routes principales du Queensland (2013) et de Stein et Neumann (2007).

Aux États-Unis, une approche récente (mais aussi appliquée ailleurs sous d’autres noms) est le concept de conception basée sur les résultats (Performance-based practical design, PBPD), qui est une évolution de la conception fonctionnelle. Ceci implique de se limiter aux besoins identifiés et de supprimer les éléments non-essentiels. Ceci a pour effet de réduire les coûts et de permettre des améliorations à un plus grand nombre de sites. Le changement vers une approche PBPD signifie que des décisions informées seront prises en utilisant des outils d’analyse (par exemple, le Manuel pour la Sécurité des Autoroutes). Les agences utilisant cette approche devraient avoir des objectifs spécifiques de résultats à court et long terme pouvant s’appliquer à un projet, à un corridor tout entier, ou à l’ensemble du réseau. Les projets, utilisant les outils disponibles d’analyse des résultats et les évaluations qualitatives, ne devraient inclure que les caractéristiques servant les objectifs de résultats à court et long terme. Les projets n’auraient pas besoin d’inclure les caractéristiques fournissant des résultats dépassant les objectifs déclarés, ne servant pas ces objectifs, ou n’étant pas cohérents avec le but et les besoins. Ceci supprime une préoccupation liée à l’approche en conception classique, qui est que les agences peuvent accorder trop d’importance aux économies à court terme sans une compréhension claire de l’impact de telles décisions sur d’autres objectifs (tels que la sécurité et les résultats d’exploitation, la sensibilité du contexte, les coûts sur le cycle de vie, les objectifs de corridors de longue distance, la qualité de vie et la durabilité).

L’approche PBPD a pour philosophie d’équilibrer les objectifs du projet avec les besoins, les normes de conception, les coûts sur le cycle de vie, les résultats d’exploitation et en matière de sécurité, et la durabilité. Pour tirer le meilleur parti de l’approche PBPD, il est fortement recommandé d’adopter une perspective systémique et d’intégrer les concepts de l’approche PBPD dans toutes les décisions relatives à la planification, la programmation et l’élaboration des projets. Dès la phase de planification et de programmation, un groupe multidisciplinaire peut évaluer les options et les compromis à faire pour définir les objectifs de résultats ainsi que les besoins précis et le but du projet, qui seront utilisés tout au long de sa vie.

 

Références

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