7.4 INTÉGRER LE SYSTÈME SÛR DANS LES OBJECTIFS ET LA PRATIQUE D’EXPLOITATION DES AUTORITÉS ROUTIÈRES
Pour l’autorité routière, le processus vers l’adoption des principes du Système Sûr et leur mise en œuvre dans ses pratiques d’exploitation est difficile et potentiellement long. Les progrès seront mesurés en années plutôt qu’en mois. Les mesures pour intégrer l’approche du Système Sûr comprendront probablement :
- le développement d’un objectif stratégique clair ou d'une déclaration d’objectif ou d’intention ;
- l’amélioration des connaissances et de la compréhension du Système Sûr par les personnes au sein de l’organisation ;
- des processus institutionnels pour définir les politiques et les systèmes de gestion ;
- la production d’une stratégie de sécurité routière et des politiques et directives associées pour conduire les actions requises ;
- des pratiques de gestion de la sécurité du réseau pour guider la planification, la conception, l’exploitation et l’entretien du réseau ;
- des objectifs de résultats reconnus par l’autorité routière et le public et l’évaluation continue des résultats de la sécurité ;
- la rétroaction sur les résultats ;
- les information pour le public sur l’intégration du Système Sûr et ses implications pour la sécurité des déplacements.
Le tableau 7.3 présente un résumé de certaines questions critiques et des actions ou processus potentiels associés à l’intégration du Système Sûr dans les systèmes de gestion de l’autorité routière.
QUESTION CRITIQUE | ACTIONS OU PROCESSUS POTENTIELS |
Comment l’autorité routière peut-elle commencer le processus d’intégration de l’approche du Système Sûr dans ses pratiques d’exploitation ? | Les déclarations de rôles et responsabilisation à tous les niveaux de l’autorité routière devraient refléter les actions et résultats attendus afin d’assurer les progrès du Système Sûr. |
Comment démarrer ou continuer la transition depuis les approches traditionnelles vers la philosophie du Système Sûr ? | Assurer qu’il existe un haut degré de compréhension des avantages associés à l’approche proactive de minimisation des risques. Les principes du Système Sûr et une conception fondée sur des principes scientifiques devraient être communiqués au personnel de l’agence et aux parties prenantes de manière claire et cohérente. Les avantages économiques et de sécurité de l’adoption de cette approche devraient être démontrés au moyen d’étude de cas et communiqués dans toute l’organisation. |
Comment mettre en œuvre les principes du Système Sûr dans la communication institutionnelle verticale et horizontale et les processus de prise de décisions ? | Les processus institutionnels doivent intégrer les résultats de Système Sûr pour renforcer le développement d’une organisation en apprentissage constant. Le développement de l’exploitation et l’expérience de mise en œuvre devraient alimenter le développement continu de politiques. La rétroaction à partir de ces activités est un moyen essentiel d’améliorer les politiques et les directives afin d’obtenir des résultats de Système Sûr. |
Arrangements formalisés pour les nouvelles manières de gérer la sécurité sur le réseau. | Appliquer ces politiques et développer des systèmes de soutien pour incorporer une gestion proactive de la sécurité du réseau dans les activités de planification, de développement de projets, de conception, d’exploitation et d’entretien de l’autorité routière. Faire des mesures continues des résultats de la sécurité pour assurer au public que le niveau de performance de l’autorité routière va en s’améliorant. |
Prendre en compte la conscience de la communauté et des parties prenantes et leur acceptation des implications de l’adoption des principes du Système Sûr. | Développer une stratégie de communication fondée sur des messages clé acceptés et des moyens de dialogue avec les parties prenantes identifiées. |
Au début, toute stratégie nationale existante de sécurité routière devra être examinée et ajustée si nécessaire pour inclure les bases du Système Sûr de la Décennie d’Action pour la Sécurité Routière des Nations Unies. Il faut s’attendre à ce que de nombreux PRFI doivent examiner la pertinence de leurs processus (voir le sous-titre Établir des processus institutionnels pour le développement des politiques à la section Intégrer le Système Sûr dans les objectifs et la pratique d’exploitation des autorités routières pour des directives).
Le niveau de direction devra aussi reconnaître les changements de responsabilités organisationnelles qui découleront de ces décisions, et penser à la manière de les accompagner. Le détail de ceci sera influencé par les besoins et l’environnement dans lesquels l’autorité routière fonctionne.
Les progrès dépendront beaucoup de l’orientation donnée par le directeur général. Ce sont là des tâches de gestion du changement très exigeantes. Obtenir le soutien et l’engagement de l’encadrement au sein de l’organisation est une première étape essentielle et une priorité.
Des programmes de formation continue, tels que ceux décrit au sous-titre Apprentissage et développement des connaissances à la section 7.4 intégrer le Système Sûr dans les objectifs et la pratique d’exploitation des autorités routières seront importants, à mesure que les politiques institutionnelles et les systèmes améliorés de gestion du réseau seront adoptés par l’organisation. Dans le cas d’une autorité routière en voie d’intégration de la pratique du Système Sûr, les niveaux d’encadrement supérieur et intermédiaire auront besoin d’un temps suffisant pour apprendre et comprendre les concepts sous-jacents.
Les processus de communication interne mis en place pour soutenir la gestion du changement doivent également être revus si l’on souhaite introduire un changement significatif sur le long terme. Cela implique une communication efficace à tous les niveaux de gouvernement, ainsi qu’entre les sièges centraux et les bureaux régionaux.
L’expérience de l’Administration suédoise des routes dans l’introduction du Système Sûr (Vision Zéro) et dans les efforts, au sein de l’organisation, pour mettre en œuvre des programmes de sécurité de l’infrastructure routière substantiellement différents est instructive (Encadré 7.6)
ENCADRÉ 7.6 : LE DÉFI DE METTRE EN ŒUVRE LE CHANGEMENT : L’AUTORITÉ ROUTIÈRE DE LA SUÈDE
De 2000 à 2009, la Suède a procédé à l’augmentation du nombre de routes de type 2 + 1, divisées par un terre-plein central, sur les tronçons à fort trafic de son réseau routier national. Ce traitement a été appliqué sur 180 km en 2000 et a atteint les 2 120 km en 2009. Ceci était destiné à traiter le nombre élevé de collisions frontales survenant sur le réseau, dues en partie aux chaussées existantes de 13 mètres de large (comportant deux voies de circulation avec de larges accotements) qui encourageaient le conducteur à se comporter comme sur une route à quatre voies, augmentant ainsi les risques de collisions frontales. La Suède a aussi commencé l’installation de barrières latérales pour réduire les risques d’accidents graves liés aux sorties de route et a élargi son programme d’implantation de carrefours giratoires pour réduire les risques d’accidents graves aux intersections
Il a fallu un certain temps, en particulier à partir de 2000, pour que la décision d’installer des terre-pleins centraux, prise au siège central, soit exécutée et soutenue par les gestionnaires régionaux. En fait, des objectifs de résultats ont été exigés des gestionnaires régionaux (voies 2 + 1 avec des terre-pleins centraux à câble métallique) afin d’entraîner la conformité avec la politique retenue par l’administration. Certains gestionnaires régionaux ont considéré les directives pour la construction des terre-pleins centraux et des voies 2 + 1 comme n’étant pas en accord avec les approches traditionnelles.
Les décès sur la route ont été réduites de 76 % (79 % si seulement sont pris en compte les links, c’est-à-dire en excluant les accidents mortels aux intersections), établissant les routes 2+1 avec des barrières à câbles comme une pratique exemplaire mondialement reconnue dans le cadre de Vision Zéro."
Source: Carlsson, 2009

FIXER UN NOUVEL OBJECTIF STRATÉGIQUE
L’Encadré 7.7 présente l’exemple d’une autorité routière posant les bases de sa transformation en une autorité intégrant pleinement la philosophie du Système Sûr dans ses activités et dans l’objectif stratégique associé qu’elle a adopté. Main Roads Western Australia (MRWA) est un utilisateur informé du Système Sûr, possédant la compréhension et l’expérience de son application. Le processus adopté par MRWA pour guider l’utilisation des principes du Système Sûr dans son exploitation est exhaustif et instructif pour d’autres autorités routières au même niveau avancé de conscience des avantages du Système Sûr.
ENCADRÉ 7.7 : L’OBJECTIF STRATÉGIQUE DE MAIN ROADS WESTERN AUSTRALIA (MRWA)
La vision :
Éliminer les décès et les blessures graves sur le réseau routier de l’Australie occidentale et laisser à nos enfants, petits-enfants et à la société l’héritage durable d’un système routier sûr
L’objectif stratégique :
La stratégie de sécurité routière de MRWA « Route vers zéro » vise à amener des changements dans nos structures institutionnelles, pratiques et notre culture en matière de sécurité routière dans le cadre de nos efforts pour éliminer les décès et les accidents graves sur la route. Elle permettra de :
- fournir un système routier sûr et de classe mondiale ;
- intégrer l’approche du Système sûr dans l’organisation et le secteur routier et
- démontrer au gouvernement et au public les résultats obtenus.
L’objectif stratégique de « Route vers zéro » reflète l’attention portée au changement culturel : changer le mode de pensée, la pratique et les comportements (permettre au personnel d’imaginer toutes les possibilités) afin de construire, entretenir et exploiter un système routier intrinsèquement sûr.
Source: MRWA, 2011
Ainsi qu’il a déjà été signalé, la législation pertinente qui régit l’action de l’autorité routière influencera sa manière de procéder à la mise en œuvre de l’approche du Système Sûr.
APPRENTISSAGE ET DÉVELOPPEMENT DES CONNAISSANCES
La sensibilisation aux possibilités et à l’application du Système Sûr sera réalisée grâce au leadership, à la formation et au développement des connaissances, comme expliqué en détail au Chapitre 4 - Approche du Système Sûr. Dans les PRFI, assurer les ressources destinées à cette sensibilisation est une étape critique.
APPROCHES DE FORMATION ET DÉVELOPPEMENT
Des activités efficaces de formation et de gestion du changement seront cruciales pour avancer vers le Système Sûr. La Nouvelle-Zélande, qui possède une approche de Système Sûr bien avancée, a mis en œuvre des programmes de formation dans tout le secteur par l’intermédiaire de la New Zealand Transport Agency (NZTA) (Climo et al, 2014), comme l’indique l’Encadré 7.8.
ENCADRÉ 7.8 : LES PROGRAMMES DE FORMATION DE NZTA
« Voyages plus sûrs » (la stratégie de NZTA) a reconnu le besoin d’intégrer le Système Sûr dans la culture de sécurité routière du pays et de développer les compétences correspondantes. Dans les quatre années suivant son adoption de l’approche du Système Sûr, NZTA s’est efforcée d’intégrer les processus de ce système dans ses opérations.
Un programme structuré de « changement de culture » a été intégré, et détaillait ce que ce changement signifiait dans la pratique et ce qui devait être fait différemment. Les ressources suivantes ont été élaborées :
- une série de brochures sur le Système Sûr à l’attention des usagers de la route, concepteurs de systèmes, médecins légistes, ingénieurs et aux planificateurs de systèmes ;
- une série de nouveaux guides sur le Système sûr ciblant les routes, intersections et routes réservées aux motocyclettes connues pour leur risque élevé ;
- une vidéo présentant des études de cas associés au Système sûr et
- un atelier pratique de deux jours sur le Système sûr pour former 500 personnes (en groupes d’environ 50) sur une période de 18 mois.
Les politiques, procédures et lignes directrices ayant potentiellement la plus forte influence ont été identifiées, et un programme a été entrepris pour leur modernisation.
Le deuxième Plan d’action pour la stratégie voyages plus sûrs (2013-2015) a continué sous ce même angle avec des tâches spécifiques pour faire « avancer le Système sûr » comprenant :
- des projets phares, utilisant l’approche du Système sûr pour aborder des problèmes de sécurité routière sur des corridors ou des routes locales ;
- l’établissement d’un programme de partenariat en Système Sûr exigeant la formation de nouveaux partenariats entre les autorités locales, le secteur privé, les groupes de défense et le public ;
- la réorientation du dialogue sur la sécurité routière afin d’élever le niveau de conscience sur ce qui contribue réellement à la sécurité routière.
Source: Climo et al., 2014.
L’expérience de NZTA a démontré que le changement de culture n’est pas une tâche rapide ou facile. Elle exige une forte direction depuis le plus haut niveau (politiciens et directeurs généraux) et de la persévérance dans la continuelle répétition de messages clés. Il a de plus été reconnu que changer au niveau des média l’attitude habituelle de « blâmer le conducteur » est fondamental pour réussir.
Une formation efficace du personnel exigera des programmes tels que celui de NZTA et d’autres programmes plus modestes devant être identifiés puis utilisés pour une formation pertinente du personnel, en particulier celui des autorités des PRFI. Des activités telles que des échanges de court terme de personnel (deux à quatre semaines) avec d’autres autorités routières nationales ainsi que des séminaires par des experts locaux et internationaux pour informer et obtenir des contributions sur les questions liées à la sécurité routière devraient aussi être organisés.
Une culture de changement et d’amélioration continus devrait être encouragée, et des programmes de formation extensifs pour le personnel du siège central et des régions devraient être introduits de manière opportune. Ces étapes sont vitales pour aider à consolider les connaissances en sécurité et à améliorer les résultats en sécurité routière obtenus par l’autorité routière.
INITIATIVES POR SOUTENIR L’APPLICATION DU SYSTÈME SÛR
Les initiatives pour aider à l’application des principes du Système Sûr dans les programmes et projets de l’autorité routière comprennent :
- un meilleur accès aux données et la familiarisation avec les principaux instruments d’analyse (ce qui implique un système fiable de données sur les accidents (Chapitre 5 - Gestion et utilisation efficaces des données de sécurité routière),
- le développement des connaissances organisationnelles ;
- la compréhension du fait que le réseau existant n’est pas sûr, que certains sites sont moins sûrs que d’autres et pourquoi, y compris l’utilisation d’outils tels que l’évaluation des risques (Chapitre 10 - Évaluation des risques potentiels et identification des problèmes) ;
- la compréhension des risques d’accident et l’application de l’approche du Système Sûr pour réduire le nombre des accidents mortels et des blessures graves par type d’accident ;
- l’établissement de processus continus pour le dialogue et la prise de décisions (en matière de risque d’accidents et de Système Sûr) à travers toute l’organisation, en vue de développer des politiques et des programmes ;
- l’amélioration des résultats de sécurité grâce à la mise en œuvre de systèmes formalisés de gestion de la sécurité routière ou l’amélioration des processus existants d’évaluation de la sécurité ;
- la recherche continue de traitements potentiels pour la sécurité de l’infrastructure et
- L’évaluation de l’efficacité des programmes.
ANALYSE DES RISQUES D’ACCIDENT ET TRAITEMENTS : DÉVELOPPEMENT DE LA COMPREHÉSION ET APPLICATION
De nombreux professionnels des autorités routières s’informent sur l’analyse des accidents, le développement d’options de traitement, la sélection de l’option la plus économique (en vue de réduire les blessures graves et mortelles, au lieu du nombre d’accidents), et sa mise en œuvre au moyen de programmes et projets sur les sites à haut risque (points noirs). S’il est certes préférable que l’autorité routière procède, le plus tôt possible, à l’évaluation de tout son réseau et au traitement du risque d’accidents. Les projets de correction des sites à haut risque (qui se fondent sur des preuves solides du type d’accident, sur de robustes estimations des coûts de projet et des gains en termes de réduction des accidents, suivis par une évaluation ultérieure) sont un outil essentiel d’apprentissage pour les professionnels et ingénieurs débutant en sécurité routière. De tels projets, s’ils sont exécutés clairement en fonction du Système Sûr et d’une compréhension minimale de ses bases, sont des étapes importantes pour les personnes, vers une compréhension plus large du risque d’accidents et des outils.
Le Chapitre 6 - Objectifs de sécurité routière, stratégies d’investissement, plans et projets, fournit des exemples de projets de démonstration exécutés par les agences de sécurité routière dans certains pays, y compris l’autorité routière, afin d’accroître les connaissances sur l’analyse du risque et les options de traitement. De plus amples informations sur l'utilisation des données d'accidents pour l'identification des sites à haut risque sont disponibles au Chapitre 10 - Évaluation des risques potentiels et identification des problèmes.

ÉTABLIR DES PROCESSUS INSTITUTIONNELS POUR LE DÉVELOPPEMENT DES POLITIQUES
Le changement est toujours difficile, et la réévaluation ou la réorientation des politiques et des lignes directrices concernées par l’intégration totale du Système Sûr est de grande ampleur. Il s’agit d’une étape difficile pour n’importe quelle autorité routière, mais plus encore pour celle d’un PRFI empruntant cette voie. Passer de la compréhension individuelle à l'adoption d'un consensus au sein de l'entreprise, puis à l'accord sur la nouvelle vision de la sécurité routière et la manière dont elle doit être appliquée, est un processus complexe pour toute autorité routière. De tels processus seront moins développés dans la plupart des autorités routières des PRFI, mais il est essentiel que leurs dirigeants encouragent le dialogue et les débats le plus tôt possible. Il faudra du temps et une direction forte pour mettre en œuvre un changement significatif dans les processus d’établissement de politiques institutionnelles.
PROGRAMMES DE GROUPES DE TRAVAIL
Pour soutenir la tâche politique d’établissement des priorités en matière de sécurité routière, les autorités routières des PRFI pourraient utilement établir des groupes de travail pour examiner les problèmes et développer, à l’attention des dirigeants, des recommandations de politiques détaillées qui peuvent être mises en œuvre. Chaque groupe devrait comprendre :
- un cadre animateur désigné ;
- des termes de référence clairs ;
- l’accès à des compétences juridiques et autres expertises ;
- la consultation d’autres agences en tant que nécessaire et
- un calendrier suivi pour la présentation des recommandations finales aux dirigeants.
Ces groupes de travail rendraient compte à la direction, qui pourrait se réunir, de manière régulière, en tant que comité exécutif de planification de la sécurité routière. Les politiques prioritaires pourraient inclure :
- une politique de gestion de la vitesse ;
- ne politique de la sécurité des usagers vulnérables (aménagements pour améliorer la sécurité des groupes vulnérables principaux, tels que piétons, cyclistes et motocyclistes, etc.), dans leurs déplacements le long et à la traversée des routes nationales et provinciales principales ;
- l’examen des activités et pratiques d’entretien pour améliorer la sécurité ;
- l’offre de formation concernant le Système Sûr, y compris aux gouvernements locaux ;
- l’évaluation de la sécurité du réseau en identifiant la mesure dans laquelle les tronçons de route prennent en compte les principes du Système Sûr ainsi que les failles principales méritant attention et
- l’établissement progressif des principes d’organisation, des normes techniques et des lignes directrices pour la sécurité routière.
L’APPROCHE PAR UN COMITÉ D’EXAMEN DU PROJET (CEP)
Une autorité possédant des processus institutionnels de prise de décision plus avancés pourrait suivre une approche de CEP pour développer et étendre un programme de réduction des risques d’accident. Le CEP serait composé de cadres de l’organisation, hautement qualifiés en ingénierie, et examinerait des présentations préparées par les projeteurs concernant les plus grands projets proposés, de manière régulière (par exemple une fois par semaine). Les proposants du projet seraient questionnés sur des aspects clés (coût estimé, gestion du patrimoine, réalisation du projet, gestion de l’environnement et acquisition de terrains, mobilité et accès, gestion de la circulation et sécurité routière).
Les discussions sur la sécurité se centreraient sur les mesures proposées pour améliorer la sécurité dans le cadre de projets nouveaux ou sur les problèmes de sécurité d’une route existante qui devrait être modernisée. Les politiques institutionnelles, les directives et les normes de sécurité seraient ajustées ou introduites, comme résultat de ces discussions et des révisions futures associées.
Comme indiqué à Apprentissage et développement des connaissances dans la section 7.4 - Intégrer le Système Sûr dans les objectifs et la pratique d’exploitation des autorités routières , l’expérience antérieure en programmes de traitement des points noirs est pertinente, car ces activités sensibilisent l’autorité routière non seulement aux opportunités d’améliorer le niveau de sécurité sur le réseau, mais aussi aux désavantages de ne traiter que les sites à haut risque et de laisser des tronçons à moindre risque sans traitement et avec moins de probabilité d’être traités.
L’approche par CEP reconnaît que l’intégration du Système Sûr requiert un dialogue dans toute l’organisation, au niveau de la direction sur les responsabilités d’exploitation du réseau, ainsi qu’au niveau des programmes ou des projets (par exemple la localisation sur le profil en travers de pistes cyclables le long de routes artérielles, à l’occasion d’une modernisation ou d’un projet neuf).
PRODUIRE DES POLITIQUES ET DES GUIDES
La production de politiques, de guides et normes de qualité est l’étape suivante du processus. Cette production se fera progressivement et sera de nature très variée, reflétant le stade de développement de la sécurité de l’autorité routière et ses priorités immédiates en la matière. Le Chapitre 9 - Gestion de la sécurité des infrastructures, donne plus de conseils sur le rôle des politiques, guides, normes et exemples sur leur développement.
Les domaines de priorité pour la définition d’une politique et pour la formation associée seraient :
- les lignes directrices du Système Sûr ; la conception de la route (intégrant les concepts du Système Sûr) ;
- la gestion de la circulation soutenant le fonctionnement sécurisé du réseau ;
- la gestion de sécurité dans des sites de travaux routiers et
- l’identification des sites à haut risqué pour identifier les sites où les accidents sont plus fréquents, suivi par leur analyse, évaluation et traitement (l’analyse des risques sur le réseau suivra lorsque les outils et le financement des projets sont disponibles).
Exemple : En 2013 lors d’une revue de son plan stratégique général, la Direction générale des Routes (DGH) de l’Indonésie a identifié certaines failles en matière de sécurité routière et pris les suivantes initiatives politiques pratiques et réalistes :
- citer le Plan directeur pour la sécurité routière dans le plan stratégique général de la DGH ;
- citer l’approche du Système sur dans le plan stratégique général ;
- développer des indicateurs de sécurité parmi les indicateurs clés de performance de l’organisation (« ce qui n’est pas mesuré n’est pas géré ») ;
- introduire une catégorie de financement pour les investissements spécifiques en sécurité (points noirs) pour aider l’identification des efforts de financement ;
- réviser les normes de conception en matière de sécurité routière et
- fournir un financement supplémentaire des projets pour traiter des problèmes identifiés au cours des audits ultérieurs de sécurité routière.
Pour les autorités routières des PRFI, les priorités en sécurité routière du point de vue de la politique et de sa mise en œuvre seront souvent différentes de celles des autorités routières des PRE. Pour les PRFI, les priorités politiques comprendront généralement :
- la fourniture d’aménagements pour piétons et motocyclistes améliorant les résultats de la sécurité ;
- le traitement des vitesses incompatibles entre les différentes catégories d’usagers dans les zones à haut risque ;
- la mise en place d’équipements de sécurité de l’infrastructure et de gestion de la circulation pour réduire les risques d’accidents ;
- le contrôle des accès le long des routes ;
- le contrôle de l’urbanisation sur les terrains riverains des routes artérielles pour réduire les impacts négatifs sur la sécurité routière ;
- l’amélioration de la sécurité de la circulation de poids lourds et
- l’amélioration du respect des règles de circulation.
À titre d’exemple, la ville d’Abu Dhabi a développé des directives d’aménagement urbain à appliquer dans ses rues pour améliorer la sécurité de manière durable et rendre la ville plus conviviale aux piétons, aux usagers des transports publics et aux cyclistes et pour donner à ces catégories d’usagers, grâce à ces aménagements, la priorité sur les véhicules et leurs occupants. Des détails sont présentés dans l’étude de cas suivant :
ÉTUDE DE CAS - Le manuel d’aménagement urbain d’Abu Dhabi
L’Émirat d’Abu Dhabi possède une population diverse avec des comportements des conducteurs différents, des degrés divers d’éducation en matière de conduite, et des différences culturelles. Le Conseil de Planification urbaine d’Abu Dhabi (URC) a reconnu le besoin de créer des rues sûres offrant plus d’espaces piétons, dans un effort pour parvenir à une société multimodale.
La solution : L’URC a fait rédiger le Manuel d’aménagement urbain d’Abu Dhabi pour traiter de ces questions. Le Manuel fait maintenant partie des règles de l’URC pour les projets et doit obligatoirement être utilisé conjointement avec les autres directives et normes adoptées. Pour en savoir plus
APPLIQUER LE SYSTÈME SÛR DANS LES PRATIQUES DE GESTION DU RÉSEAU
Les étapes présentées dans Fixer un nouvel objectif stratégique pour produire des politiques et des guides dans la section 7.4, Intégrer le Système Sûr dans les objectifs et la pratique d’exploitation des autorités routières fournissent les lignes directrices nécessaires pour intégrer le Système Sûr dans la gestion et l’exploitation du réseau. Cependant, les autorités routières doivent encore progressivement appliquer les politiques qu’elles définissent et établir des systèmes de gestion qui soutiennent ces dernières pour assurer que leurs activités de gestion du réseau incorporent toutes les directives qu’elles ont établies.
L’autorité routière devra agir pour incorporer les systèmes de gestion de la sécurité dans la planification et l’exploitation de son réseau, ce qui peut être fait grâce à des mesures telles que :
- une revue des programmes et priorités, durant la préparation annuelle des lignes directrices pour la programmation annuelle, et
- l’examen périodique de la mise en œuvre progressive des politiques et lignes directrices de sécurité.
Il est recommandé de formaliser progressivement cette approche. La norme ISO 39001 fournit des conseils sur la manière de structurer cette action (Interventions, section 3.2. Cadres et outils du système de gestion).

GÉRER LES RÉSULTATS
L’autorité routière devra progressivement s'assurer, ainsi qu'assurer au public, qu'elle progresse dans l'amélioration de la gestion et de l'exploitation de la sécurité de son réseau, ce qui peut être réalisé par :
- l’évaluation périodique des programmes pour déterminer les gains de sécurité ;
- l’utilisation d’indicateurs de résultats de sécurité (au début, un ensemble limité qui se développera plus tard en un système plus sophistiqué) pour mesurer des domaines spécifiques de progrès ;
- l’intégration des résultats de ces évaluations et mesures (positifs et négatifs) dans la revue des lignes directrices pour les programmes et la programmation annuelle des actions ;
- analyser les tendances en matière d’accidents mortels sur le réseau sur un certain nombre d’années.
Dans la plupart des PRFI, l’identification et l’adoption d’indicateurs spécifiques de résultats de la sécurité routière seront une manière utile de mesurer les résultats et d’établir progressivement une responsabilisation.
ICP DE SÉCURITÉ ET DISTRIBUTION DES BUDGETS
Toutes les stratégies de sécurité routière devraient avoir leurs indicateurs clés de performance (ICP) spécifiques. Leur introduction permet aux autorités de spécifier le niveau de résultats recherché d’amélioration de la sécurité et/ou d’encourager le développement et l’exécution des programmes d’amélioration.
L’absence d’ICP de sécurité routière de haut niveau peut avoir pour conséquence l’absence d’une dotation budgétaire dédiée à des programmes spécifiques. Dans les PRFI, les catégories d’affectation du financement comprennent typiquement l’entretien de routine, l’entretien périodique, la rénovation et la reconstruction.
L’un des avantages d’une dotation dédiée à des programmes spécifiques de sécurité routière est la capacité de mesurer les dépenses générales de travaux ciblés en matière de sécurité et d’évaluer la rentabilité économique de l’investissement.
Pour l’autorité routière, de bons résultats en sécurité sur le réseau doivent être considérés comme un résultat majeur de l’organisation. Il est probable que les ICP de sécurité de niveau institutionnel prendront progressivement une place prédominante dans l’évaluation générale des résultats de l’autorité routière.
Il sera nécessaire de développer une gamme d’indicateurs de résultats plus détaillée pour favoriser le progrès dans l’application de traitements de sécurité à l’infrastructure routière. Après l’adoption des ICP, il faut déterminer de quelle manière ils seront mesurés et rapportés, ainsi que la fréquence de leur utilisation (voir la discussion sur les indicateurs de performance au Chapitre 3 - Système de gestion de la sécurité routière ; Chapitre 5 - Gestion et utilisation efficaces des données de sécurité routière et le Chapitre 6 - Objectifs de sécurité routière, stratégies d’investissement, plans et projets). Des exemples d’ICP du Plan mondial sont présentés dans l’Encadré 7.9.
ENCADRÉ 7.9 : INDICATEURS CLÉS DE PERFORMANCE POUR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE
Le Plan mondial pour la Décennie d’action propose des indicateurs de résultats pour le volet Sécurité des routes et mobilité, tels que :
- le nombre annuel de contrôles routiers et autres contrôles ;
- le nombre annuel de contraventions pour infractions aux règles de circulation (par infraction : excès de vitesse, non-utilisation du casque, non-utilisation de siège pour enfant, non-utilisation de la ceinture de sécurité, usage excessif d'alcool/substances psychoactives, utilisation du téléphone mobile en conduisant, occupation illégale de l'espace public, etc.) ;
- le nombre annuel de permis de conduire délivrés ;
- le nombre annuel d’examens de conduit ;
- le nombre annuel de permis de conduite retirés (par infraction) ;
- le nombre de véhicules immatriculés ;
- le nombre annuel de contrôles techniques périodiques ;
- le nombre annuel de certificats d'immatriculation retirés ;
- la proportion de véhicules en circulation répondant aux normes techniques requises ;
- la proportion de véhicules neufs ou importés (d'occasion) répondant aux normes techniques requises ;
- la proportion de véhicules en circulation ayant réussi les inspections techniques périodiques ;
- le nombre annuel de permis délivrés/retirés pour les centres de contrôle ;
- la longueur des routes par catégorie ;
- l’évolution annuelle de la longueur des routes ;
- le nombre annuel d'audits et d'inspections routières ;
- la proportion de kilomètres de routes audités ou inspectés ;
- la longueur ou proportion de routes ayant passé l'inspection (répondant aux normes techniques requises) ;
- le nombre annuel de permis délivrés/retirés pour les organismes d'audit/inspection ;
- l’évolution annuelle des budgets des autorités de sécurité routière ;
- temps moyen de réponse post-accident annuel ;
- la proportion d’enquêtes sur les accidents impliquant des véhicules motorisés par rapport à toutes les enquêtes sur les accidents ;
- le nombre annuel d'activités de sensibilisation et de mobilisation (par chaque sujet) ;
- le nombre d'activités de formation pour les inspecteurs de véhicules, les auditeurs routiers et inspecteurs, les services d'urgence professionnels.
Source: UNRSTF, 2018