6.4 DÉTERMINATION D'OBJECTIFS
APPROCHES POUR L’ÉTABLISSEMENT D'OBJECTIFS
La fixation d'objectifs peut être basée sur les résultats estimés des plans d'action approuvés. Alternativement (et le plus souvent), les objectifs peuvent simplement être ambitieux. L'établissement d'un objectif de sécurité routière est une occasion majeure d'impliquer et d'informer la communauté sur les risques de sécurité routière qui y existent, les mesures disponibles pour réduire les risques, et de rechercher activement et ouvertement le soutien pour une meilleure performance. Il existe deux approches principales pour fixer des objectifs quantitatifs : descendante (top-down) et ascendante (bottom-up). La fixation d'objectifs descendante implique l'établissement d'objectifs idéalistes en tenant peu compte de leur faisabilité. La fixation d'objectifs ascendante, à l'inverse, se concentre sur des résultats réalisables dans un délai et avec une allocation de ressources définis. Une combinaison de ces approches est également possible.
La fixation d'objectifs descendants, comme l'application de l'objectif de réduction de 50 % des décès de la Décennie d'Action pour la période 2021-2030 (voir Exemples d’objectifs quantitatifs typiques adoptés, ci-dessous), est beaucoup plus susceptible d'être appliquée dans les PRFI, car il existe souvent peu d'autres informations factuelles sur lesquelles s'appuyer pour entamer leur parcours en matière de sécurité routière. Cependant, cette approche ambitieuse peut souvent conduire à des résultats décevants à court et moyen terme.
La fixation d'objectifs ascendants repose sur un ensemble négocié d'actions stratégiques ayant un impact calculé (estimé) sur les décès et les blessures (graves). Une bonne base de données sur les accidents, une compréhension des questions de sécurité, une connaissance des solutions potentielles et des ressources adéquates sont des conditions préalables à cette approche. Des objectifs plus spécifiques peuvent ainsi être élaborés. Avant de fixer des objectifs, il est souvent utile d'établir des liens entre les niveaux administratif et politique pour discuter et résoudre les problèmes potentiels de mise en œuvre (souvent au-delà des impacts sur les transports) qui pourraient autrement bloquer les initiatives.
L'approche ascendante comprend les étapes suivantes :
- Analyse de la situation : comprendre l'ampleur du problème de sécurité routière ; identifier les principales défaillances du système et leur évolution récente.
- Établissement d'une liste de priorités : prendre en compte tous les éléments du système de sécurité routière pour élaborer une stratégie équilibrée.
- Élaboration d'actions pour chaque priorité : évaluer la rentabilité de chaque action. La priorité devrait être donnée aux mesures à bas coût.
- Détermination d'objectifs secondaires et principaux quantifiés : fixer des objectifs secondaires ambitieux mais réalisables en matière de réduction des accidents, afin qu'ils servent de motivation.
- Surveiller pour évaluer l'efficacité des contre-mesures.
- Feedback (remarques) et actions correctives si nécessaire.
En suivant ces étapes et en mettant l'accent sur la prise de décision basée sur les données, la fixation d'objectifs ascendants peut contribuer de manière significative à la réduction des traumatismes routiers.
Que l'approche descendante ou ascendante soit utilisée pour définir un objectif, ces connaissances et cette expérience soutiendront l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie et du plan d'action. L'une ou l'autre de ces approches est capable de soutenir l'amélioration des performances en matière de sécurité routière. Cependant, tant qu'un pays ne disposera pas d'une capacité suffisante pour gérer la sécurité routière, il est peu probable qu'une approche ascendante soit envisageable. C'est pourquoi le Tableau 6.2 indique que pour les phases d'investissement d’ « établissement » et de « croissance » précoce, une approche descendante de la fixation des objectifs est probablement la seule option envisageable pour les PRFI.
TABLEAU 6.2 : OPTIONS DE FIXATION D'OBJECTIFS REALISABLES
Phase du plan d'investissement (d'action) | Mise en place | Croissance | Consolidation |
Approche de la fixation d'objectifs | |||
Top down | P | P | P |
Bottom up | O | O (Pour l'étape de croissance précoce) | P |
Certaines questions sont pertinentes pour la fixation des objectifs dans la plupart des cas :
- Le soutien politique est essentiel ; les responsables politiques doivent être suffisamment soutenus pour être prêts à diriger la mise en œuvre des changements bénéfiques en matière de sécurité routière.
- L'engagement politique en faveur de la réglementation et de la législation est important.
- Un financement adéquat est nécessaire, avec une vision à long terme. Les coûts économiques des stratégies de prévention des blessures peuvent être mis en balance avec les économies réalisées par les gouvernements en termes de réduction des dépenses de santé et de protection sociale. Il s'agit d'un outil de plaidoyer particulièrement important à utiliser auprès des ministères des finances, qui, dans de nombreux pays, jouent un rôle décisif dans la détermination des priorités globales en matière de dépenses publiques.
- Dans la mesure du possible, il convient d'identifier les « premières victoires » et de les utiliser pour soutenir la stratégie globale. Cela peut impliquer la fixation d'objectifs ou l'adoption de mesures moins exigeantes dans la phase initiale de mise en œuvre, mais qui encourageront à aller plus loin dans une phase ultérieure.
- La diffusion des succès contribue à renforcer la confiance dans la stratégie et permettra d'obtenir un soutien supplémentaire au sein du gouvernement.
Bien que les PRFI puissent utilement baser leurs objectifs à court terme sur les objectifs à cinq ou dix ans actuellement adoptés par les pays ayant de bonnes pratiques, cela présente des inconvénients majeurs :
- Dans de nombreux PRFI, le nombre de décès et de blessures graves continue d'augmenter à mesure que la motorisation se développe.
- Les PRFI ne disposent généralement pas des composantes de base nécessaires, dans leur phase de mise en place des investissements, pour prendre les mesures nécessaires à la réalisation du changement, qui est proposé dans les PRE, dont la plupart sont en phase de croissance, voire de consolidation.
Les plans et objectifs nationaux, régionaux, et locaux devraient refléter l'approche nationale adoptée, avec des variations en fonction des circonstances et des intentions locales. De cette manière, une compréhension plus cohérente peut être établie par la communauté, les professionnels de la sécurité routière et les politiciens à différents niveaux de gouvernement. Cependant, la fixation d'objectifs au niveau local (par opposition au niveau régional ou national) risque d'être problématique, car les données, les ressources et le niveau d'expertise ne sont généralement pas facilement disponibles. Par conséquent, des objectifs nationaux ou régionaux sont souvent adoptés. C'est pourquoi les plans nationaux devraient offrir suffisamment de souplesse pour que les préférences et les priorités locales puissent être identifiées et exprimées dans les plans locaux.
ÉTUDES DE CAS – FIXATION D'OBJECTIFS
Vous trouverez ci-dessous plusieurs études de cas sur la fixation d'objectifs :
ÉTUDE DE CAS - Danemark : Plan d'action national de la Commission de la sécurité routière
La nécessité de réduire le nombre d'accidents mortels et avec blessés au Danemark a conduit à l'élaboration d'un plan d'action national. Chaque accident est un accident de trop - une responsabilité partagée est le nom officiel du plan d'action national 2013-2020 de la Commission danoise de la sécurité routière. Le nombre d'usagers de la route décédés ou blessés sur les routes danoises a diminué de moitié depuis 2001. La Commission danoise de la sécurité routière joue un rôle très important en fixant régulièrement des objectifs ambitieux dans ce domaine. Ces objectifs sont ensuite utilisés et adoptés par les parties prenantes concernées qui s'efforcent de les mettre en œuvre et assument la responsabilité de leur réalisation afin d'atteindre l'objectif du plan d'action. Les parties prenantes doivent être soutenues par un engagement politique et recevoir les fonds nécessaires à la sécurité routière pour atteindre l'objectif. En savoir plus
ÉTUDE DE CAS - République tchèque : Identification des localisations dangereuses sur les routes
Un système de gestion de la sécurité routière doit être établi et mis en œuvre à chaque niveau de prise de décision. Un tel système commence par l'identification des localisations routières dangereuses, suivie de leur analyse ; de la définition des priorités ; de la proposition et de l'application de contre-mesures ; et de l'évaluation de l'efficacité. Le projet de recherche national « IDEKO » a été entrepris par le CDV, Transport Research Centre (le Centre de recherche sur les transports). Son objectif était de développer des méthodes et des outils pour l'identification et le traitement des localisations routières dangereuses. En savoir plus
ÉTUDE DE CAS - Angleterre : Des routes à trois étoiles d'ici 2020
Highways England et le ministère des transports ont identifié la nécessité de réduire le nombre de décès et de blessures graves sur leur réseau routier. En 2015, Highways England s'est fixé pour objectif de faire en sorte que 90 % des déplacements sur le réseau routier stratégique se fassent sur des routes classées 3 étoiles ou plus d'ici 2020. En 2016, le ministère des transports a lancé un fonds innovant pour les routes locales qui cible les 50 routes les plus dangereuses du pays, telles que publiées chaque année par la Fondation Sécurité Routière. En savoir plus
ÉTUDE DE CAS - El Salvador : Projet d'extension de l'autoroute côtière
Le projet d'extension de l'autoroute côtière au Salvador visait à décongestionner le segment le plus fréquenté de l'autoroute côtière du Salvador (CA-2). La CA-2 est l'un des deux plus importants corridors logistiques du pays et relie les principaux nœuds logistiques du Salvador, notamment ses deux ports maritimes et le seul aéroport international du pays. La Millennium Challenge Corporation (MCC) travaille en partenariat avec le gouvernement du Salvador pour réaliser le projet d'extension de l'autoroute côtière, d'un montant de 101,6 millions de dollars. Ce projet s'inscrit dans le cadre du pacte d'investissement de 365,2 millions de dollars conclu entre la MCC et le gouvernement du Salvador. Dans le cadre de ce projet, la MCC met en œuvre des objectifs de renforcement des capacités en matière de sécurité routière et de classement par étoiles, en s'appuyant sur des succès similaires aux Philippines et en Moldavie. En savoir plus
Une approche ascendante de la fixation d'objectifs intermédiaires a été suivie dans l'État d'Australie-Occidentale
ÉTUDE DE CAS - Australie-Occidentale : une approche ascendante pour la fixation des objectifs
L'Australie-Occidentale affirme que considérer la sécurité dans une perspective à long terme pour prévenir les décès et les blessures graves permettra de concevoir des routes fondamentalement sûres. L'État d'Australie-Occidentale (WA) a élaboré une stratégie de sécurité routière basée sur le Système Sûr pour la période 2008-2020. Un modèle mathématique a été développé pour fournir les bénéfices projetés de la mise en œuvre d'une combinaison de contre-mesures issues des meilleures pratiques du Système Sûr. Diverses options et combinaisons de bénéfices dérivés pour une gamme de choix politiques et de financement ont été fournis au public par le biais d'un programme de consultation publique complet au fur et à mesure que la stratégie était développée. En savoir plus
La méthode la plus largement utilisée est la fixation d'objectifs descendants ou ambitieux, et c'est la seule approche réalisable pendant la phase de mise en place. Elle peut également être utilisée efficacement pour les phases de croissance et de consolidation. Par exemple, la Suède utilise une combinaison d'approches descendantes et ascendantes pour fixer des objectifs intermédiaires en matière de sécurité routière.
ÉTUDE DE CAS - Suède : une combinaison d'approches descendantes et ascendantes
En 2012, la Suède a procédé à une révision de sa stratégie 2010-2020 et de ses objectifs intermédiaires et indicateurs de performance actuels afin de s'assurer que les objectifs intermédiaires en matière de sécurité routière restaient ambitieux et réalistes. La réduction du nombre de décès au cours des trois années précédentes (jusqu'en 2012) avait dépassé les résultats prévus et les progrès réalisés par rapport aux objectifs fixés pour 2020. Les agences se réunissent six fois par an pour contrôler les performances en matière de sécurité routière par rapport aux objectifs et cibles convenus jusqu'en 2020, partager leurs connaissances et coordonner leurs efforts. L'objectif actuel en matière de sécurité routière prévoyait une réduction intermédiaire de 50 % du nombre de décès et de 25 % du nombre de blessés graves entre 2007 et 2020. Une priorité particulière devait être accordée aux mesures visant à améliorer la sécurité routière des enfants. En savoir plus
EXEMPLES D’OBJECTIFS QUANTITATIFS TYPIQUES ADOPTÉS
Les objectifs de sécurité routière doivent être quantitatifs et mesurables afin que le niveau d'ambition soit clair, que le degré de réalisation de l'objectif puisse être déterminé et, s'il n'a pas été atteint, que l'écart par rapport à l'objectif puisse être mesuré.
Des objectifs quantifiés en matière de sécurité routière ont été fixés dans plusieurs régions (voir le Chapitre 2 - Les principales évolutions en matière de sécurité routière) et pays au cours des dernières décennies, notamment en Finlande, en France, aux Pays-Bas, en Suède, au Royaume-Uni, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Irlande et aux États-Unis.
Exemple Indonésie : les objectifs et les actions politiques exprimés dans le Plan directeur national de sécurité routière 2011-2035 (République d'Indonésie) sont les suivants :
- Réduction de 50 % du nombre de décès par population d'ici 2020.
- Réduction de 80 % du taux de mortalité par population d'ici 2035.
Exemple de l'Irlande : L'Irlande a considérablement réduit le nombre de décès au cours des dernières années, ce qui la place parmi les pays de l'UE les plus performants. La stratégie adoptée pour la période 2013-2020 a les objectifs suivants (Road Safety Authority, 2013) :
- Réduction de 24 % du nombre d'accidents mortels.
- Réduction de 40 % du nombre de blessures graves pendant la durée de la stratégie.
ÉTABLISSEMENT D'OBJECTIFS POUR DES GROUPES SÉLECTIONNÉS D’USAGERS OU DE RISQUES DE LA ROUTE
Outre les objectifs finaux en matière de nombre total de décès et de blessures graves définis dans une stratégie, des objectifs peuvent être fixés pour différents groupes d'usagers de la route vulnérables et pour diverses catégories de risque dans le cadre des piliers du Système Sûr.
Par exemple, la stratégie néo-zélandaise Safer Journeys (Des trajets plus sûrs) 2010-2020 (Ministry of Transport, 2010) visait une réduction de 40 % du taux de mortalité des jeunes et de 20 % des décès résultant d'accidents impliquant des conducteurs sous l'effet de drogues ou d'alcool, comme le montre le Tableau 6.3.
Objectif visé | Objectif de réduction | Objectif visé | Objectif de réduction |
Renforcer la sécurité des jeunes conducteurs | Réduire le taux de mortalité routière des jeunes de 21 pour 100 000 habitants à un taux similaire à celui des jeunes australiens, soit 13 pour 100 000 | Marcher et faire du vélo en toute sécurité | Réduire les risques d'accident pour les piétons et en particulier les cyclistes, tout en encourageant l'utilisation de ces moyens de transport grâce à des infrastructures routières plus sûres |
Réduire la conduite en état d'ivresse ou sous l'influence de drogues | Réduire le nombre de décès causés par la conduite en état d'ivresse et/ou sous l'influence de drogues, qui s'élève actuellement à 28 décès par million d'habitants, pour atteindre un taux similaire à celui de l'Australie, soit 22 décès par million d'habitants | Améliorer la sécurité des véhicules lourds | Réduire le nombre d'accidents graves impliquant des véhicules lourds |
Rendre les routes et leurs bords plus sûrs | Réduire considérablement le risque d'accident sur les routes néo-zélandaises à haut risque | Réduire l'impact de la fatigue et lutter contre la distraction | Faire de la gestion de la distraction et de la fatigue du conducteur une partie intégrante de ce que signifie être un conducteur sûr et compétent |
Atteindre des vitesses plus sûres | Réduire de manière significative l'impact de la vitesse sur les accidents, en diminuant le nombre d'accidents attribués à la vitesse et à une conduite trop rapide par rapport aux conditions | Réduire l'impact des facteurs à haut risque | Réduire le nombre de récidivistes pour conduite en état d'ivresse et pour excès de vitesse, ainsi que le nombre d'incidents de courses de rue illégales |
Renforcer la sécurité de la conduite de motocyclettes | Réduire le taux de mortalité routière des motocyclistes et des cyclomotoristes de 12 pour 100 000 habitants à un taux similaire à celui de l'État australien le plus performant, Victoria, qui est de 8 pour 100 000 | Accroître le niveau de retenue | Atteindre un taux d'utilisation et d'installation correct de 90 % des dispositifs de retenue pour enfants et généraliser l'utilisation de rehausseurs pour les enfants âgés de 5 à 10 ans |
Améliorer la sécurité de la flotte de véhicules légers | Davantage de véhicules neufs dotés des dernières caractéristiques de sécurité pourront entrer dans le pays. L'âge moyen de la flotte de véhicules légers de Nouvelle-Zélande sera également réduit, passant de plus de 12 ans à un niveau similaire à celui de l'Australie, soit 10 ans | Améliorer la sécurité des néo-zélandais âgés | Réduire le taux de mortalité routière des néo-zélandais âgés de 15 par 100 000 habitants à un taux similaire à celui des australiens âgés de 11 par 100 000 |
ÉTABLISSEMENT D'OBJECTIFS PAR LES AGENCES INDIVIDUELLES
Les objectifs de résultats finaux, intermédiaires ou immédiats peuvent également être définis au niveau organisationnel (agence de sécurité routière), par rapport à un objectif global de résultats finaux à l'échelle du pays, qui doivent être atteints grâce aux contributions de toutes les agences.
Il est très utile pour toutes les organisations d'avoir leur propre plan stratégique, leurs propres actions et leurs propres objectifs, basés sur la stratégie globale de l'administration. La stratégie de l'agence doit indiquer, de la manière la plus quantifiable possible, comment et ce qu'elle entend réaliser avec ses propres activités pour répondre à ses obligations dans le cadre de l'objectif global du pays.