9.4 OUTILS DE GESTION

Divers outils et approches sont disponibles pour aider à la mise en place d'une gestion de la sécurité des infrastructures. Comme pour les recommandations, certains outils ont été conçus pour être utilisés au niveau mondial, régional ou national. Dans certains cas, les outils développés dans un endroit ou un pays peuvent être adaptés pour être utilisés dans un autre, mais il faut veiller à prendre en compte le nouveau contexte. Les types d'outils disponibles pour la gestion des infrastructures de sécurité routière sont brièvement mentionnés ici, et d'autres détails sont fournis dans d'autres sections pertinentes de ce manuel.

Schermers et al. (2011) fournissent un résumé pratique des outils utilisés en Europe (dont la plupart sont abordés dans ce document). Elvik (2011) suggère un cadre pour l'application des outils liés aux étapes du cycle de vie d'une route. Aux États-Unis, l'AASHTO a également développé une série complète d'outils pour la gestion des infrastructures de sécurité routière. Ceux-ci sont brièvement abordés dans l'exemple de l'Encadré 9.5.

ENCADRÉ 9.5 : AASHTOWARE SAFETY, États-Unis

AASHTOWare Safety est une plateforme logicielle spécialement conçue pour aider les agences de transport dans le domaine de la gestion de la sécurité routière.

Selon la définition du Highway Safety Manual, le processus de gestion de la sécurité routière comprend six étapes : l'analyse du réseau (1), le diagnostic (2), la sélection des contre-mesures (3), l'évaluation économique (4), la priorisation des projets (5) et l'évaluation de l'efficacité de la sécurité (6). En facilitant le processus d'unification et de manipulation des données, la plateforme AASHTOWare Safety fournit des informations automatisées qui permettent aux agences de prendre des décisions avec un degré de confiance plus élevé.

La plateforme comprend différents outils :

  • Outil de requête sur les accidents (Crash Query Tool), pour gérer les données relatives à ces derniers ;
  • Outil de filtrage du réseau (Network Screening Tool), pour identifier les lieux susceptibles d'être améliorés en matière de sécurité grâce à des algorithmes identifiant les zones à risque (par exemple, des fréquences d'accidents plus élevées que prévu) ;
  • Outil d'analyse de la sécurité (Safety Analysis Tool), pour effectuer un diagnostic des accidents par section et calculer automatiquement le rapport bénéfices-coûts d'une contre-mesure ;
  • Outil d'analyse prédictive (Predictive Analysis Tool), pour comprendre les taux d'accidents prévus.

De plus amples détails sur ces outils sont disponibles ici.

Les outils tels que ceux présentés dans l'Encadré 9.5 suivent les étapes générales de la gestion de la sécurité des infrastructures identifiées dans la Section 9.1 - Introduction. Les chapitres suivants traitent de chacun des principaux outils. Les outils mentionnés pour les différentes étapes de la gestion de la sécurité routière comprennent :

  • Évaluation du risque potentiel : Il existe divers outils pour faciliter la collecte et l'analyse des données de sécurité routière, qu'elles concernent ou non les accidents ;
  • Identification des problèmes : Traditionnellement, les outils d'évaluation des risques étaient réactifs, car ils étaient basés sur une concentration des accidents au fil du temps. Ces dernières années, des outils plus proactifs ont été développés pour identifier les lieux à risque. Des outils et des approches réactifs et proactifs sont nécessaires pour fournir une évaluation complète des risques. Ces outils et approches comprennent :
  • Sélection des interventions : divers outils sont disponibles dans Section 10.4 - Identification proactive, pour aider à la sélection des interventions appropriées pour faire face aux risques de sécurité routière. Il s'agit notamment de divers sites internet qui fournissent des informations sur les traitements possibles en fonction des problèmes identifiés. Le Chapitre 11 - Sélection et priorisation des interventions présente certains des outils qui peuvent être utilisés pour aider à la sélection de ces traitements ;
  • Priorisation : Il existe des outils de priorisation pour aider à évaluer économiquement les différentes options sur un lieu ou pour différents lieux, puis à prioriser les projets afin d'obtenir les meilleurs bénéfices en fonction des budgets disponibles. Ce processus de priorisation, ainsi que certains des outils disponibles, sont abordés dans la Section 11.4 - Méthodes de classement des priorités et évaluations économiques ;
  • Suivi, analyse et évaluation : Le suivi, l'analyse et l'évaluation sont des éléments essentiels de la gestion de la sécurité des infrastructures. Un nombre limité d'outils sont disponibles pour aider à cette tâche, notamment l'outil d'évaluation des contre-mesures qui fait partie de la suite Analyste de la sécurité (Safety Analyst) mentionnée ci-dessus. Vous trouverez de plus amples détails sur l'importance du suivi et de l'évaluation au Chapitre 12 - Suivi, analyse et évaluation des interventions en matière de sécurité routière.

Un autre exemple français est présenté dans l'Encadré 9.6.

ENCADRÉ 9.6 : APPROCHES DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE POUR LES INFRASTRUCTURES, RÉSEAU ROUTIER NATIONAL, FRANCE

Depuis le début des années 2000, la France a développé et mis en œuvre un ensemble d'approches en matière de sécurité routière pour les projets d'infrastructure. Cet ensemble d'approches est désormais décrit dans la Directive européenne 2008/96/CE (modifiée par la Directive 2019/1936) sur la gestion des infrastructures de sécurité routière pour les projets de mise en œuvre français.

Une évaluation de l'impact sur la sécurité routière est réalisée pour tous les projets d'infrastructure au stade initial de la planification, avant que le projet d'infrastructure ne soit approuvé. Elle identifie les considérations de sécurité routière qui contribuent au choix de la solution proposée et fournit toutes les informations pertinentes nécessaires à une analyse coûts-bénéfices des différentes options évaluées.

Un audit de sécurité routière des caractéristiques de conception du point de vue de la sécurité est réalisé pour tous les projets d'infrastructure par un auditeur qualifié ou une équipe d'auditeurs. Les audits font partie intégrante du processus de conception du projet d'infrastructure et sont réalisés à différentes étapes de celui-ci : conception préliminaire et détaillée, préouverture et début de l'exploitation. Lorsque des éléments dangereux sont identifiés au cours de l'audit, la conception est rectifiée. Si elle n'est pas rectifiée avant la fin de l'étape appropriée, les raisons en sont exposées par l'autorité dans une annexe du rapport.

Source: Sétra, 2012

Une inspection de sécurité routière est effectuée sur le réseau routier national pour toutes les routes existantes afin de rendre compte des détails de la route, de ses environs et de l'environnement général qui peuvent influencer le comportement de l'utilisateur ou affecter sa sécurité passive et donc entraîner des répercussions sur la sécurité routière. L'idée est de fournir une méthode qui aidera l'exploitant à améliorer sa connaissance du réseau.

Les visites d'inspection sont effectuées par du personnel dûment qualifié, afin d'identifier les principaux problèmes de sécurité routière et d'apporter un nouveau point de vue sur le système. L'inspection systématique d'une section de route consiste donc en une évaluation rapide et pratique des principales configurations auxquelles l'usager peut ne pas s'attendre, en tenant compte de tous les moyens de transport.

Source: Sétra, 2008

Sécurité des usagers sur les routes existantes : cette approche, appelée SURE (Sécurité des Usagers sur les Routes Existantes) en France, est mise en œuvre sur le réseau routier national pour toutes les routes existantes. Il s'agit d'une méthode générale dont la principale innovation est de fournir explicitement et en continu une approche complète des améliorations de la sécurité routière, de l'étude des problèmes de sécurité routière à la phase d'évaluation en passant par la mise en œuvre des traitements. L'objectif de cette approche est de déterminer et de mettre en œuvre des traitements adaptés pour les sections de route où le gain de sécurité est potentiellement plus élevé.

Le processus SURE est une application pratique de l'approche commune en matière de sécurité routière présentée dans les exemples de politiques, normes et recommandations en matière d'infrastructure à la Section 9.3 - Politiques, normes et recommandations :

  • Savoir : une étude des enjeux est menée sur un réseau divisé en sections de route afin d'établir une hiérarchie de ces sections par rapport aux bénéfices potentiels en matière de sécurité ;
  • Comprendre : un diagnostic de sécurité et un ensemble de concepts de traitement sont établis pour chaque section choisie ;
  • Passer à l'action : parmi les concepts de ces traitements, un certain nombre sont sélectionnés et l'exploitant routier entreprend leur planification, leur développement et leur réalisation ;
  • Évaluer : l'évaluation des traitements et le suivi des accidents sur la section de route sélectionnée et sa zone d'influence sont réalisés.

Sources: Sétra, 2006a, 2006b, 2006c

Tous ces outils peuvent (et devraient) être utilisés en parallèle. Chacun d'entre eux est utile à des fins différentes et à diverses étapes de la gestion de la sécurité des infrastructures. Les points forts et les points faibles sont abordés dans les chapitres suivants. Historiquement, la collecte et l'analyse des données sur les accidents ont été l'approche la plus largement appliquée en matière de gestion de la sécurité. Cette approche devrait continuer à jouer un rôle important et constitue un point de départ important pour les PRFI. L'audit de la sécurité routière et l'inspection de sécurité sont d'autres outils largement utilisés, y compris dans les PRFI. Ces approches présentent l'avantage supplémentaire d'être un mécanisme utile pour améliorer la culture de la sécurité.

Un aspect souvent négligé est que plus le processus de gestion de la sécurité ou le processus de développement du projet sont précoces, plus il est possible d'améliorer de manière rentable les résultats en matière de sécurité. C'est dans la phase de planification et de développement que cela est le plus évident. Dans de nombreux pays, les professionnels de la sécurité routière se sont historiquement appuyés sur des audits pour déterminer les problèmes de sécurité lors des phases de planification et de développement de la conception. Plus récemment, des outils ont été développés pour aider à intégrer la sécurité dans la conception dès les premières étapes. Il est important de noter que certains d'entre eux s'adressent à des professionnels qui n'ont pas de formation en matière de sécurité, dans le but d'inclure des considérations de sécurité dans la prise de décision. Ces outils peuvent être d'approche quantitative (comme les outils basés sur des modèles de prévision des accidents) ou qualitative.

L'un des modèles quantitatifs les plus largement utilisé est celui des États-Unis, le Modèle interactif de Conception de la Sécurité des Autoroutes (US Interactive Highway Safety Design Model, IHSDM). Il comprend plusieurs modules, dont certains peuvent être utilisés au stade de l'élaboration du projet (AASHTO, 2025). Il convient de noter que cet outil est généralement appliqué aux routes existantes aux États-Unis, car très peu de nouvelles routes sont construites. De plus amples informations sur l'IHSDM sont disponibles dans l'étude de cas des États-Unis ci-dessous et dans la Section 10.4 - Identification proactive.

iRAP a également été utilisé pour quantifier les implications en matière de sécurité dès le début de la phase de conception. Les quatre études de cas suivantes explorent l'utilisation d'outils de gestion dans le cadre des efforts visant à améliorer la sécurité routière en Malaisie, en Inde et en Moldavie à l'aide d'iRAP.

ÉTUDE DE CAS - Malaisie : Programme Black Spot : Évaluation avant et après

Le programme des zones dangereuses/points noirs, qui vise à améliorer les sections de route à haut risque grâce à des traitements d'infrastructure abordables et peu coûteux, constitue une partie importante de la réponse du gouvernement malaisien au problème croissant de la sécurité routière. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS - Inde : Conception en utilisant le classement par étoiles pour le Karnataka

En 2010, un certain nombre de corridors à haut risque ont été identifiés dans l'État du Karnataka et ont été sélectionnés pour être modernisés avec le soutien du Fonds mondial pour la sécurité routière (Global Road Safety Facility, GRSF) afin de contribuer à prévenir les décès et les blessures graves sur le réseau routier indien. Dans le cadre de ce projet, le Projet d'amélioration des autoroutes de l'État du Karnataka (Karnataka State Highway Improvement Project, KSHIP) a été mis en place et les risques potentiels pour les usagers ont été évalués (classement par étoiles) sur 550 km de route sélectionnés pour être rénovés dans l'État indien du Karnataka. Jebatan Kerja Raya (JKR), le département des travaux publics en Malaisie, a travaillé avec iRAP pour entreprendre des évaluations de classement par étoiles afin d'estimer le changement du risque de sécurité routière résultant des améliorations des infrastructures entreprises sur plusieurs emplacements dangereux et à haut risque en Malaisie, en comparant les résultats de risque avant et après. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS - Inde et Moldavie : Évaluation et amélioration des plans de conception

De nouvelles conceptions routières sont encore en cours de production et entraînent un nombre important de décès et de blessures graves. Le classement par étoiles iRAP a été utilisé dans un certain nombre de pays pour aider à améliorer la conception afin d'obtenir de meilleurs résultats en matière de sécurité. Parmi les exemples, on peut citer un projet pilote en Moldavie (le corridor M2-R7 - 116 km), et en Inde, dans le cadre du Projet d'amélioration des autoroutes de l'État du Karnataka (550 km). Ces projets ont été soutenus respectivement par la Millennium Challenge Corporation et le Fonds mondial pour la sécurité routière, ainsi que par des partenaires locaux et internationaux. Des informations ont été tirées des plans de conception des routes avant la construction ou la réhabilitation afin d'évaluer la sécurité de la conception proposée. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS - États-Unis : Modèle interactif de conception de la sécurité routière (Interactive Highway Safety Design Model, IHSDM)

Le département des transports de l'Idaho (Idaho Transportation Department, ITD) a identifié des lacunes sur l'autoroute 8 de l'État de l'Idaho en matière de circulation, de géométrie routière, de contrôle d'accès et de sécurité. L'autoroute 8 de l'État de l'Idaho est une autoroute à deux voies de 18 km qui traverse des zones rurales résidentielles et agricoles. L'ITD souhaitait mener une étude de corridor pour évaluer les conditions de circulation et la géométrie existantes, et pour prévoir les futurs accidents. L'ITD a utilisé le logiciel IHSDM de la Federal Highway Administration (FHWA) pour cette étude. Le logiciel IHSDM est un ensemble d'outils d'analyse permettant d'évaluer la sécurité et l'efficacité des décisions de conception géométrique des autoroutes, et de prévoir les accidents en se basant sur les méthodologies du Highway Safety Manual de l'AASHTO. Pour en savoir plus

L'outil stratégique d'évaluation de la sécurité routière (Strategic Tool for Assessment of Road Safety, STARS), développé en Australie, s'appuie sur des listes de contrôle pour aider à identifier les résultats négatifs en matière de sécurité routière (Jurewicz, 2009). Cette approche attribue une valeur de risque à chacune des questions de la liste de contrôle et, en fin de compte, une note de sécurité globale pour le projet prévu. Des listes de contrôle sont disponibles pour différentes étapes de développement, y compris les plans régionaux ou structurels ; les plans directeurs ; les plans de sous-division ou de quartier ; les corridors principaux ; et les nouveaux développements ou ceux commerciaux. Voici quelques exemples de questions de planification de la sécurité routière au niveau régional :

  • Maximiser l'utilisation des transports publics et minimiser celle des véhicules personnels. Cela implique d'évaluer la facilité d'accès aux transports publics en vérifiant l'emplacement des centres d'activité par rapport aux pôles de transports publics (par exemple, les gares routières ou ferroviaires). Cela implique également d'évaluer l'emplacement des principaux lieux d'emploi et l'aménagement du territoire mixte prioritaire autour des centres d'activité ;
  • Minimiser les conflits de circulation le long des routes principales. Cela implique de vérifier la séparation des routes principales des zones résidentielles et des centres commerciaux linéaires, d'évaluer si les plans proposés permettent de contrôler l'accès des véhicules des routes principales aux terrains adjacents et de vérifier s'il existe un saut-de-mouton aux passages à niveau ;
  • Maximiser la sécurité des déplacements des piétons et des cyclistes. Cela implique d'évaluer si les dispositions en faveur des piétons et des cyclistes sont adéquates et à jour et si des aménagements routiers et hors route sont prévus.

De plus amples informations sur l'évaluation de la sécurité avant un audit de la sécurité routière sont disponibles dans l'Évaluation de l'impact sur la sécurité routière à la Section 10.4 - Identification proactive.

Les outils de gestion de la sécurité routière doivent être constamment revus à mesure que de nouvelles approches et bonnes pratiques apparaissent. Elvik (2011) a procédé à une telle évaluation des outils européens de gestion de la sécurité des infrastructures et, malgré les nombreuses années de développement et d'expérience dans l'utilisation de ces outils, un certain nombre de possibilités d'amélioration ont été identifiées. Voici quelques-unes des principales conclusions :

  • Il est nécessaire d'évaluer l'effet sur la sécurité des audits de la sécurité routière, des inspections de sécurité et des notations de la protection routière, y compris la capacité de ces outils à identifier des solutions de sécurité routière ;
  • Les techniques adoptées aux États-Unis dans l'outil Safety Analyst (voir Encadré 9.5) pour le filtrage des réseaux devraient être utilisées en Europe, et des modèles d'accident devraient être employés.
  • L'approche bayésienne empirique doit être utilisée pour la sélection des emplacements à haut risque. Voir Identification des lieux d'accident dans la Section 10.3 - Identification fondée sur les accidents (Approche réactive).

L'étude de cas suivante, menée au Canada, met en évidence la capacité à évaluer les propositions d'offres liées à l'amélioration des performances en matière de sécurité.

ÉTUDE DE CAS - Canada : Méthodes d'évaluation du projet d'amélioration de la Sea to Sky Highway

L'autoroute 99, également appelée Sea to Sky Highway, s'étend sur environ 100 kilomètres et relie la ville de Vancouver à la communauté de Whistler, en Colombie-Britannique, au Canada. L'autoroute, qui se caractérisait par une section transversale étroite et un tracé curviligne, était connue pour ses mauvaises performances en matière de sécurité, avec un taux et une gravité des accidents nettement plus élevés que sur d'autres autoroutes similaires. La plus grande valeur du projet résidait dans la capacité à évaluer de manière systématique et cohérente les propositions des promoteurs candidats au projet. Pour en savoir plus