12.4 Évaluer les mesures de sécurité routière prises sur l’infrastructure

Les décisions efficaces concernant l'utilisation des interventions en matière d'infrastructures de sécurité routière ne peuvent être prises qu'avec une connaissance adéquate de leur efficacité. La principale mesure utilisée pour cette évaluation est la réduction prévue des accidents, exprimée sous forme d'un facteur de modification des accidents (FMA) pour l'intervention. Ceci indique le degré auquel l'intervention est censée réduire les accidents. Les FMA sont également décrits en détail dans Interventions efficaces du Système Sûr dans la Section 11.3 - Options d'intervention et de sélection. Les FMA aident les décideurs politiques dans le processus de prise de décision, et les résultats des études précédentes sont généralement utilisés pour fournir une estimation réaliste de l'effet attendu (SafetyCube et CMF Clearinghouse). Cependant, il existe de nombreuses lacunes dans les connaissances sur l’efficacité des interventions.

En 2012, l’OCDE a établi une collaboration internationale sur l’évaluation efficace des interventions en matière d’infrastructures de sécurité routière : « Partager la sécurité routière » (Sharing Road Safety - ITF, 2012). Cette collaboration a fourni les messages clés suivantes :

  • La politique de sécurité routière dépend de plus en plus d’indicateurs robustes sur l’efficacité des interventions. Cette information est nécessaire pour justifier les dépenses, et aussi pour plaider en faveur d’interventions qui ne sont pas toujours populaires. Dans ce contexte, les FMA sont fondamentaux.
  • Le manque de connaissances fiables sur l’efficacité de certaines infrastructures de sécurité routière est un obstacle majeur à l’adoption de mesures susceptibles de sauver des vies.
  • Nous nous trouvons actuellement à un tournant, avec la perspective de progrès rapides et d’importantes économies grâce au transfert international des connaissances sur les résultats de l’efficacité des traitements (par exemple via les FMA).
  • La transférabilité des FMA se fonde sur l’analyse de la mesure dans laquelle un FMA dépend des circonstances/contexte/environnement dans lequel il a été développé (voir aussi le Chapitre 11 - Sélection et priorisation des interventions).
  • La variabilité des résultats de la recherche sur les FMA constitue un obstacle majeur à la transférabilité entre pays, mais ceci peut être corrigé en utilisant d’approches normalisées pour l’évaluation, y compris des méthodologies appropriées et des rapports sur les circonstances dans lesquelles l’intervention a été utilisée (des lignes directrices pour développer et appliquer des FMA ont été publiées dans le rapport 991 du National Cooperative Highway Research Program – National Academies, 2022).
  • L’évaluation des FMA lors de la mise en œuvre de plusieurs interventions combinées est une difficulté supplémentaire.

Voici quelques-unes des principales recommandations découlant de ces travaux :

  • les politiques de sécurité routières devraient faire l’objet d’une évaluation de leur efficacité et de leurs résultats, ce qui n’est pas possible sans les FMA ;
  • la recherche destinée à développer les FMA devrait suivre les recommandations présentées dans le rapport de 2012 de l’OCDE (ITF, 2012) et fournir des informations sur les éléments correspondants essentiels ;
  • la coordination de la recherche entre les pays sur les contre-mesures prioritaires devrait être envisagée au sein d’un groupe international ;
  • il est nécessaire de créer une base transnationale de données sur les FMA afin de partager information et
  • un effort concerté devrait être fait pour promouvoir les avantages de la prise de décision basée sur les FMA.

La mesure ultime du succès d'une politique ou d'une intervention en matière de sécurité routière est son impact sur la réduction des accidents, en particulier la diminution des blessures graves et mortelles. Malheureusement, il est difficile de considérer les accidents isolément, parce qu’il peut être nécessaire d'attendre plusieurs années après l'introduction d'une contre-mesure ou d'un ensemble de mesures pour pouvoir valider les changements dans les statistiques des accidents. Étant donné qu'une indication de l'efficacité est souvent requise dans un délai plus court, notamment pour s'assurer qu'aucun problème n'est survenu, un retour d'information plus immédiat peut être nécessaire. Les mesures indirectes de la sécurité peuvent être utiles pour contrôler l'efficacité des interventions (voir la Section 5.2. – Identification des données requises) en ce qui concerne le lien entre les mesures des résultats intermédiaires et des résultats finaux. Ces mesures indirectes sont généralement des mesures de type observationnel. Il est souvent recommandé de procéder à une évaluation en deux étapes : une phase à court terme (par exemple, 6 mois) et une phase à plus long terme (par exemple, 3 à 5 ans).

OBSERVATIONS

Lorsque cela est possible, le site, l'itinéraire ou la zone traitée devrait être observé immédiatement après l'achèvement des travaux de construction avec des visites régulières effectuées dans les jours, semaines ou mois suivants, jusqu'à ce que l'équipe soit convaincue que la mesure fonctionne comme prévu.

Il est recommandé de répéter ultérieurement toute mesure comportementale effectuée à l’étape de l’enquête (par exemple, comptage de conflits de circulation, mesures de la vitesse), car cela aidera à déterminer ou à soutenir le besoin de tout changement futur, ou pourrait en fait prouver le succès de l’intervention. Cette étude comportementale est aussi nécessaire parce que certaines caractéristiques d’une intervention peuvent, par exemple, produire une réaction imprévue chez les usagers de la route, et créer par suite une situation potentiellement dangereuse. Le suivi devrait mettre ce problème en évidence à un stade précoce afin que des mesures appropriées puissent être prises rapidement pour éliminer ce danger.

Dans le meilleur des cas, il peut être possible d’atténuer facilement ce risque, par exemple en réalignant les bordures pour prévenir les manouvres dangereuses. Dans le pire des cas, il pourrait être nécessaire de supprimer complètement l’intervention et d’examiner des mesures alternatives.

Quelques questions qu’il peut être pertinent d’évaluer comprennent :

  • la vitesse ;
  • les études sur les conflits de circulation ;
  • les volumes de circulation ;
  • le temps de déplacement/retard ;
  • le respect des dispositifs de contrôle de la circulation ;
  • l'adhérence ;
  • la visibilité et
  • la sécurité des usagers vulnérables (la nature et l’importance des déplacements des usagers).

Il ne serait pas pratique d’effectuer des études comportementales détaillées pour tous les changements mineurs, mais de telles études sont néanmoins importantes pour les interventions coûteuses, telles que les traitements à l’échelle d’une région ou les traitements par actions de masse.

Des études spécifiques sur les déplacements des piétons devraient également être menées si les registres des collisions montrent qu'ils sont impliqués dans une grande proportion des accidents. De même, une forte incidence de dérapages sur une route mouillé peut indiquer la nécessité d'études spécifiques sur l’adhérence (qui est parfois associée à l'utilisation de granulats en calcaire). Dans les pays en développement où le comportement des usagers est souvent déficient, des études sur le comportement des conducteurs aux feux de signalisation, aux passages piétons et aux intersections non contrôlées peuvent également être utiles.

Il est conseillé de permettre l’intervention de rester en place pendant environ deux mois avant de réaliser une étude comportementale « postérieure ». Cette période devrait servir de phase d'adaptation, pendant laquelle les usagers réguliers s'habituent à la nouvelle caractéristique de la route et les effets d'apprentissage se sont en grande partie estompés. L'évaluation doit vérifier les impacts en termes de sécurité pour tous les usagers et les effets globaux d'un projet doivent être compris comme un tout. Par exemple, l’implantation d’une piste cyclable peut être dangereuse si celle-ci est utilisée par les motocyclistes.

La nature des problèmes d'accidents identifiés sur le site devrait guider le choix des études à réaliser. Le Tableau 12.1 fournit des indications à cet égard.

TABLEAU 12.1 : ETUDES POUVANT ETRE UTILES POUR DES DIFFERENTS TYPES D’ACCIDENTS

VITESSE DE CIRCULATION

L'excès de vitesse est souvent signalé comme un facteur majeur contribuant aux accidents, et il est indéniable qu'il réduit les marges de sécurité et la probabilité d'éviter des blessures. Si la réduction de la vitesse est l'un des objectifs de l’intervention, il convient évidemment de la contrôler. Des emplacements similaires et appropriés doivent être soigneusement choisis pour les études avant-après, de préférence en utilisant des équipements automatiques.

La manière de mesurer la vitesse est décrite dans Étude technique – Étude ponctuelle de la vitesse

Un test de Student peut être utilisé pour déterminer si les changements dans les vitesses moyennes mesurées entre deux périodes de mesure sont statistiquement significatifs ou, en effet, s'il existe une différence significative entre les vitesses des différents types de véhicules (par exemple, voitures particulières et camions). Les changements dans la distribution réelle des vitesses pour donner suite à l'introduction d'une mesure pour les réduire peuvent être testés avec le test de Kolmogorov-Smirnov.

>> UTILITAIRE DE CALCUL : ÉTUDE PONCTUELLE DE LA VITESSE

>> UTILITAIRE DE CALCUL : TEST DE DISTRIBUTION

CONFLITS DE CIRCULATION

La technique des conflits de trafic a été utilisée avec succès dans plusieurs pays et constitue une méthode formalisée d'observation d'un site, réalisée par personnel formé pour détecter et enregistrer les détails des situations de « quasi-accidents » impliquant des usagers. Les conflits de circulation sont des événements où il existe une possibilité de collision, mais où aucun accident ne se produit parce qu'une ou plusieurs des parties impliquées prennent des mesures d'évitement.

L'enregistrement des conflits est généralement une méthode pratique uniquement aux intersections, où, lors de la phase de diagnostic, ils peuvent fournir des indices utiles sur les raisons pour lesquelles les usagers ne parviennent pas à s'adapter à l'aménagement de la route. Les études sur les conflits peuvent également être un moyen de surveiller le site avant et après la mise en œuvre de l'action corrective.

La manière d’observer les conflits de trafic est décrite dans Étude technique – Conflits de circulation.

VOLUMES DE CIRCULATION

La collecte de données de circulation précises est importante lorsqu'il s’agit de comparer des sites d'accidents. Les données de circulation doivent être compatibles avec les données d'accidents (par exemple, ils doivent correspondre à la même période) et suffisamment détaillées pour être appropriées à l'évaluation particulière. Si une contre-mesure est censée affecter les manœuvres à une intersection ou le choix d’itinéraire des usagers de quelque manière que ce soit, il faudra recueillir les données de flux de circulation sur l'ensemble du réseau local avant et après l'introduction de la mesure.

Le nombre de véhicules et de piétons traversant un site fournira des informations utiles sur l'exposition au risque des différents groupes d'usagers. Si, par exemple, des proportions significatives de cyclistes et les types d'accidents correspondants ont conduit à l'introduction d’une voie cyclable, il faudra surveiller leur utilisation et de vérifier si elle a contribué à l’augmentation du volume de cyclistes.

Lorsque les interventions touchent une portion complète d’un réseau, il pourra s’avérer utile de procéder à une enquête « origine-destination » afin de déterminer si les travaux ont eu un impact sur les itinéraires empruntés par les automobilistes.

La manière de mener cette étude est décrite dans Étude technique – Volumes de circulation.

TEMPS DE DÉPLACEMENT

Dans certains cas, le suivi peut nécessiter une estimation des changements dans le temps de déplacement pour les usagers et le trafic de transit en réalisant des études sur le temps de trajet « origine et destination ». Cela sera important lorsque la coupure du trafic fait partie de l’intervention et que le trafic est redirigé. Dans les évaluations économiques (Chapitre 7), si le temps supplémentaire perdu en raison du redirigement est susceptible d’être significatif, les considérations liées à la valeur du temps devraient être prises en compte (en tant qu’incovénient).

La manière de réaliser ce type d’analyse est décrite dans l’Étude Technique – Temps de déplacement et retards.

PERCEPTION DU PUBLIC

Souvent, l'une des raisons principales pour la mise en place d'une intervention à l'échelle d'une zone est que les résidents ont mené une campagne vigoureuse pour qu'une action soit prise. L'un des éléments les plus importants d'un programme de ce type est donc la consultation publique. Ainsi, un facteur à surveiller est la façon dont les résidents et les autres usagers de la route perçoivent les éléments de sécurité de l’intervention.

Idéalement, les attitudes du public devraient être évaluées avant la mise en œuvre d'une intervention en publiant des questionnaires sur les réseaux sociaux ou en les contactant par courriel électronique, ainsi qu’en menant des entretiens avec les résidents et les usagers dans la zone traitée. Le public devrait, bien entendu, être informé des détails de l’intervention proposée, ainsi que de sa nécessité et de sa pertinence, avant sa mise en œuvre. Une enquête similaire devrait ensuite être réalisée plusieurs mois après l’implémentation de l’intervention afin de suivre la satisfaction ou l'insatisfaction générale et spécifique des résidents.

EFFETS SUR LES ZONES ADJACENTES

Certaines interventions peuvent avoir un impact sur les zones adjacentes, entraînant potentiellement une augmentation de la vitesse du trafic, du volume de circulation et du nombre d'accidents. Il est donc essentiel de surveiller attentivement ces facteurs dans toutes les zones concernées adjacentes à la ou aux routes où la mesure a été mise en place.

Les six études de cas suivantes, menées en Malaisie, à Porto Rico, au Portugal, en Slovaquie et en Italie, fournissent plusieurs évaluations excellentes des effets de diverses mesures sur la sécurité.

ÉTUDE DE CAS - Malaisie : Effets sur la sécurité de tracer des hachures centrales sur des routes rurales à quatre voies

D'après les résultats d'une évaluation de la sécurité routière le long de la Route fédérale 1 en Malaisie, deux sections de chaussée dans l'État de Perak ont été identifiées comme présentant un risque élevé de collisions frontales. Les observations sur site ont révélé une forte prévalence de dépassements illégaux et une mauvaise discipline de circulation. L'installation de hachures centrales a été identifiée comme une option viable pour offrir une plus grande séparation entre les flux de circulation opposés ainsi que pour réduire la vitesse du trafic. Les hachures centrales (également connues sous le nom de zébras ou chevrons) font partie des contre-mesures perceptuelles contre la vitesse. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS - Porto Rico : Atténuateurs d'accident

La route express PR-26 est une autoroute de 16 kilomètres située dans la zone urbaine de la zone métropolitaine de San Juan qui a un droit de passage limité et des contraintes physiques, notamment les zones de divergence des bretelles d’échangeurs dénivelés. Cette autoroute comporte 12 intersections à niveaux séparés sur les 16 kilomètres. La courte distance entre certaines des intersections et la conduite agressive des conducteurs, due à la vitesse excessive et aux manœuvres de changement de voie, ont entraîné une fréquence élevée d'accidents dans les zones de séparation triangulaires des bretelles de sortie. Afin d'améliorer la compréhension des conducteurs lorsqu'ils approchent de la zone de déviation, l'Autorité des autoroutes et des transports de Porto Rico (PRHTA) a décidé d'améliorer les dispositifs de sécurité et la délimitation des rampes. Dans le cadre de la solution, la PRHTA a mis en œuvre un projet de mise à niveau des atténuateurs de chocs ainsi que d'autres mesures de sécurité dans la zone de déviation. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS – Coimbra, Portugal : Délimitation et barrières

En 2010, une autoroute urbaine a été construite pour accéder à Coimbra, la troisième plus grande ville du Portugal. Cependant, il existe un endroit spécifique, dans une section avec une rampe de sortie, où les caractéristiques géométriques se réduisent. Cette section présente deux virages serrés successives après un long alignement droit, dans un profil longitudinal avec une pente de 5 %. Le premier virage est à gauche, avec un rayon d'environ 250 m, et l'autre est à droite, avec un rayon d'environ 500 m. Au cours des 6 dernières années, 33 accidents de la route, 3 décès et 44 blessés se sont produit le long de cette section de route de 5,5 km, et ce seul endroit a enregistré la moitié des accidents, 67 % des décès et 40 % des blessés. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS – Coimbra, Portugal : Améliorations de l’autoroute IP-4

En 1989, la route rurale IP-4 entre Amarante et Vila Real a été achevée, traversant une région montagneuse du nord du Portugal appelée la Serra do Marão. Il s’agissait de la première autoroute express à deux voies traversant ce territoire, permettant des vitesses comprises entre 80 et 100 km/h, avec une section transversale variant entre deux et trois voies, mais sans séparation des chaussées. Une section de 20 km, d’Amarante jusqu’au sommet de la montagne (Alto do Espinho), était particulièrement accidentogène. Entre 1996 et 2004, cette section de l’IP-4 a enregistré 393 accidents de la route et 48 décès, dont 51 % étaient des collisions frontales. En 2005, l’Administration portugaise des routes a mis en place un ensemble de mesures visant non seulement à réduire la vitesse, mais aussi à limiter le nombre de dépassements. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS – Slovaquie : Amélioration des routes de 3 étoiles ou plus

Le réseau routier de la Slovaquie a fait l'objet d'améliorations en matière de sécurité afin de réduire le nombre de décès et de blessures graves sur l'ensemble du réseau. La société nationale des autoroutes slovaque (NDS), en collaboration avec EuroRAP, a lancé un programme d'évaluation par classement par étoiles ainsi que des travaux visant à améliorer le standard de sécurité des autoroutes.

Parmi les améliorations mises en place figurent l'installation de barrières de sécurité, le revêtement des accotements, la pose de bandes rugueuses et l'ajout d'atténuateurs d'impact. EuroRAP estime que ces mesures permettront d'éviter 355 décès et blessures graves au cours des 20 prochaines années. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS – Italie : Interventions de réduction de la vitesse sur les voies collectrices urbaines

Cette étude de cas décrit un ensemble de contre-mesures de sécurité mises en place sur la Via Pistoiese (Florence, Italie), une route collectrice urbaine classée comme une section à forte concentration d’accidents. Une étude de sécurité détaillée a été menée afin d'identifier les contre-mesures de sécurité applicables. Des analyses des accidents, des inspections de sécurité routière et des études de simulation de conduite ont été réalisées. L'intervention mise en œuvre comprend des aménagements physiques et des mesures perceptuelles. Pour en savoir plus

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ÉVALUATION FONDÉE SUR LES TAUX D’ACCIDENTS

La forme la plus importante d’évaluation de toute mesure de sécurité consiste à déterminer son effet sur les accidents et si l’intervention a permis d’en réduire le nombre (en particulier les accidents graves et mortels) comme attendu. L’évaluation comprend l’analyse des données d’accidents en comparant les résultats en matière de sécurité avant et après un changement. Il s’agit souvent d’analyses statistiques.

Pour être raisonnablement sûr que la nature aléatoire des accidents a été prise en compte, il faudra normalement attendre plusieurs années avant d’obtenir un résultat valable qui permet d’analyser de manière fiable les circonstances avant et après un accident. Il est donc essentiel de compléter l'utilisation de telles analyses par des études techniques appropriées et des observations sur le site (méthodes de suivi à court terme) qui fournissent des informations utiles sur l'efficacité d'un traitement peu de temps après sa mise en œuvre (étude de la vitesse ponctuelle, étude des conflits de circulation, etc.).

Outre la question du temps, il existe d'autres facteurs qui compliquent le processus (apparemment simple) d'évaluation de l'efficacité des changements liés aux accidents sur les sites, routes ou zones traités. Les principaux à prendre en compte sont :

  • la régression vers la moyenne ;
  • les changements sur le site qui ne sont pas liés à l’intervention (incluant ceux généraux aux tendances d’accidents, dans les volumes de trafic, etc.) ;
  • la migration des accidents.

Chacun de ces facteurs est abordé après les méthodes d'évaluation.

MÉTHODES D’ÉVALUATION

Lors de l'évaluation d’un traitement particulier, il est généralement nécessaire de répondre aux questions suivantes :

  • Le traitement a-t-il été efficace ?
  • Si oui, dans quelle mesure ?

La nature rare et aléatoire des accidents de la route peut entraîner des fluctuations importantes du nombre d'accidents sur un site d'une année à l'autre, même s'il n'y a eu aucun changement dans le niveau de sécurité sous-jacent. Cette variabilité supplémentaire rend l’effet du traitement plus difficile à détecter, mais un test de signification statistique peut être utilisé pour déterminer si le changement observé dans la fréquence des accidents est susceptible d'être dû au hasard ou non.

Il existe plusieurs documents clés qui fournissent des descriptions détaillées des méthodes d’évaluation des infrastructures de sécurité routière. Ceux-ci comprennent :

  • Manuel de sécurité des autoroutes (The Highway Safety Manual AASHTO, 2025).
  • Guide introdutif pour l’évaluation de l’efficacité des mesures de sécurité routière (An Introductory Guide for Evaluating Effectiveness of Road Safety Treatments, Austroads, 2012).
  • Guide pour l’élaboration des Facteurs de modification des accidents de qualité (Guide to Developing Quality Crash Modification Factors, Gross et al., 2010).
  • Guide des interventions en matière de sécurité routière : preuves de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas (Guide for Road Safety Interventions : Evidence on What Works and What Does Not Work, Turner et al., 2020).
  • Recommandations pour l’élaboration et l’application des facteurs de modification des accidents (Guidelines for the Development and Application of Crash Modification Factors, National Academies, 2022).

Il convient de consulter un ou plusieurs de ces documents pour obtenir une compréhension complète de la manière de mener une évaluation de la sécurité routière.

Lors de l'évaluation des changements dans les accidents, il faut tenir en compte d'autres facteurs non affectés par le traitement qui pourraient également influencer cette mesure. Par exemple, une modification de la limitation de vitesse sur les routes où le site se trouve ; des campagnes nationales ou locales de sécurité routière ; des mesures de gestion du trafic susceptibles d'affecter les volumes de circulation, comme la fermeture d’une intersection près du site produisant un changement marqué dans les habitudes de circulation.

Ces facteurs peuvent être pris en compte en utilisant des données provenant de sites de contrôle, mais pour que cela soit valable, il est essentiel que ces autres sites soient soumis exactement aux mêmes changements que le site en cours d’évaluation.

« L’étalon d’or » en méthodologie d’évaluation est l’expérience contrôlée ou essai contrôlé randomisé (ECR). Comme indiqué précédemment, cette approche est très rarement utilisée dans l’évaluation des interventions sur les infrastructures. Ceci s’explique principalement par la réticence à ne pas traiter correctement des sites à haut risque, mais également par un manque de connaissance de cette méthode En affectant au hasard les sites dans un groupe de traitement ou groupe de contrôle, il convient d’éliminer tout biais découlant du traitement des sites ayant les pires antécédents d’accidents. Les facteurs externes qui peuvent intervenir au cours de l’évaluation (tels que d’autres programmes imprévus dans la zone des essais) sont également pris en compte, parce qu’ils peuvent affecter de manière équivalente les sites de traitement et de contrôle. La différence observée entre les sites traités et de contrôle après la mise en œuvre reflète fidèlement l'effet réel du traitement.

L’approche actuellement recommandée pour l’évaluation des interventions sur les infrastructures est la méthode bayésienne empirique (pour plus de détails, voir Méthodes Bayésiennes Empiriques dans la Section 10.3 - Identification fondée sur les accidents (approche réactive)). Pour ceux qui souhaitent comprendre la logique sous-jacente à cette approche, telle qu’elle s’applique à la sécurité routière, la lecture de l’ouvrage de Hauer (1997) dans lequel il l’explique sous sa forme la plus simple est recommandée. L'approche repose sur le concept d’un nombre « attendu » d'accidents, ou moyenne à long terme, calculée sur la période aussi longue que jugée utile. Le deuxième concept est la « population de référence », ou un ensemble de sites ou de routes similaires pour lesquels des données sont disponibles (par exemple, toutes les intersections d'un certain type dans un réseau). La population de référence sert de groupe de comparaison. Dans la version classique de la méthode bayésienne empirique, le nombre d'accidents qui serait attendu sur un site de traitement si aucune intervention n'avait eu lieu est estimé et comparé avec le nombre d'accidents réellement survenus. La comparaison entre le nombre réel d'accidents et le nombre attendu d'accidents indique l’impact du FMA.

SITES DE CONTRÔLE

Une méthode fréquemment appliquée pour l’évaluation de la sécurité des infrastructures est l’étude « avant-après » en utilisant un groupe de comparaison. Même si cette approche n’aborde pas complètement le problème de la régression vers la moyenne, elle limite néanmoins l’impact des facteurs extérieurs. L’approche compare les résultats des sites de traitement avec ceux d’un ensemble de sites de comparaison (parfois appelés « sites de contrôle ») aux caractéristiques semblables à celles du site traité dans tous leurs aspects importants, à l’exception du fait qu’aucun traitement ne leur est appliqué. L’approche part du principe que les facteurs externes agissent à la fois sur les sites de traitement et sur les sites de contrôle de manière identique, et peuvent donc être mesurés et pris en compte. Comme les sites de traitement et les sites de contrôle sont soumis aux mêmes ensembles de variables externes, toute différence dans les résultats de sécurité doit être due à l’effet du traitement.

Les changements liés à des facteurs externes peuvent être compensés en comparant le site étudié pour les mêmes périodes avant et après, avec des « sites de contrôle » qui n'ont pas été traités. Les données de contrôle peuvent être collectées soit par paires, soit par contrôles de zones.

Bien que la méthode des paires soit la meilleure méthode statistique, il peut être difficile, en pratique, de trouver d'autres sites présentant des problèmes de sécurité similaires qui seront laissés sans traitement uniquement afin de conduire des tests statistiques. Les contrôles de zones comprenant un grand nombre de sites sont donc beaucoup plus fréquemment utilisés.

Lors du choix des sites pour les groupes de contrôle :

  • ils doivent être aussi similaires que possible aux sites traités ;
  • ils ne doivent pas être affectés par le traitement ;
  • la zone de contrôle doit être aussi grande que possible : à titre indicatif, il faudrait chercher une zone ou un groupe de routes similaires qui ont plus de 10 fois le nombre d'accidents des sites traités

Par exemple, si les feux de circulation d'un site doivent être modifiés, l'ingénieur pourrait choisir toutes les autres intersections équipées de feux de signalisation en ville comme groupe de contrôle. Cependant, si seules deux autres intersections avec feux de circulation existent et que celles-ci ont des flux de trafic plus faibles et beaucoup moins d'accidents que d'autres intersections non contrôlées, il serait préférable d'utiliser, par exemple, toutes les intersections signalées nationales o régionales.

La forme d’évaluation la plus élémentaire (et souvent appliquée) est de simplement comparer les taux d’accidents durant la période « avant » l’exécution d’une intervention avec les taux d’accidents « après » l’intervention (ceci est connu comme une simple ou naïve « étude avant-après », c’est-à-dire sans groupe de contrôle). Cette approche n’est pas recommandée, parce qu’elle ne prend pas adéquatement en compte la régression vers la moyenne ou les variables externes.

Les études transversales ont aussi été utilisées pour essayer d’identifier les effets des interventions de sécurité. Elles comparent les résultats de sécurité de sites possédant une ou plusieurs caractéristiques particulières avec des sites ne les possédant pas. Il est supposé que les différences dans les résultats en matière de sécurité sont dues à ces caractéristiques. Il existe de nombreuses difficultés dans l’utilisation de cette approche (en particulier les différences entre les sites autres que les caractéristiques d’intérêt, et les taux différentiels d’accidents qui peuvent avoir conduit à cette caractéristique). Par conséquent, elle ne devrait pas être utilisée pour ce type d’évaluation (cependant, si elle est utilisée, les limitations devraient être bien comprises et documentées).

Le principal problème avec l’utilisation des données d’accidents pour l’évaluation (y compris en supposant une grande exactitude d’enregistrement) est de distinguer les changements dus au traitement et ceux dus à d’autres sources. Comme cela a été expliqué précédemment, même si les sites choisis sont de bons groupes de comparaison prenant en compte les influences environnementales, il existe d’autres facteurs dont il faut tenir compte.

Pour choisir les périodes de temps utilisées pour comparer les accidents avant et après les traitements, plusieurs points sont à prendre en compte, notamment :

  • La période de construction, qui devrait être omise de l’étude. Si elle n’est pas enregistrée précisément, une période plus longue comprenant la période de construction devrait être exclue ;
  • La période « avant » devrait être suffisamment longue pour fournir une bonne estimation statistique du niveau réel de sécurité (pour éliminer les fluctuations aléatoires autant que possible). Cependant, elle ne devrait pas inclure les périodes durant lesquelles le site a eu des caractéristiques différentes. En règle générale, une période de trois à cinq ans est considérée comme raisonnable ;
  • La même règle s’applique à la période « après », qui devrait durer au moins trois ans. Cependant, les résultats sont souvent requis longtemps avant ce délai. Une période « après » d’un an peut initialement être appliquée s’il n’existe aucune raison pour que cela puisse causer une distorsion dans les résultats (pour autant que la même période soit utilisée pour les sites de comparaison). Cependant, une perte de sensibilité se produit, et l’estimation du succès des interventions devrait être mise à jour ultérieurement lorsque plus de données deviendront disponibles ;

Il est évident que cette section du manuel ne peut pas aborder les principes complexes sous-jacents aux différents tests statistiques pouvant être utilisés dans les enquêtes sur les accidents. À cet égard, le lecteur devrait se référer aux manuels standards sur le sujet. Cependant, elle couvre, bien que de manière succincte, divers tests statistiques qui peuvent être utilisés pour répondre aux questions clés posées au début de cette section (le traitement a-t-il été efficace ? Si oui, dans quelle mesure ?).

Pour cela, il suffit de supposer que les accidents avant et après sont tirés d'une distribution normale (ou gaussienne). En d'autres termes, la distribution des accidents dans un échantillon est tirée symétriquement de part et d'autre d'une valeur moyenne.

Cela signifie que nous pouvons utiliser le test du « khi deux » pour répondre à la première question sur l’efficacité de l’action corrective, c'est-à-dire si les changements d'accidents sur le site sont statistiquement significatifs. Si le même type de traitement correctif a été appliqué à plusieurs sites, il est nécessaire de faire un calcul supplémentaire pour déterminer l'effet global.

L'annexe 12.1 présente une brève description de certains des principaux tests statistiques associés à l'évaluation des projets de transport. Le tableau 12.2 fournit une liste de ces tests et de leurs conditions d'utilisation.

TABLEAU 12.2 : TESTS STATISTIQUES DECRITS DANS L’ANNEXE 12.1

TEST

DESCRIPTION

TEST DE STUDENT (TEST T)

Ce test sert à déterminer si la moyenne d’un échantillon de données est significativement différente de celle d’un autre échantillon de données.

TEST DE KOLMOGOROV - SMIRNOV

Ce test bilatéral détermine si deux échantillons de données ont été extraits de la même population (ou de populations avec une distribution similaire).

TEST k

Ce calcul permet de déterminer comment les fréquences observées à un site donné (accidents par exemple) ont été modifiées par rapport à un ensemble de données de contrôle.

TEST DU KHI-DEUX

Ce test est utilisé pour déterminer si un changement (fréquences d’accidents par exemple) peut être attribuable à un traitement ou au hasard.

Comme indiqué dans ce chapitre, plusieurs documents offrent un guide détaillé pour évaluer l'efficacité des interventions, et il existe également divers outils pour aider à cette tâche. Une estimation de l'efficacité des traitements en termes de pourcentage de réduction potentielle des victimes est également fournie par le iRAP Toolkit.

L’Encadré 12.1 présente un résumé de l’outil d’évaluation des contre-mesures de l’outil de sécurité d’AASHTOWare.

ENCADRÉ 12.1 : L’OUTIL D’ÉVALUATION DES CONTRE-MESURES D’AASHTOWare

Développé par l’American Association of State Highways and Transportation Officials (AASHTO), l’outil d’évaluation des contre-mesures fait partie de l’ensemble d’outils de sécurité d’AASHTOWare (Analyste de sécurité). Il fournit des conseils pas-à-pas pour l’évaluation des avantages des interventions de sécurité utilisant l’approche empirique de Bayes. Par conséquent, il est capable de comptabiliser l’effet de régression vers la moyenne. En plus de détecter le changement global du nombre d’accidents (les FMA), l’outil peut aussi identifier l’effet sur des types d’accidents cibles spécifiques. Pour plus de détails, voir Harwood et al (2010) ou le site web d’AASHTOWare.

Source: Harwood et al. (2010).

 

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RÉGRESSION VERS LA MOYENNE

Cet effet complique les évaluations des sites où le nombre d'accidents est élevé. Les lieux d’accidents à traiter sont généralement choisis parce qu’ils ont été la scène de nombreux accidents. Cependant, dans certains cas, un nombre élevé d'accidents peut résulter d'une année particulièrement mauvaise, ce qui pourrait être dû au hasard.

Le nombre d'accidents dans ces zones aura tendance à diminuer de manière significative l'année suivante, même en l'absence d'intervention. Sur une période de trois ans, les accidents peuvent résulter de fluctuations aléatoires, et au fil des années suivantes, ces sites connaîtront des chiffres inférieurs. Ce phénomène est ce que l'on appelle la régression vers la moyenne. On estime qu'il peut exagérer l'efficacité d'un traitement de 5 à 30 % (Encadré 12.1). La Figure 12.4 montre une représentation graphique de régression vers la moyenne.

FIGURE 12.4 : RÉPRÉSENTATION GRAPHIQUE DE LA REGRESSION VERS LA MOYENNE

 

ENCADRÉ 12.2 : EXEMPLE DE RÉGRESSION VERS LA MOYENNE

Mountain et al. (1998) donnent un exemple clair de régression vers la moyenne qui peut entrainer une surestimation de l’efficacité de l’intervention. Dans une vaste étude couvrant plus de 900 sites et 13 612 accidents, ils ont comparé les accidents se produisant durant les périodes « avant », la période de latence (le temps entre la sélection d’un site à traiter et l’exécution réelle du traitement), et la période « après ». Le nombre d’accidents a été ajusté pour tenir compte des différentes durées de période prise en compte. Les données sont résumées dans le Tableau 12.1. La différence entre le nombre d’accidents survenant durant la période de latence et le nombre d’accidents se produisant durant la période « avant » est considérée comme la mesure de l’effet de régression vers la moyenne.

TABLEAU 12.3 PORTÉE DE LA RÉGRESSION VERS LA MOYENNE ET EFFETS DE DIFFÉRENTS TRAITEMENTS (SOURCE : ADAPTÉ DE MOUNTAIN ET AL.,1998)

Traitement

Estimations partiales de la réduction grâce au traitement (%)

Estimations impartiales de l’effet du traitement (%)

Réduction estimée due à la régression vers la moyenne (%)

Traitements de surface

46

23

23

Traitements de surface – accidents dus uniquement à la route mouillée

67

27

40

Carrefours mini-giratoire

68

65

3

Autres améliorations d’intersections

42

27

15

Réalignement de routes de liaison

63

37

26

Améliorations d’autres liaisons

34

10

24

Mesures d’éclairage public

27

5

22

Mesures de gestion du trafic

41

22

19

Tous les types de traitement

43

23

20

Source: adapté de Mountain et al., 1998

La meilleure manière de tenir compte de la régression vers la moyenne et des changements dans l’environnement peut être l’utilisation de sites de contrôle qui ont été choisis exactement de la même façon que les sites de traitement et qui ont été identifiés comme ayant des problèmes similaires, mais qui n’ont pas été traités. La décision de traiter ou non un site est fondée sur une distribution aléatoire. Ce type d’expérience contrôlée (ou essai contrôlé randomisé) est rare dans les projets d’infrastructure de sécurité routière, parce qu’il est difficile de justifier la décision de ne pas traiter un site identifié comme étant à haut risque.

Ces dernières années, l’approche empirique de Bayes (pour plus de détails, voir Méthodes Bayésiennes Empiriques dans la Section 10.3 - Identification fondée sur les accidents (approche réactive)) s’est révélée être un moyen efficace de minimiser l’impact de la régression vers la moyenne. Bien que l’approche empirique de Bayes soit reconnue comme une bonne pratique en matière d’évaluation de la sécurité routière, tous les pays (et spécialement les PRFI) n’auront pas forcément l’expérience de cette technique.

Si cette approche recommandée n’est pas utilisée, il faudrait à tout le moins procéder à une l’analyse avant-après à l’aide de sites de comparaison, en recueillant au moins trois (mais de préférence cinq) ans de collecte de données pour la période « avant ». Ceci s’explique par le fait que l’effet de la régression vers la moyenne tend à diminuer s’il est examiné sur des périodes plus longues. Par exemple, dans une étude menée dans deux comtés du Royaume-Uni, Abbess et al (1981) ont calculé que la régression vers la moyenne avait les effets suivants :

  • Lorsqu’une période d’un an est utilisée, l’effet de régression vers la moyenne est estimé être de 15 à 26 % ;
  • Pour deux ans, l’effet estimé est de 7 à 15 % ;
  • Pour trois ans, l’effet estimé est de 5 à 11 %.

Là où l’approche empirique de Bayes n’a pas été utilisée, les ajustements ci-dessus pourraient être pris en compte dans le calcul de la réduction du nombre des accidents résultant des contre-mesures.

Une méthode décrite par Abbess et al. (1981) est présentée dans l’Annexe 12.1. L’utilitaire de calcul de régression vers la moyenne est basé sur cette méthode.

UTILITAIRE DE CALCUL : RÉGRESSION VERS LA MOYENNE 

CHANGEMENTS DANS LES TENDANCES GÉNÉRALES D’ACCIDENTS, Y COMPRIS LE FLUX DE TRAFIC

Lors de l’évaluation des changements dans les accidents (ou pour la plupart des mesures de suivi décrites dans la Section Observations), d’autres facteurs non affectés par le traitement peuvent encore influencer cette mesure, et doivent donc être pris en compte. Il peut s’agir d’une modification de la limitation de vitesse sur les routes incluant le site d’accidents traité, de campagnes locales ou nationales de sécurité routière, ou de plans de gestion du trafic susceptibles d’affecter le volume de trafic (par exemple, la fermeture d’une intersection près du site produisant un changement marqué dans les habitudes de circulation). Les changements liés à des facteurs externes peuvent être compensés en comparant le site étudié pour la même période « avant-après » avec des sites de comparaison (parfois appelés sites de contrôle) n’ayant pas été traités. Afin de valider ces données, il est important que ces autres sites subissent exactement les mêmes changements que le site évalué.

Les données de comparaison peuvent être recueillies soit par paires soit par zones de contrôle. Un site témoin de contrôle par paire consiste à trouver un site géographiquement proche du site traité (mais pas trop proche pour être affecté par une déviation du trafic) et présentant des caractéristiques générales similaires. De cette façon, le site de contrôle sera soumis aux mêmes variations locales pouvant affecter la sécurité (par exemple les conditions météorologiques, les flux de trafic, les campagnes de sécurité, etc.).

Dans la pratique, il peut être difficile de trouver d’autres sites présentant des problèmes de sécurité similaires qui seront délibérément laissés sans traitement à seule fin d’analyse statistique. C’est pourquoi on a souvent recours à des comparaisons de zones comprenant un grand nombre de sites.

Les sites du groupe témoin devraient être aussi similaires que possible aux sites traités, et ne devraient pas être affectés par le traitement.

MIGRATION DES ACCIDENTS

Il y a encore une controverse quant à si l’effet de « migration des accidents » existe ou non. Il a été constaté que les accidents tendent à augmenter sur les sites adjacents à un site traité avec succès, produisant un apparent transfert ou « migration » des accidents. La raison de cet effet n’est pas claire, mais une hypothèse est que les conducteurs « compensent » l’accroissement de la sécurité sur les sites traités en étant moins prudent ailleurs, spécialement ceux qui connaissent bien la zone.

Évidemment, pour détecter cet effet, il faut comparer la fréquence des accidents dans les environs des sites traités avant et après traitement avec un groupe de contrôle approprié. En d’autres termes, le domaine de l’étude d’évaluation doit être élargi pour inclure les routes pouvant être impactées par le projet et les sites de comparaison n’ayant pas été affectés doivent être identifiés.

Cependant, il n’existe pas encore de technique reconnue pour estimer un tel effet à un site particulier. La première étude sur le sujet (Boyle et Wright, 1984) estimait que le nombre d’accidents aux sites adjacents avait augmenté de 9 %, et une étude suivante, portant sur un plus grand nombre de sites, (Persaud, 1987) concluait que l’augmentation était de 0,2 accidents par site et par année.

Une étude menée par Austroads (2010) a identifié les effets que certaines interventions ont sur la redistribution du trafic, et suggère que cela pourrait être une cause de migration. Si le trafic est réduit à l’endroit traité, il est probable qu’il augmente à un endroit proche (ceci est probable dans toutes les situations, sauf dans le cas rare où le nombre de déplacements est réduit). Il est suggéré que cette redistribution est plus probable pour certains types de traitements. Pour ces interventions, l’évaluation des effets devrait inclure une zone géographique plus étendue afin d’identifier les endroits où l’exposition (et donc le risque) pourrait être accrue. Les interventions identifiées comme susceptibles de provoquer un tel effet comprennent :

  • les contrôles ou interdictions de tourner ;
  • des changements importants à un itinéraire, tels que les changements de stationnement ;
  • la fermeture d’un pont ;
  • les changements localisés de limitation de vitesse ;
  • des changements aux intersections, comme la signalisation, le changement dans le minutage des phases des feux, ou les voies de virage ;
  • la modération de la circulation ;
  • l’ajout de voies ;
  • l’ajout de voies de dépassement ;
  • les traitements piétons aux carrefours et à mi-chemin des pâtés de maisons ;
  • le contrôle des passages à niveaux ;
  • la possibilité de tourner à mi-chemin des pâtes de maison.

ANALYSE GRAPHIQUE

Une méthode visuelle simple qui a été utilisée dans certains pays (par exemple, Radin Umar et al., 1995) et consiste à suivre la tendance des accidents au fil du temps. Dans cette méthode, les nombres cumulatifs d'accidents (et leurs types) ainsi que leur moyenne cumulative (voir les définitions ci-dessous) sont tracés.

Cependant, il convient de noter que cette méthode est plus utile pour les plans d'action de masse et n'est pas vraiment adaptée aux sites individuels (en raison du faible nombre d'accidents impliqués).

Un exemple est présenté dans la Figure 12.4. Le graphique montre qu'une campagne malaisienne sur l'utilisation des feux de circulation diurne pour les motos a apparemment été efficace pour réduire les collisions liées à la visibilité diurne (MSTOX = motos se déplaçant en ligne droite ou tournant lorsque d'autres usagers de la route croisent leur trajectoire) tout en n'ayant, comme on pourrait s'y attendre, aucun effet sur les accidents nocturnes.

Le tableau de la Figure 12.4 montre la fréquence cumulative mensuelle des accidents liés dans la deuxième ligne, qui totalise le nombre réel d'accidents six mois avant et après la mesure (fin juin). La moyenne cumulative (troisième ligne du tableau) est obtenue en calculant simplement la fréquence mensuelle moyenne des accidents sur la période avant (dans ce cas, 6 mois) comme premier mois, puis en ajoutant cette valeur à chaque mois suivant. Il s'agit du nombre d'accidents attendus si la mesure n'avait pas été prise. Les lignes 5 et 6 de ce tableau montrent un nombre équivalent pour les accidents nocturnes. Dans ce cas, les moyennes cumulatives sont :

Pour les accidents MSTOX : (68 + 48 + 79 + 44 + 61 + 73) / 6 = 62

Pour les accidents nocturnes : (17 + 16 + 28 + 11 + 15 + 20) / 6 = 18

On peut observer que, pendant la période « après » (de juillet à décembre), il y a un écart croissant entre le nombre d'accidents diurnes observés (deuxième ligne) et le nombre d'accidents attendus (troisième ligne). Comme le nombre attendu est plus grand que le nombre observé, la mesure semble avoir eu un effet positif. Le signe (✽) dans la Figure 12.5 représente l'effet de la mesure. En comparaison, le nombre d'accidents nocturnes observés et attendus reste assez similaire pendant la période « après ».

Cependant, comme déjà mentionné, pour être certain que la nature aléatoire des collisions a été prise en compte, une période d'attente beaucoup plus longue est généralement nécessaire (habituellement trois ans) afin d'obtenir un résultat statistiquement valide. Pour un retour d'information plus immédiat, d'autres données comportementales, comme indiqué dans les sections précédentes, devraient être collectées pour fournir des indications que l’intervention est efficace comme prévu.

FIGURE 12.5 : EXEMPLE – ACCIDENTS DES MOTOS DANS LE SITE ANALYSÉ PENDANT LA CAMPAGNE DE FEUX DE CIRCULATION DIURNE (SOURCE : RADIN UMAR ET AL., 1995)

Lorsque des sites de contrôle (ou d’autres sites similaires non traités) ont été sélectionnés, une autre méthode exploratoire simple pour visualiser l’évolution du nombre d’accidents sur plusieurs sites traités a été décrite par Ogden (1996). Pour chaque site du groupe traité et non traité, on reporte les accidents survenus avant et après la période de traitement (de durée équivalente) sur un graphique tel que montré à la Figure 12.6. Si le nombre d’accidents ne change pas durant les deux périodes, les points devraient être alignés par rapport à une ligne à 45 degrés. L’écart par rapport à cette ligne indique l’importance de la modification du nombre d’accidents dans la période après traitement.

Si, comme dans le cas de la Figure 12.6, les sites traités ont tendance à se situer sensiblement sous ceux qui ne l’ont pas été, on peut supposer que le traitement a eu un effet positif.

FIGURE 12.6 : COMPARAISON DE DONNÉES D’ACCIDENTS AVANT ET APRÈS INTERVENTION (SOURCE : OGDEN, 1996)

ÉVALUATION ÉCONOMIQUE

Comme indiqué au Chapitre 11 - Sélection et priorisation des interventions, l’évaluation de chaque intervention devrait inclure une indication des bénéfices réellement obtenus par rapport aux coûts. Même si l’intervention a été conçue pour cibler un type précis d’accident, il est fréquent d’inclure l’ensemble des collisions survenues sur le site dans l’évaluation complète (au cas où la mesure aurait eu un effet imprévu sur d’autres types d’accidents).

L'annexe 12.1 décrit comment estimer l’effet que peuvent avoir des interventions de sécurité sur les accidents. Supposons par exemple, qu’une réduction de 68 % ait été estimée (c’est le résultat obtenu pour l’exemple du test k de l’Annexe 12.1). Si le site faisait partie des plus accidentogènes du district, il convient de prendre en compte l’effet de régression vers la moyenne (voir Tableau 12.2). Supposons que cet effet représente jusqu’à 11 %, de sorte que notre meilleure estimation de la réduction réelle des accidents serait de 57 % (68 % – 11 %).

Étant donné que le nombre initial d’accidents dans cet exemple était de 20, 11,4 accidents ont été évités pendant la période d’étude (soit 3,8 par an).

Il convient de noter que seuls les accidents avec blessures ont été considérés dans ce cas. Toutefois, si des accidents avec dommages matériels uniquement se produisent et sont rapportés de manière fiable, ils devraient également être inclus dans l'évaluation des coûts. Cependant, il est important de souligner que dans la plupart des pays du monde, les accidents uniquement matériels ne sont pas fréquemment signalés à la police, ce qui en fait une mesure beaucoup moins fiable.

Sur la base d'un coût moyen d'accident avec blessures de 125 790 USD utilisé dans les exemples du chapitre précédent, cette économie de collisions représente 478 002 USD par an. Ce montant est ensuite comparé aux coûts du traitement, par exemple 298 000 USD. En supposant que les retards de circulation dus au traitement soient négligeables, le taux de rentabilité de la première année (TRImm.) est égal à :

TRImm. = 478 002/298 000 x 100 = 160,4 %

Le chiffre de TRImm. ci-dessus devrait être arrondi à 160 % afin d’indiquer l'effet possible de l'utilisation de ce traitement à l'avenir.

Les autres critères d’évaluation économique décrits au chapitre précédent pourraient également être utilisés. Par exemple, le calcul de la valeur actuelle nette (VAN) serait particulièrement conseillé si, au cours des années à venir, des coûts de maintenance inévitables sont associés à la mesure installée.

Ce n’est qu’en évaluant et en enregistrant les résultats de cette manière qu’il devient possible de développer et mettre à la disposition de toutes les administrations routières du pays une base de données sur l’efficacité de différentes mesures correctives.

EFFICACITÉ D’ENSEMBLE ET STRATÉGIE FUTURE

Ce chapitre a décrit des méthodes pouvant être utilisées pour évaluer l’effet des mesures et interventions spécifiques. Pour faire connaître ces résultats, des différentes unités de sécurité routière au sein de l’administration routière peuvent préparer, sur une base régulière, un document de stratégie qui présente ses principales réalisations en matière de sécurité ainsi que les projets envisagés.

Un résumé de ce document stratégique devrait être inclus dans le plan officiel d'action pour la sécurité routière d'un pays. Ce plan comprend également, à titre d'information de base, des statistiques globales sur les accidents par état, région ou municipalité, classés dans différentes catégories, telles que le type d'usager ou de route, etc. Ces informations sont utiles non seulement pour mettre en évidence les principales priorités d’actions mais aussi parce qu’elles permettent d’évaluer l’effet d’interventions à grande échelle et des changements législatifs et/ou des mesures de répression.

Cependant, étant donné que les interventions sont généralement localisées, leurs effets sont souvent difficiles à détecter parmi des totaux d'accidents beaucoup plus importants. Conséquemment, le document stratégique devrait inclure un résumé des résultats de toutes les mesures à faible coût (par exemple, le Tableau 12.3). Cela est plus informatif qu'un chiffre global unique, car il montre l’ensemble des efforts de sécurité déployés et le succès relatif des différentes actions. La publication officielle des réalisations passées et des plans futurs s'est révélée utile non seulement pour rendre l'équipe de sécurité routière responsable, mais aussi pour aider l'équipe à concentrer les efforts vers l’atteinte d’un objectif de réduction de décès à long terme. Le document fournit également des informations précieuses aux autres acteurs, en offrant des preuves concrètes de l'étendue du succès des mesures mises en place.

TABLEAU 12.4 : EXEMPLE DE RAPPORT SUR L'ÉVALUATION D'UNE INERVENTION DE SÉCURITÉ LOCALE À PARTIR D'UN DOCUMENT STRATÉGIQUE