10.3 Identification fondée sur les accidents (approche réactive)

Les prochains paragraphes se concentrent sur l’identification fondée sur les accidents des sites à haut risque, un processus connu comme « investigation des accidents » ou « traitement des points noirs ». L’expression « site avec potentiel d’amélioration » est aussi utilisée, et l’approche implique la sélection de sites offrant un fort potentiel de réduction des accidents par l’introduction d’améliorations ciblées de sécurité. Cette approche repose sur l’analyse des accidents afin d’identifier d’abord les problèmes de sécurité avant de rechercher une solution. Ces méthodes sont souvent qualifiées de « réactives » car une réponse n’est engagée qu’après la survenue des accidents. Une description plus détaillée de cette approche est fournie dans le document de PIARC intitulé « Analyse des accidents de la route, recommandations pour les ingénieurs routiers » (PIARC, 2013).

Comme indiqué plus haut et dans la Section 10.4 – Identification proactive, ne compter que sur les données d’accidents peut produire des situations où seulement une faible proportion des accidents peut potentiellement être traitée. Pour cette raison, il est recommandé d’utiliser une combinaison de données sur les accidents et de données d’autres natures pour aborder et traiter le risque.

Les approches réactives incluent typiquement les étapes suivantes :

FIGURE 10.4 : ÉTAPES DE L’ APPROCHE RÉACTIVE

 

Le présent chapitre se consacre aux deux premiers points : l’identification et le diagnostic. Il s’intéresse aussi à la manière dont les données sur les accidents sont utilisées et ses limitations. Les autres étapes seront couvertes au Chapitre 11 - Sélection et priorisation des interventions et au Chapitre 12 - Suivi, analyse et évaluation des interventions en matière de sécurité routière. Une base fiable de données sur les accidents est un outil critique dans ce processus, pour pouvoir identifier et analyser les sites d’accidents (voir Données des hôpitaux dans la Section 5.3 – Établissement et maintenance des systèmes de données sur les accidents). Il existe aussi d’autres outils, comme la gestion de la sécurité du réseau (Network Screening) ou l’Analyste de la sécurité d’AASHTOWare (voir Encadré 9.5 dans la Section 9.4 – Outils de gestion).

UTILISATION DES DONNÉES SUR LES ACCIDENTS

Afin de traiter la survenue des accidents, des données sur ces derniers sont nécessaires pour fournir aux autorités routières les informations dont elles ont besoin. Le Chapitre 5 - Gestion et utilisation efficaces des données de sécurité donne plus d’information sur le recueil et l’utilisation des données sur les accidents, ainsi que les questions liées au besoin de données de qualité. Pour assurer une qualité adéquate, les données doivent satisfaire aux exigences de base suivantes (PIARC, 2013) :

  • précision (pour décrire exactement les paramètres individuels) ;
  • exhaustivité (pour inclure toutes les caractéristiques au sein du système correspondant) ;
  • disponibilité (pour être accessible à tous les utilisateurs) ;
  • uniformité (pour appliquer des définitions standardisées).

La principale source de données pour les initiatives de réduction des accidents, en particulier celles menées par les ingénieurs routiers, est généralement les rapports de police sur les accidents. Ces données devraient fournir les informations essentielles, au minimum sur la gravité de l’accident, le nombre de chaque catégorie de gravité des blessures (mortelles, graves, légères, etc.).

Une liste (non exhaustive) d'autres informations importantes à collecter comprend (PIARC, 2013) :

  • le numéro d’identification de l’accident ;
  • l’information sur la localisation de l’accident (par exemple, le site précis d’un accident) ;
  • les évènements ayant eu l’accident pour résultat (par exemple, le type d’accident) ;
  • l’information sur les personnes impliquées (sexe, âge, catégorie d’usager, alcoolémie, port de la ceinture de sécurité, etc.) ;
  • les conditions climatiques et d’éclairage ;
  • les véhicules impliqués ;
  • l’heure de la journée, le jour de la semaine et la date.

Le type d’accident est de particulière importance, parce qu’il constitue la base pour les critères de sélection des sites (voir les paragraphes suivants). Normalement, les types d’accidents sont divisés en groupes d’accidents ayant des attributs communs, tels que chocs frontaux ou accidents impliquant des piétons.

FIGURE 10.5 : EXEMPLE D'ACCIDENT DE VEHICULE UNIQUE

 

IDENTIFICATION DES SITES D’ACCIDENTS

Il est important de pouvoir identifier l'emplacement où un accident se produit. Le site d'un accident peut être un emplacement localisé (comme une intersection ou un virage), une section de route, une zone du réseau routier (comme un corridor), ou un ensemble de lieux répartis sur le réseau (sur l'ensemble du système routier) qui présentent les mêmes caractéristiques d'accidents. Afin d’identifier les sites d’accidents, il est nécessaire d’avoir accès à une base de données contenant des informations suffisantes sur le lieu et les circonstances exactes des accidents survenus. Une fois que tous les sites ont été identifiés, des critères de sélection doivent être établis afin de choisir les sites d’intérêt aux fins d’analyse et de traitement.

Les paragraphes suivants donnent une vue générale des approches pouvant être utilisées pour identifier les sites d’accidents. De nombreux pays ont élaboré des recommandations guidant l’identification des sites à haut risque. En plus du Manuel de PIARC (2013), d’autres sources offrent des informations, comme AASHTO (2025), Austroads (2021), et RoSPA (2007). La Banque africaine de développement (2014a) a publié des directives spécifiquement destinées à être utilisées dans les PRFI.

DÉFINIR LES SITES

Les sites à haut risque se trouvent souvent aux nœuds du réseau routier, c'est-à-dire aux points de croisement entre deux routes ou plus (intersections, carrefours giratoires ou échangeurs), ou encore aux passages piétons, cyclistes ou de sentiers. Les concentrations d'accidents se trouvent également fréquemment sur des liens courts, tels que des virages serrés ou des pentes raides.

FIGURE 10.6 : NŒUDS ET LIENS

 

Étant donné que les densités d'accidents diffèrent entre les nœuds et les liens, ces deux types de sites doivent être distingués lors du processus d'identification. Sinon, certains liens pourraient être identifiés comme atypiques simplement parce qu'ils contiennent un ou plusieurs nœuds.

Il est important de bien définir les limites d’un lieu d’accident. Il faut établir un seuil clair, par exemple entre les accidents survenus à une intersection ou causés par celle-ci, et ceux considérés comme étant en « section courante » (c’est-à-dire sur un tronçon situé entre deux intersections). Lors de l’analyse des données d’accidents, il peut être nécessaire d’élargir ces limites définies. Par exemple, les accidents survenant dans un rayon de 10 mètres sur les voies d’approche d’une intersection peuvent être considérés comme faisant partie de l’intersection (la « zone d’influence » de l’intersection) ; toutefois, il peut être pertinent d’examiner au-delà de cette limite, notamment jusqu’à 100 mètres, pour repérer d’autres accidents pouvant être liés à l’intersection. Afin d’éviter les biais lors de l’identification, une même zone d’influence devrait être appliquée à tous les nœuds similaires dans des environnements routiers comparables.

FIGURE 10.7 : ZONE D’INFLUENCE D’UN NŒUD

 

La longueur unitaire d’un lien de route utilisée lors de la phase d'identification a un impact sur le choix des sites détectés. Des liens trop longs peuvent empêcher la détection des concentrations locales d'accidents, qui seront camouflées dans leur environnement. D’autre part, les liens trop courtes comporteront soit aucun accident, soit un seul, auquel cas l'information est peu utile. Des longueurs de lien allant de 500 m à 1 000 m sont généralement suffisantes pour les fins d'identification.

On peut utiliser des sections fixes ou des sections mobiles (« fenêtres glissantes ») pour identifier les segments dangereux. L’utilisation de sections fixes est simple : un point d’origine est déterminé et la route est subdivisée à partir de ce point en sections successives de longueur égale. Cependant, cette méthode peut empêcher la détection des concentrations d’accidents situées à la frontière de deux sections adjacentes. L'utilisation de sections mobiles, qui décalent une longueur de section constante (par exemple 1 km) le long de la route par des incréments courts, par exemple 100 m, élimine ce problème. Des critères de détection doivent être définis pour identifier les zones à haut risque. De nombreux pays européens utilisent la méthode de la fenêtre glissante dans leur méthodologie d'analyse du réseau national, comme l’Autriche (Nowotny, 2019; ASFINAG, 2011), la région flamande de la Belgique (Geurts and Wets, 2003), la Croatie (Saric et al., 2016), la Danemark (Danish Road Directorate, 2014), la Hongrie (Borsos et al., 2016) et la Lituanie (Lietuvos Respublikos Susisiekimo Ministro, 2011).

FIGURE 10.8 : COMPARAISON – SECTIONS FIXES ET MOBILES

 

La Figure 10.8 illustre l'utilité de cette méthode. En supposant un seuil de détection de 7 accidents/km, la concentration d'accidents située entre les kilomètres 1,5 et 2,5 ne serait pas détectée avec une section fixe, mais le serait avec une section mobile.

Les bases de données informatisées simplifient désormais l'utilisation des sections mobiles et augmentent les possibilités de détection. Par exemple, le début de chaque section constante pourrait coïncider avec l'emplacement exact de chaque accident dans la base de données, ce qui améliore la précision tout en évitant les calculs inutiles. Hauer (2004) recommande plutôt d'utiliser non seulement des points de départ variables, mais aussi des sections de longueurs variables.

Généralement, le lieu de l’accident est aussi identifié comme le point auquel un impact s’est produit. Cependant, ce point peut n’être en fait que le point final d’une séquence d’évènements. Les facteurs liés à la cause de l’accident peuvent avoir commencé plus en amont sur la route.

Le lieu de l’accident est parfois mal défini ou avec peu d’exactitude, et il est important de garder ceci à l’esprit lors de la comparaison des sites d’accidents. Il y a plusieurs méthodes pour déterminer le lieu d’un accident. Dans les zones construites, la pratique commune est de mesurer la distance depuis un carrefour, un embranchement ou un repère architectural à l'aide d'un dispositif de mesure de distance. Cependant, dans les zones rurales et aussi dans certains pays en général, il peut arriver que les routes ne portent pas de nom et que les intersections soient peu nombreuses et éloignées entre elles. D'autres systèmes courants sont le Système de Référence Linéaire et le Système lien-nœud. Ces deux systèmes reposent sur les noms de routes ou des repères de kilométrage fiables le long des routes. Dans de nombreux pays, les repères tous les hectomètres (ou bornes kilométriques) font partie de l'infrastructure depuis longtemps. Ces panneaux aident à identifier le numéro et le kilomètre (ou le borne kilométrique) de la route. De plus en plus couramment, on utilise les systèmes de positionnement global (GPS). Il s'agit du système recommandé pour garantir la précision des données. Les coordonnées de latitude et de longitude recueillies de cette manière peuvent nous indiquer l'emplacement exact de manière plus précise. Pour les routes dont l'infrastructure ne comporte pas de panneaux kilométriques et/ou hectométriques (bornes kilométriques), il est important de considérer s'il est plus efficace d'investir directement dans une solution GPS en raison de ses avantages pour localiser les accidents. Voir Chapitre 5 - Gestion et utilisation efficaces des données de sécurité et l’OMS (2010) pour plus de détails sur l'utilisation de données fiables et précises pour identifier les emplacements à haut risque.

Avec le temps et en particulier dans les PRE, la tendance est allée vers l’évaluation de de zones plus larges, incluant des approches par itinéraire. En Europe, le terme « Gestion de la sécurité du réseau » (Network Safety Management) est utilisé pour englober une approche évaluant des sections longues, typiquement de 2 à 10 km (Scheemers et al, 2011). Les taux et la gravité des accidents sur ces sections sont supérieurs à ceux d’autres sections similaires. Divers outils ont été développés pour assister dans ce processus, et certaines des approches principales sont examinées ci-dessous.

CHOISIR UNE PÉRIODE DE TEMPS

Typiquement, une période de trois à cinq ans est choisie pour obtenir un échantillon suffisant de données (régression vers la moyenne), tout en minimisant les chances de changements du réseau routier. Dans certains PRFI, les sites à haut risque et les modèles d’accidents sur un même site peuvent commencer à prendre forme après un ou deux ans seulement. Une fois qu’un modèle clair a été établi, en particulier là où les accidents graves et mortels se produisent, il est plus important de mettre les traitements en œuvre dès que possible, que d’attendre jusqu’à la fin des cinq ans pour obtenir plus de données. Pour sélectionner la période de temps, il est important d’utiliser des années entières pour éviter les variations cycliques ou saisonnières dans les données d’accidents et de trafic. Il est également important d’être au courant de tout changement des définitions de la base de données qui pourrait avoir eu lieu durant cette période, ou de la présence de périodes à exclure en raison d'événements exceptionnels ayant provoqué des changements significatifs dans les données de circulation et, par conséquent, dans les données d'accidents (par exemple, les guerres, les épidémies telles que la Covid, etc.).

CRITÈRES POUR LA SÉLECTION DES SITES À ÉTUDIER AUX FINS DE TRAITEMENT

Il n'y a généralement pas suffisamment de financements pour traiter tous les emplacements d'accidents identifiés. Même si des fonds sont disponibles, les contraintes financières et d'autres ressources peuvent ne pas permettre un investissement immédiat ou rendre nécessaire un investissement sur une période plus longue. Des critères de sélection sont donc nécessaires pour prioriser les emplacements d'accidents en vue d'une enquête et d'un traitement ultérieurs. Il est fortement recommandé d'utiliser les types d'accidents mortels et graves pour la sélection des sites, conformément à l'approche du Système Sûr (voir Chapitre 4 - L’approche du Système Sûr). Cependant, les accidents ne causant que des blessures mineures ne doivent pas être ignorés, parce qu’ils peuvent indiquer un potentiel d’accidents graves et mortels dans le futur. Le processus de sélection des critères varie selon l’objectif du projet et les types d’actions pouvant être considérées :

  • Sur un site : traiter un site spécifique ou une section courte sur une route à forte concentration d’accidents ;
  • Sur une route : étudier les accidents au long d’une route, en recherchant les caractéristiques communes aux accidents, ainsi que les sites individuels problématiques ;
  • Dans une zone : étudier les accidents dans une zone où les principaux problèmes à aborder peuvent être de grande échelle, tels que la gestion de la circulation et les problèmes de réseau (par exemple, la sécurité des piétons peut être un thème récurrent) ;
  • En masse : recherche des caractéristiques communes des accidents dans une large zone, telles que problèmes de délimitation ou de sortie de route des véhicules.

Il existe plusieurs méthodes pour identifier les sites d’accidents, en utilisant des mesures telles que :

  • les groups d’accidents ;
  • la fréquence des accidents ;
  • les taux d’accidents ;
  • les taux d’accidents critiques ;
  • l’indice des dommages matériels équivalents (EPDO) ;
  • l’indice de gravité relative (RSI) ;
  • des critères combinés ;
  • les modèles de prédiction des accidents ;
  • les méthodes empiriques bayésiennes.

Pour la plupart des méthodes décrites, les sites d’accidents doivent être sélectionnés selon les mêmes définitions du « lieu de l’accident » (par exemple, le même rayon ou la même longueur de route) et la même période temporelle afin de permettre une comparaison directe. Cependant, pour certaines méthodes, les données peuvent être normalisées pour permettre une comparaison directe (par exemple, conversion en accidents par kilomètre, accidents par an).

GROUPES D’ACCIDENTS

Au niveau le plus élémentaire, la représentation des sites d’accidents sur une carte peut fournir des informations sur les groupes d’accidents. En l’absence d’un système de base de données sur les accidents plus sophistiqué, ceci donne une rapide indication des sites d’accidents par fréquence. La Figure 10.9 présente un exemple de sites d’accidents repérés sur une carte, dans une zone urbaine. Plus le cercle est grand, plus le nombre d’accidents est élevé. Parce qu’elles sont faciles à comprendre, les cartes sont un puissant moyen de présenter l’information aux parties prenantes principales, y compris le personnel technique, les décideurs politiques, les hauts exécutifs, les politiciens et le public, et peuvent constituer un puissant outil de plaidoyer. Un autre outil très utile à cet égard est la cartographie thermique, qui permet d'identifier les zones présentant un nombre élevé d'accidents, de décès ou de blessures en fonction des données affichées.

FIGURE 10.9 : CARTE DES LIEUX D'ACCIDENTS ET CARTE THERMIQUE, NOUVELLE-ZÉLANDE (SOURCE : NEW ZEALAND CRASH ANALYSIS SYSTEM - CAS)

 

FRÉQUENCE DES ACCIDENTS

La fréquence des accidents est le critère d'identification le plus simple. Chaque accident est localisé à son point d'occurrence sur le réseau routier, et le nombre total d'accidents signalés à chaque site considéré est additionné. Les sites sont ensuite classés par ordre décroissant de fréquence des accidents.

Une analyse de sécurité détaillée est nécessaire à chaque site où la fréquence des accidents dépasse un seuil d'investigation sélectionné (IT). Ce seuil peut être défini de manière arbitraire, par exemple, bien qu'il soit préférable qu'il prenne en compte le budget disponible.

Cette approche permet d'identifier un site routier où le nombre d'accidents est nettement supérieur à un seuil de référence établi, qui peut être défini de manière arbitraire, bien qu'il soit préférable qu'il prenne en compte le budget disponible. Par exemple, un site avec cinq accidents ou plus par an, ou un segment de route avec une fréquence d'accidents de 3 accidents par kilomètre par an dans une zone rurale, pourrait être classé comme dangereux si la fréquence moyenne des accidents pour l'ensemble du réseau est de 2 accidents par kilomètre par an.

La procédure et un exemple d'application sont présentés dans l’Annexe 10.2 (Fréquence d’accidents).

Avantages :

  • simplicité du critère ;
  • les sites avec une fréquence élevée d'accidents sont nécessairement détectés ;
  • concentration sur la réduction des accidents (risque collectif).

Inconvénients (voir encadré ci-dessous) :

  • biais en faveur des sites à fort volume de circulation ;
  • ne prend pas en compte la gravité des accidents ;
  • ne prend pas en compte la nature aléatoire des accidents.

Fréquence des accidents– Principaux défauts

Biais en faveur des sites à fort volume de circulation

Les accidents sont généralement considérés comme augmentant avec le flux de circulation. La force de la relation entre ces deux variables a permis le développement de nombreux modèles statistiques qui estiment le nombre d'accidents à un emplacement spécifique uniquement sur la base des fonctions de flux de circulation. S'appuyer sur le critère de fréquence des accidents pour identifier les sites déviants peut alors empêcher la détection de tels sites à faible trafic.

Divers critères d'identification tenant compte du flux de circulation ont été définis, le taux d'accidents étant le plus populaire.

La fréquence des accidents et leur gravité ne sont pas nécessairement liées 

La gravité du traumatisme résultant d'un accident dépend de plusieurs facteurs, dont certains sont directement liés aux caractéristiques de la route : vitesse d'impact, conditions de la bordure de la route, type de collision, etc. Par exemple, les traumatismes sont en moyenne beaucoup moins graves lors de collisions arrière en zone urbaine que lors de collisions frontales en zone rurale. Certains types d'accidents et environnements routiers sont donc plus susceptibles de causer des accidents plus graves que d'autres. Des critères d'identification tenant compte de la gravité des traumatismes ont été donc développés.

La fréquence des accidents varie entre deux périodes d'observation 

Même si toutes les conditions restaient inchangées sur un emplacement, le nombre d'accidents survenant chaque année pourrait fluctuer de manière significative. L'importance relative de ces fluctuations est directement liée à la moyenne à long terme du nombre annuel d'accidents sur le site considéré : plus cette moyenne est basse, plus ces variations seront élevées. Cela résulte de la nature aléatoire des accidents, et cela introduit deux types de biais dans le processus d'identification : certains sites qui ne sont pas déviants seront identifiés comme tels, et inversement (voir la Section Biais de sélection dans l’Annexe 10.1). Certains critères d’identification permettent de réduire ces biais.

Des informations plus détaillées sur cette question peuvent être trouvées dans le Highway Safety Manual (HSM) d’AASHTO (2025) et dans les publications d’ Austroads (2021). Ces documents apportent une aide précieuse pour l’identification des emplacements à haut risque d’accidents, en particulier ceux présentant une gravité élevée. Il est toutefois important de noter que, bien que les emplacements à haut risque doivent être ciblés en priorité pour des traitements, ils ne représentent parfois qu'une faible proportion du réseau responsable des décès et des blessures graves. Dans de tels cas, des mesures proactives complémentaires peuvent également s’avérer nécessaires (voir la Section 10.4 – Identification proactive).

La Figure 10.10 présente un exemple de carte des niveaux de sécurité routière fondée sur la concentration du risque d’accidents mortels pour les routes nationales en Pologne. Des cartes plus détaillées pour des régions plus petites, ainsi que des cartes représentant les niveaux de risque acceptables pour les accidents mortels, les classes de densité de coûts liés aux risques, et les niveaux d’acceptabilité de ces coûts sont également disponibles. Toutes ces cartes sont élaborées conformément à la réglementation nationale polonaise (Dziennik Ustaw Rzeczypospolitej Polskiej, 2015) et à la Directive européenne 2008/96/CE relative à la gestion de la sécurité des infrastructures routières.

FIGURE 10.10 : CARTE DES NIVEAUX DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE, BASÉE SUR LA CONCENTRATION DU RISQUE D’ACCIDENTS MORTELS POUR LES ROUTES NATIONALES EN POLOGNE. CHAQUE COULEUR REPRÉSENTE UN NIVEAU DE SÉCURITÉ DIFFÉRENT. CETTE CARTE PERMET DE CIBLER LES EMPLACEMENTS PRÉSENTANT LES RISQUES LES PLUS ÉLEVÉS.

 

TAUX D’ACCIDENTS

Cette approche permet d’identifier un site où la fréquence des accidents est inhabituellement élevée par rapport à son volume de circulation. Le taux d’accidents, qui correspond au rapport entre la fréquence des accidents et le volume de trafic, indique le niveau d’exposition au risque. Le volume de circulation est l’unité d’exposition la plus couramment utilisée (voir Figure 10.11) :

  • aux intersections (nœuds), le débit considéré est le nombre total de véhicules entrants ;
  • sur les liens, il s'agit du total des véhicules circulant dans les deux sens. Il faut de plus tenir compte de la longueur du lien à l'étude.
FIGURE 10.11 : TRAFIC CONSIDERÉ POUR CALCULER LE TAUX D’ACCIDENTS

 

Ce critère nécessite la définition d'un seuil arbitraire pour identifier les zones à haut risque. La procédure et un exemple d'application sont présentés à l’Annexe 10.2 (Taux d'accidents).

Avantages :

  • tient compte de l’exposition au risque ;
  • est le critère d’identification le plus souvent utilisé, ce qui facilite les comparaisons ;
  • fait la mise au point sur la probabilité d'être impliqué dans un accident (risque individuel).

Inconvénients :

  • le volume de la circulation à chaque site doit être connu ;
  • ne tient pas compte de la nature aléatoire des accidents ;
  • biais en faveur de sites à faible circulation (une variation aléatoire de quelques accidents par période à de tels sites modifie la valeur du taux d’accidents de façon considérable) ;
  • ne tient pas compte de la gravité des accidents ;
  • suppose une relation linéaire entre volume de circulation et fréquence d’accidents, ce qui peut être une source d’erreur.

TAUX D’ACCIDENTS CRITIQUE

Ce critère, qui fait appel à des méthodes originellement développées pour effectuer des contrôles de qualité dans l’industrie (Norden et al., 1956), compare le taux d’accidents à un site avec le taux d’accidents moyen observé dans un groupe de sites ayant des caractéristiques similaires (voir Annexe 10.1).

Comme pour les autres critères d’identification présentés dans cette section, l’hypothèse de base est que les sites ayant des caractéristiques semblables devraient avoir des niveaux de sécurité semblables. Malgré cette supposition et par la nature aléatoire des accidents, il est cependant possible que le taux d’accident calculé à un site durant une période donnée soit supérieur au taux moyen de sa population de référence sans qu’il ne soit pour autant problématique en termes de sécurité. Cependant, lorsque le taux d'accidents d'un site devient trop élevé par rapport à des sites similaires, les variations aléatoires ne suffisent plus à expliquer la différence observée. Le site est alors considéré déviant.

Le taux critique correspond à la valeur minimale de taux d’accidents à partir de laquelle un site est considéré problématique.

Ce taux augmente en fonction du niveau de confiance statistique choisi.

FIGURE 10.12 : TAUX D’ACCIDENTS MOYEN ET TAUX D’ACCIDENTS CRITIQUE

 

La procédure et un exemple d'application sont présentés à l’Annexe 10.2 (Taux d’accidents critique).

Avantages :

  • tient compte de la nature aléatoire des accidents ;
  • tient compte de l'exposition au risque.

Inconvénients :

  • complexité de la méthode ;
  • ne tient pas compte de la gravité des accidents ;
  • suppose une relation linéaire entre débit de circulation et fréquence d’accidents, ce qui peut être une source d’erreur.

Ce critère, associé à la densité des accidents, est également utilisé dans l'approche réactive de la méthodologie d'évaluation de la sécurité routière à l'échelle du réseau (NWA) de la Commission européenne pour identifier les zones à haut risque (EC, 2023) conformément à la Directive 2008/96/CE telle que modifiée par la Directive (EU) 2019/1936.

INDICE ÉQUIVALENT DE DOMMAGES MATÉRIELS SEULEMENT (IEDMS)

Une méthode courante pour identifier les sites à haut risque et prendre en compte la gravité consiste à classer les sites par ordre de priorité en analysant le coût des accidents. Une méthode efficace souvent utilisée est l'Indice équivalent de dommages matériels seulement (IEDMS), qui pondère les accidents en fonction de leur gravité. Par exemple, les accidents mortels se voient attribuer le coût/pondération le plus élevé par accident et les accidents avec dommages matériels seulement (DMS) ou accidents mineurs si les données sur les accidents DMS ne sont pas collectées se voient attribuer le coût/pondération le plus faible par accident.

L’IEDMS attache une plus grande importance aux traumatismes plus sévères en attribuant à chaque accident une pondération en fonction des blessures les plus graves subies par l’une des victimes. Par exemple, un accident dans lequel deux personnes sont des blessés légers et une troisième personne subit des blessures graves, est classé comme un accident grave. Un autre accident avec deux blessés graves reçoit la même classification de gravité. Divers facteurs de pondération ont été proposés. Agent (1973), par exemple, a suggéré les valeurs suivantes :

  • accident avec dommages matériels seulement (DMS) : 1 ;
  • accident avec blessures légères : 3,5 ;
  • accident avec blessures graves ou décès : 9,5.

La procédure et un exemple d'application sont présentés à l’Annexe 10.2 (IEDMS).

Avantages :

  • tient compte de la gravité des accidents ;
  • simplicité du critère.

Inconvénients :

  • ne tient pas compte de l’exposition au risque ;
  • ne tient pas compte de la nature aléatoire des accidents ;
  • biais en faveur des sites à vitesses élevées (milieu rural) ;
  • ne tient pas compte des aspects non liés à l'infrastructure ou au comportement des usagers (tels que le type et l'âge du véhicule, l'utilisation des dispositifs de sécurité actifs et passifs du véhicule, etc.) pour la gravité des accidents.

Les facteurs de pondération attribués à chaque classe de gravité d’accident sont généralement bien inférieurs au coût réel de ces accidents. Les valeurs recommandées par Agent (1973) sont encore souvent utilisées en Amérique du Nord. Avec des valeurs similaires, une attention plus grande, mais non disproportionnée, est accordée aux accidents plus graves.

L'utilisation de facteurs de pondération correspondant au coût réel des accidents pourrait entraîner une sous-utilisation des données des accidents moins graves, car il faudrait plusieurs centaines d'accidents avec DMS pour égaler un accident grave (Tableau 10.2). Cependant, la répétition des accidents au même endroit est un bon indicateur de déficiences liées à l'infrastructure routière qui ne doivent pas être négligées, tandis que la survenue d'un seul accident grave à un endroit donné peut ne pas être liée aux conditions routières existantes.

TABLEAU 10.2 : EXEMPLE – FACTEURS DE PONDÉRATION CORRESPONDANT AU COÛT DES ACCIDENTS (2016) (SOURCE : HARMON ET AL., 2018)

Gravité de l’accident

Coût unitaire des accidents (US $)

Coût unitaire des accidents - QALY* (US $)

Coût unitaire des accidents total (US $)

Pondérations DMS

Mortel

1 688 100

4 052 000

5 740 100

568

Blessure invalidante

151 000

153 400

304 400

30

Blessure évidente

56 800

54 400

111 200

11

Blessure possible

38 500

24 200

62 700

6

DMS 

8 700

1 400

10 100

1

* Les conséquences intangibles peuvent être monétisées en années de vie ajustées par la qualité (QALY – Quality-Adjusted Life Years).

INDICE DE GRAVITÉ RELATIVE (IGR)

Ce critère reconnaît que :

  1. La gravité des blessures subies lors d’un accident dépend de plusieurs facteurs : vitesse d’impact, point d’impact sur le véhicule, type de véhicule, âge et état de santé des occupants du véhicule, équipements de protection, etc. Deux accidents du même type se produisant à un même site peuvent donc causer des niveaux de traumatismes différents ;
  2. Le niveau de traumatisme moyen subi dans un grand nombre d’accidents du même type et survenus dans des environnements routiers similaires est un indicateur plus stable que le niveau de traumatisme d’un seul accident.

Des coûts standards d'accidents sont attribués aux accidents en fonction du type d'accident et de l'environnement routier, comme montré dans le Tableau 10.3.

TABLEAU 10.3 : COÛTS DES ACCIDENTS - IGR (SOURCE : ANDREASSEN, 2001)

COÛTS DES ACCIDENTS À VICTORIA (AU $)

Un seul véhicule

Urbain

Rural

Piéton heurté en traversant la chaussée

166 300

183 800

Collision avec un obstacle permanent

162 400

163 400

Collision avec un animal sur la chaussée

102 300

79 500

Sortie de route en tangente

119 900

146 100

Sortie de route en ligne droite avec collision contre un objet

177 500

206 600

Perte de contrôle sur la chaussée en ligne droite

98 100

115 700

Sortie de route lors d’un virage

146 900

175 900

Sortie de route en virage, heurt d’un objet

191 700

219 700

Perte de contrôle en virage

120 100

112 100

Deux véhicules

Urbain

Rural

Intersection, approches adjacentes 

124 000

173 200

Collision frontale

240 300

341 600

Tourner en sens contraire

132 700

168 600

Collision arrière

64 200

109 700

Changement de voie

88 500

132 800

Voies parallèles en tournant

79 900

104 600

Demi-tour

124 600

135 600

Véhicule sortant d’une entrée privée

93 200

129 100

Dépassement d’un véhicule dans le même sens

97 000

138 000

Collision avec un véhicule en stationnement

112 500

202 700

Collision avec un train

384 400

559 100

* Note : les coûts peuvent varier selon le pays et doivent être actualisés

Ces coûts sont calculés sur la base d'une analyse de la gravité moyenne des accidents pour chaque type d'accident. Il est toutefois important de noter que les types d'accidents et les coûts associés peuvent varier d'une juridiction à l'autre. Cette méthode tient compte de la gravité des accidents, mais accorde moins d'importance aux endroits où un seul accident mortel pourrait fausser les résultats en raison de son coût très élevé. Un tel résultat pourrait être le fruit d'un événement « aléatoire », qui ne se reproduira peut-être jamais. Cela est plus probable sur les routes à faible trafic ou les réseaux routiers où les accidents mortels sont très rares. Ce qui présente un intérêt plus grand, ce sont les lieux, itinéraires ou zones où des événements graves sont susceptibles de se reproduire à l'avenir. En utilisant les coûts moyens des accidents par type d'accident, un coût d'accident peut être attribué à chaque emplacement, puis les lieux peuvent être classés en fonction du coût total des accidents.

La procédure et un exemple d'application sont présentés à l’Annexe 10.2 (IGR).

Avantages :

  • tient compte de la gravité des accidents ;
  • tient compte de l’influence de facteurs exogènes ayant un impact sur la gravité des accidents.

Inconvénients :

  • le développement des grilles de coûts peut être complexe ;
  • ne tient pas compte de l’exposition au risque ;
  • ne tient pas compte de la nature aléatoire des accidents ;
  • biais en faveur des sites à vitesses élevées (routes rurales).

CRITÈRES COMBINÉS

Dans certains cas, plusieurs méthodes d'identification sont utilisées. Celles-ci combinent deux ou plusieurs des méthodes mentionnées ci-dessus.

Diverses combinaisons de critères peuvent être employées pour réduire les biais des critères individuels (Tableau 10.4).

TABLEAU 10.4 : BIAIS TYPIQUES DE CRITÈRES INDIVIDUELS

CRITÈRE

BIAIS EN FAVEUR DE

Fréquence d’accidents

Sites à fort volume de circulation

Taux d’accidents

Sites à faible volume de circulation

IEDMS, IGR

Sites à vitesses élevées

Trois des nombreuses variantes possibles sont décrites ici, à des fins d’illustration :

  • seuils combinés ;
  • seuil individuel ;
  • seuil individuel avec valeurs minimales.

Seuils combinés :

  • plusieurs critères d'investigation sont utilisés pour détecter les situations déviantes, par exemple une fréquence d'accidents de 5 accidents ou plus par période et un taux d'accidents de 3,0 accidents ou plus par million de kilomètres-véhicules (accident/Mveh-km) ;
  • tous les seuils doivent être atteints pour qu’un site soit détecté.

Seuils individuels :

  • plusieurs critères d'investigation sont utilisés pour détecter les situations déviantes, par exemple une fréquence d'accidents de 5 accidents ou plus par période et un taux d'accidents de 3,0 accidents ou plus par million de kilomètres-véhicules (accident/Mvéh-km) ;
  • un site est détecté si au moins un seuil d'investigation est atteint, indépendamment de la valeur des autres critères.

Seuil individuel avec valeurs minimales de critères :

  • les sites sont classés par ordre décroissant selon un critère. Des seuils d'investigation minimum sont établis pour les autres critères considérés, par exemple, en classant les sites par taux d'accidents et en ne conservant que ceux ayant un minimum de 3,0 accidents par période.

La procédure et un exemple d'application sont présentés à l’Annexe 10.2 (Critères combinés (fréquence et taux)).

MÉTHODES EMPIRIQUES BAYÉSIENNES

Les méthodes empiriques bayésiennes sont considérées comme l'une des approches les plus fiables pour sélectionner les lieux d'accidents. Ces méthodes permettent de combiner l’historique d’accidents à un site donné avec celui de plusieurs sites ayant des caractéristiques similaires (population de référence) de manière à obtenir une fréquence d’accidents ajustée (fEB). Cette fréquence est vue comme une meilleure approximation de la fréquence moyenne d’accidents à long terme, valeur sur laquelle devraient être basées les décisions d’intervention. Initialement, la méthode des moments a été proposée pour effectuer cette combinaison d'informations mais les méthodes statistiques multivariées sont maintenant reconnues comme étant supérieures à cet effet.

La principale difficulté associée à l’utilisation des méthodes empiriques bayesiennes est liée à la détermination de populations de référence qui soient homogènes (Elvik, 1988). Pour pallier cette difficulté, Hauer suggère de faire usage de techniques de régression multivariées pour développer des modèles de prédiction d’accidents (ou « fonctions de performance de sécurité » – voir Modèles de prédiction d’accidents) qui servent de populations de référence. Les détails sont décrits dans plusieurs articles récents de ce chercheur (Hauer, 1992, 2002, 2004), mais les principes de base sont les suivants :

  1. Un modèle statistique multivarié (aussi appelé fonction de performance de sécurité), qui relie les fréquences d’accidents à un ensemble de variables indépendantes, doit au préalable être développé. Durant ce développement, le paramètre de sur-dispersion doit aussi être estimé. Ce modèle sert à calculer la fréquence d’accidents estimée au site étudié (fpj) ;
  2. La fréquence d’accidents ajustée fEB se calcule en combinant cette fréquence d’accidents estimée (fpj) et la fréquence d’accidents au site (fj). Les poids relatifs attribués à fpj et fj sont déterminés par la valeur du facteur de pondération « w », tel qu’indiqué à [EQ. 10.1].

où :

fpj = fréquence d’accidents estimée au site j

w = facteur de pondération (fréquence d’accidents prédite)

À mesure que « w » augmente, une plus grande importance est attribuée à la fréquence d’accidents estimée à l’aide de la fonction de performance et, inversement, un plus grand poids est accordé à la fréquence d’accidents du site à mesure que « w » diminue ;

  1. La valeur de « w » est influencée par le degré d’homogénéité de la population de référence qui a été utilisée pour développer le modèle statistique (tel qu’exprimé par le paramètre de surdispersion), ainsi que par la valeur de la fréquence d’accidents prédite par la fonction de performance de sécurité (à mesure que cette valeur augmente, une plus grande importance est attribuée à la fréquence d’accidents au site).

Avantages :

  • tient compte de la nature aléatoire des accidents ;
  • meilleure estimation du potentiel d’amélioration.

Inconvénient :

  • cette méthode est relativement complexe.

TYPES D’ACCIDENTS

Les problèmes de sécurité d’un réseau routier sont le plus souvent identifiés en utilisant un ou plusieurs des critères décrits à Critères pour la sélection des sites à étudier aux fins de traitement. De tels critères détectent des lieux de concentration anormale des accidents, sans que ne soit généralement connue la nature des problèmes rencontrés à ces sites au moment de l’identification. Une approche d’identification complémentaire, qui consiste à rechercher les types d’accidents se produisant en concentrations anormales, peut à cet égard s’avérer utile.

En effet, si on détecte à un site une concentration élevée d’un type d’accident pour lequel il existe un traitement efficace, une intervention de sécurité pourrait y être justifiée même si la fréquence totale d’accidents n’est pas déviante. Par exemple, une concentration d’accidents de nuit pourrait justifier l’installation d’un système d’éclairage même si la fréquence totale d’accidents n’est pas anormalement élevée.

Étant donné que ce qui constitue une proportion « anormale » d’accidents dépend fortement des caractéristiques du site étudié, il est recommandé ici encore d’appuyer son jugement sur la base d’une comparaison entre le site et des sites similaires (voir la Section Population de référence à l'Annexe 10.1).

Pour pouvoir détecter des patrons d’accidents anormaux avec une certaine fiabilité, le nombre d’accidents considéré doit être relativement élevé. Il s’agit donc d’une approche d’identification qui est mieux adaptée aux types de collisions les plus fréquents, aux sites à forts volumes de circulation et aux emplacements de plus grande dimension (route, région, réseau).

Différentes techniques statistiques peuvent servir à la détection de patrons d’accidents anormaux. Le test de proportion effectué à l’aide de la distribution binomiale est décrit ci-dessous.

TEST DE PROPORTION (DISTRIBUTION BINOMIALE)

La distribution binomiale peut être utilisée pour calculer la probabilité d’observer une fréquence donnée d’accidents de type i au site j(fij) lorsque l’on connaît la fréquence totale d’accidents à ce site (fj) et la proportion moyenne de ce type d’accidents à des sites comparables (pi) :

où :

fij = fréquence d’accidents de type i au site j ;

fj = fréquence d’accidents totale au site j ;

pi = proportion moyenne d’accidents de type i dans la population de référence.

La probabilité d’observer moins que fij accidents de type i au site j est donc :

Et la probabilité d’observer fij accidents ou plus est :

Si P (Fij > fij) est faible, la fréquence de ce type d’accident est considérée anormalement élevée.

La procédure et un exemple d'application sont présentés à l’Annexe 10.2 (Proportion binomiale).

UTILITAIRE DE CALCUL: TEST DE PROPORTION (DISTRIBUTION BINOMIALE)

CONCLUSIONS

Les sites d'accidents peuvent être évalués à l'aide d'analyses statistiques pour identifier ceux qui enregistrent un nombre d'accidents statistiquement significatif sur une période donnée. Cela peut être utile pour distinguer les sites connaissant des taux d'accidents anormalement élevés de ceux qui n'enregistrent que des variations dues au hasard.

La liste de sites problématiques obtenue pourra varier en fonction des critères d'identification utilisés. Comme il a été expliqué, le critère de fréquence d'accidents tend à favoriser la détection de sites à forts volumes de circulation, n, alors que le taux d'accidents favorise les sites à faible circulation et que les critères tenant compte de la gravité des traumatismes détectent plus de sites sur des routes en milieu rural. Chacun de ces critères fait ressortir les problèmes selon une perspective différente et il apparaît en ce sens souhaitable d'analyser la performance de sécurité d'un réseau sous différents angles :

  • Une concentration élevée d'accidents en un lieu donné est en soi un indicateur de problématique de l'infrastructure routière et devrait justifier une analyse de sécurité ;
  • Le taux d’accidents mesure le niveau de risque auquel sont exposés les usagers de la route. Lorsqu’un site présente un risque anormalement élevé pour les usagers, des mesures correctives doivent être envisagées ;
  • La réduction du nombre de tués et de blessés sur les routes doit être l’objectif ultime de toute action en matière de sécurité routière ; il est donc logique d’accorder une attention particulière aux sites où surviennent les accidents les plus graves, indépendamment du trafic.

L’usage combiné des méthodes empiriques bayésiennes et de modèles statistiques multivariés est généralement considéré comme étant plus précise que les méthodes d'identification traditionnelles, car il permet de réduire les biais de sélection résultant de la nature aléatoire des accidents. Bien que la sophistication accrue des méthodes ne soit pas nécessairement essentielle lorsque les problèmes de sécurité sont évidents (ce qui peut être le cas lors des étapes initiales d'interventions en sécurité), leur utilisation peut aujourd'hui être grandement facilitée par les technologies informatiques peu coûteuses disponibles.

Il est important de reconnaître qu’il existe d’autres stratégies d’identification pouvant aussi être utiles pour détecter les sites problématiques d’un réseau routier, notamment :

  • Détection des sites les plus problématiques d’un réseau routier, en utilisant les critères décrits et en classant les sites par ordre décroissant, sans tenir compte de la population de référence à laquelle ils appartiennent ;
  • Détection de détériorations de sécurité à un site entre deux périodes d’accidents ; le test de Poisson peut être utilisé à cette fin (voir Annexe 10.1 - Caractère aléatoire des accidents).

UTILIAIRE DE CALCUL : TEST DE POISSON

Le processus d’identification des accidents permet de sélectionner des sites pour des investigations plus approfondies. En utilisant l’une des méthodes mentionnées ci-dessus, une liste restreinte peut être établie, comprenant les sites à envisager pour une intervention. Le financement disponible limitera le nombre de sites pouvant être traités ; il est donc essentiel d’évaluer les sites présélectionnés à travers des inspections sur le terrain et un diagnostic initial des accidents afin d’identifier les traitements les plus rentables à mettre en œuvre.

ÉTUDE DE CAS – Allemagne : Gestion de points noirs

Penser que les accidents de la route sont uniquement dus à une erreur de conduite reste une idée assez répandue – mais elle est aussi incorrecte. Dans de nombreux cas, une infrastructure routière de mauvaise qualité contribue de façon systématique à un grand nombre d’accidents, créant ce qu’on appelle des points noirs. Comprendre les problèmes qui mènent à ces accidents, trouver des solutions pour améliorer la situation, puis évaluer après un certain temps si le point noir a été traité avec succès, sont des étapes essentielles.

Cette étude de cas met en lumière le processus d’identification des points noirs, l’analyse des accidents, la sélection des contre-mesures et l’évaluation de leur impact. Pour en savoir plus

ÉTUDE DE CAS – Espagne : Utilisation des données de véhicules connectés pour améliorer la sécurité routière dans les déviations, la conception des carrefours giratoires et les traversées urbaines

Il est souvent difficile pour l’administration routière d’identifier les segments de route qui posent des problèmes aux usagers. C’est généralement grâce à l’analyse statistique des points noirs que les opérateurs peuvent repérer les sections présentant des défauts de conception ou des conditions inadéquates. Aujourd’hui, avec les technologies disponibles, il est possible de compléter cette identification par d’autres types d’informations issues directement des véhicules. Le traitement adéquat des big data, incluant des paramètres liés à l’état de la route ainsi qu’aux véhicules eux-mêmes, permet de mieux comprendre les conditions de circulation sur une section donnée. Cela facilite la conception de mesures visant à améliorer à la fois le niveau de service et la sécurité routière sur ce segment. Pour en savoir plus

DIAGNOSTIQUER LES FACTEURS CONTRIBUTIFS AUX ACCIDENTS

Diagnostiquer les facteurs contributifs aux accidents est fondamental pour sélectionner des solutions efficaces à un problème de sécurité. Pour bien comprendre le problème, il est nécessaire de considérer les éléments suivants :

  • Un accident est le résultat d’une séquence d’évènements et de circonstances (plutôt que d’une seule cause) ;
  • Chaque événement ou circonstance est lié à un composant du Système Sûr : les personnes impliquées, le véhicule, ou l’environnement routier ;
  • Chaque événement est fortement influencé par l’événement ou la circonstance précédente.

Le diagnostic des problèmes de sécurité sur un site d’accidents est un processus en quatre étapes :

  • Rassembler l’information pertinente sur le site, telle que données sur des accidents, les volumes de trafic et l’histoire du réseau ou du site en termes d’aménagement des terres ou de changement des caractéristiques physiques ;
  • Analyser les données sur les accidents pour le site considéré (par exemple, pour des plans d’action de masse, la zone tout entière, ou bien un seul site pour la mise en œuvre d’un traitement) en recherchant les types communs d’accidents ou de facteurs, en particulier ceux qui se produisent en série ;
  • Inspecter le site du point de vue de l’usager de la route, examiner attentivement ses caractéristiques physiques et son aménagement, et comprendre les facteurs humains ainsi que les comportements qui peuvent contribuer à la survenue des accidents ou à leur gravité ;
  • Sur la base des notes et des conclusions des étapes précédentes, tirer des conclusions sur les causes probables des séries d’accidents (de type et/ou site similaires).

Ces étapes sont abordées plus en détail dans les sections ci-dessous. Le rapport du NCHRP intitulé Évaluation Diagnostique et Sélection de Contre-mesures : Une Boîte à Outils pour les Professionnels de la Sécurité Routière (Diagnostic Assessment and Countermeasure Selection: A Toolbox for Traffic Safety Practitioners, National Academies, 2024) constitue une ressource précieuse pour diagnostiquer les facteurs contributifs aux accidents et sélectionner les contre-mesures appropriées.

Lorsqu’ils réalisent un diagnostic, les analystes peuvent consulter des références techniques afin de mieux comprendre si un élément de l’infrastructure routière peut contribuer à un problème de sécurité donné ou, au contraire, permettre d’améliorer la situation. Les Fiches techniques décrivent la relation entre différents éléments de la route et la sécurité (tracé en plan, profil en long, intersections, etc.). Certaines données techniques peuvent également devoir être collectées sur le terrain pour faire avancer le diagnostic. La section Études techniques explique comment réaliser différentes études : études ponctuelles de vitesse, volume de trafic, etc.

Les résultats obtenus à chacune des quatre étapes mentionnées ci-dessus peuvent être étroitement liés. Par exemple, une défaillance en matière de sécurité sur un virage horizontal pourra être détectée à la fois lors de l’analyse des accidents (forte proportion d’accidents impliquant un seul véhicule) et lors de l’observation sur site (virage serré isolé). Dans d’autres cas, les conclusions de chaque étape seront complémentaires. Ainsi, l’analyse des accidents peut révéler un regroupement de collisions survenant de nuit, ce qui orientera l’attention de l’analyste vers des problèmes qui n’auraient peut-être pas été détectés lors d’une inspection réalisée en journée. Il est donc fortement recommandé de mener à bien l’ensemble des étapes du processus de diagnostic, même lorsqu’une solution semble avoir été identifiée dès le début de l’analyse.

Étant donné que chaque site présente une combinaison unique de caractéristiques routières, d'usagers de la route et de véhicules, la liste des problèmes de sécurité potentiels et des solutions pertinentes est assez longue. Lors d’un diagnostic de sécurité, l'analyste doit vérifier :

  • les différences entre les caractéristiques du site et les normes ou pratiques établies ;
  • la complexité de la conduite et le respect des attentes des conducteurs ;
  • la cohérence de l’environnement routier.

Parfois, les actions souhaitables peuvent aller au-delà des travaux d’ingénierie routière. L’éventail des mesures susceptibles d’être mises en œuvre pour améliorer la sécurité est assez large. Il convient de préciser que la réalisation d’un diagnostic de sécurité nécessite des connaissances non seulement en ingénierie routière, mais également dans d’autres domaines (facteurs humains, ingénierie des véhicules, statistiques, etc.). L’analyste doit déterminer si le traitement le plus approprié concerne la route elle-même ou d’autres composants du système de sécurité.

L’analyse des cas complexes pour lesquels il n’existe pas de solution évidente requiert la contribution d’une équipe multidisciplinaire d’experts qui, ensemble, auront plus de chances de développer une bonne compréhension des problèmes rencontrés et de proposer des solutions appropriées. En conséquence, il est important de garantir le développement de structures de coordination efficaces et de canaux de communication entre les principaux groupes actifs dans le domaine de la sécurité routière, afin de permettre des échanges interdisciplinaires constructifs menant à la mise en œuvre de solutions optimales.

Du point de vue de l’ingénierie de la sécurité routière, il est également important de garder à l’esprit que les problèmes peuvent avoir leur origine à différentes étapes du développement et de l’exploitation d’un réseau routier : la planification du système de transport, la conception des routes, la construction, l’exploitation et l'entretien (quelques exemples sont présentés à la page suivante).

La capacité à réaliser un bon diagnostic de sécurité est donc étroitement liée à l’expérience et au « jugement technique éclairé » de l’analyste, qui, après avoir réalisé plusieurs de ces études, saura reconnaître les situations augmentant le risque de collision. Évidemment, il s’agit d’un savoir qui ne peut pas être acquis uniquement à partir des manuels, mais le processus décrit dans cette section devrait aider ceux qui ont moins d’expérience à mieux comprendre les principes fondamentaux et la logique de leur travail.

RASSEMBLER L’INFORMATION PERTINENTE

Les données sur les accidents sont l’information la plus importante, et devraient être disponibles auprès de la police ou de l’autorité routière, laquelle peut aussi avoir des informations sur les volumes de trafic et l’histoire du site, comme par exemple le plan d’aménagement, tout changement dans les formes de circulation ou l’utilisation des terres, et tout souci passé ou actuel exprimé par la collectivité locale ou les parties prenantes.

Toutes ces informations doivent être collectées et analysées au début du diagnostic afin de :

  • être informé des problèmes identifiés par le passé et des actions entreprises ;
  • éviter les doubles emplois : si aucune modification majeure n’a eu lieu sur le site, certaines études techniques peuvent ne pas devoir être répétées.

ANALYSE DES DONNÉES

L’analyse des données d’accidents disponibles est une étape fondamentale d’un diagnostic de sécurité, car elle permet de mieux comprendre les problèmes rencontrés par les usagers de la route circulant sur le site. En conséquence, les analystes peuvent proposer des solutions adaptées aux problèmes rencontrés et contribuer ainsi à réduire la survenue d’accidents similaires à l’avenir.

L’analyse des accidents doit être lancée avant la visite sur site, puisqu’elle peut influencer les observations à effectuer sur place. Dans certains cas, les analystes devront également apporter du matériel supplémentaire pour vérifier la pertinence des facteurs potentiels d'accidents (radar pour mesurer les vitesses de circulation, des barres et des roues de mesure pour déterminer la distance de visibilité disponible, etc.). Les tableaux d’accidents doivent être apportés sur le site (Annexe 10.3).

COMPRENDRE L’ACCIDENTS

Pour diagnostiquer correctement les problèmes de sécurité, un analyste doit d'abord bien comprendre les mécanismes des accidents :

  • Un accident est le résultat d’une séquence d’évènements et de circonstances (plutôt que d’une seule cause) ;
  • Chaque événement ou circonstance est lié à un composant du Système Sûr : les personnes impliquées, le véhicule, ou l’environnement routier ;
  • Chaque événement est fortement influencé par l’événement ou la circonstance précédente.

L'exemple suivant illustre une séquence hypothétique d'accident :

Un jeune homme de 18 ans, titulaire du permis de conduire depuis six mois, se rendait à un entretien d'embauche dans une zone inhabituelle pour lui. Il était en retard, tendu et roulait trop vite. Il pleuvait. La suspension et les pneus de son véhicule étaient usés. À l'approche d'un virage serré après une longue section droite, il n'a pas vu le panneau de signalisation, qui est déficient selon les normes en vigueur, et a abordé le virage trop rapidement. Il a empiété sur l'accotement, qui n'était pas revêtu, a freiné brusquement, a perdu le contrôle et est entré en collision avec un arbre au bord de la route.

Les analystes doivent s'efforcer de comprendre ces chaînes d'événements et de circonstances conduisant à chaque accident, afin de proposer des mesures susceptibles de rompre ces séquences (Figure 10.13). Lorsqu'il n'y a pas suffisamment d'informations pour reconstituer en détail le déroulement de chaque accident, des méthodes d'analyse simplifiées doivent être utilisées.

FIGURE 10.13 : CHAINE D’ÉVÉNEMENTS ET CIRCONSTANCES CONDUISANT À UN ACCIDENT

 

NIVEAU D’ANALYSE DES ACCIDENTS

Différents types de niveaux d'analyse peuvent être distingués en fonction du nombre d'accidents pris en compte :

  • Le niveau micro, où un seul accident est analysé. En général, cette analyse est effectuée après un accident grave afin de reconstituer précisément sa chaîne d'événements et de circonstances ;
  • Le niveau intermédiaire, où tous les accidents survenus à un même emplacement présentant un mauvais bilan de sécurité sont analysés afin de trouver des solutions pour réduire leur survenue future. Le processus de diagnostic décrit dans cette section est particulièrement adapté à ce niveau d'analyse ;
  • Le niveau macro, où un ensemble plus large de données sur les accidents est pris en compte. Il peut s'agir de l'ensemble des accidents sur un réseau routier, de tous les accidents impliquant un type spécifique d'usager de la route (piétons, poids lourds), ou de tous les accidents sur une catégorie de route particulière. Les résultats des analyses macro menées sur les catégories de routes peuvent fournir des informations utiles lors d’un diagnostic de sécurité sur un site spécifique, en offrant un aperçu des problèmes susceptibles d’être rencontrés. De telles analyses sont également réalisées lors de l’élaboration du plan d’action pour la sécurité routière d’un pays et de l’établissement des priorités d’action du pays (voir Chapitre 6 - Objectifs de sécurité routière, stratégies d’investissement, plans et projets).

ANALYSE STATISTIQUE DES ACCIDENTS

En général, les rapports d'accidents contiennent plusieurs éléments d'information qui peuvent mettre en évidence des déficiences potentielles de la route (Tableau 10.5).

TABLEAU 10.5 : INFORMATIONS TYPIQUES DANS UN RAPPORT D'ACCIDENT QUI PEUVENT METTRE EN ÉVIDENCE DES DÉFICIENCES DE LA ROUTE

COLLISION AVEC

TYPE D’ACCIDENT

MANŒUVRE

GRAVITÉ

  • piéton, cycliste
  • véhicule particulière
  • camion, bus
  • train
  • animal
  • etc.
  • à angle droit
  • par l’arrière
  • frontale
  • latéral
  • avec un seul véhicule
  • etc.
  • traverse
  • virage
  • dépassement
  • stationnement
  • etc.
  • mortel
  • blessure grave
  • blessure légère
  • DMS

CONDITIONS MÉTÉO

CONDITION DE LA ROUTE

TEMPS

CARACTERISTIQUE ROUTIERE

  • clair
  • nuageux
  • pluie
  • brume
  • neige
  • sèche
  • humide
  • autres (sable, boue, glace, neige)
  • trous, ornières
  • heure de la journée
  • jour de la semaine
  • mois
  • année
  • intersection
  • virage horizontal
  • pente verticale
  • etc.

RÈGLES DE PRIORITÉ

FACTEURS HUMAINES

CONDUCTEUR

AUTRES

  • aucune
  • céder le passage
  • stop
  • panneaux de signalisation
  • fatigue
  • inattention
  • alcool
  • etc.
  • adresse
  • âge
  • expérience
  • etc.
  • travaux routiers
  • jour férié
  • etc.

En combinant les informations du rapport d’accident, l’analyste peut parfois obtenir des résultats similaires à des quasi-scénarios : véhicule lourd en pente ; collision à angle droit à une intersection aux heures de pointe, etc.

Les informations supplémentaires contenues dans le rapport d’accident peuvent également révéler des problèmes nécessitant des actions sur d’autres composants du système « humain – environnement – véhicule » : conduite sous l’influence, jeunes conducteurs, véhicules surchargés, défauts mécaniques, etc. Dans de tels cas, les autorités compétentes doivent être informées de l’existence du problème.

Les étapes d'une analyse statistique des accidents sont les suivantes :

  1. Préparation des résumés d'accidents. Divers résumés d'accidents peuvent être préparés pour aider à identifier les schémas d'accidents anormaux. Ci-dessous, trois types de résumés sont décrits : Diagrammes de collisions, Matrices de facteurs et Tableaux comparatifs ;
  2. Recherche des facteurs contributifs. Une fois les schémas d'accidents déviants identifiés, l'analyste cherchera à comprendre leurs causes (facteurs contributifs) afin de déterminer si des actions en ingénierie routière pourraient prévenir efficacement des accidents similaires à l'avenir. La première partie des Tableaux d’accidents dans l’Annexe 10.3 fournit une aide pratique dans cette tâche. Des tableaux distincts ont été élaborés pour les nœuds et les sections de route, ainsi que pour les types d'accidents les plus fréquents ;
  3. Recherche de solutions. Pour chaque facteur contributif d'accident, il existe généralement plusieurs actions envisageables pour améliorer la situation. La deuxième partie des Tableaux d’accidents dans l'Annexe 10.3 liste les traitements les plus courants.

DIAGRAMMES DE COLLISIONS

Un diagramme de collision est une présentation illustrée des accidents survenus à un endroit donné. Les accidents sont localisés sur un diagramme de l'intersection ou de la section de route, en indiquant le type d'accident (à l'aide de symboles standards), la direction de circulation, ainsi que d'autres informations pertinentes (par exemple, la date, l'heure de la journée, les conditions météorologiques et d'éclairage). Plusieurs logiciels permettent la création automatique de ces diagrammes.

FIGURE 10.2 : EXEMPLE D’UN DIAGRAMME DE COLLISION DE L’ALLEMAGNE (SOURCE : PIARC, 2013)

 

L'objectif principal de ces types de présentation des données est d'identifier les facteurs contributifs communs des accidents à un endroit donné. Il est important de noter qu'il existe généralement plusieurs facteurs qui conduisent à un accident. S'il n'y a pas de type d'accident dominant apparent dans les données, il peut être très difficile de traiter le site, car il sera difficile de résoudre tous ses problèmes différents (la gestion de la vitesse peut être l'exception à cela, notamment pour l'élimination des accidents graves). Souvent, il peut être utile d'examiner les rapports de police individuels des accidents pour obtenir plus de détails sur les circonstances de l'accident, puisque cela pourrait éclairer un facteur causal commun.

MATRICE DES FACTEURS

Une matrice des facteurs va un pas plus loin que la méthode du tableau de fréquence et prend en compte des facteurs supplémentaires tels que la gravité de l'accident, l'année de l'accident, la direction de circulation, le type d'usagers de la route, le type de collision, les conditions de surface et d'éclairage, l'heure de la journée et le jour de la semaine. Un aspect clé de la matrice des facteurs est l'inclusion du code de mouvement ou « diagramme en bâtons » pour indiquer les mouvements des véhicules dans chaque collision.

FIGURE 10.15 : EXEMPLE DE MATRICE DES FACTEURS, SYSTÈME D'ANALYSE DES ACCIDENTS, NOUVELLE-ZÉLANDE (SOURCE : NZTA CRASH ANALYSIS SYSTEM)

 

TABLEAUX COMPARATIFS

Ce qui constitue une proportion anormale d'accidents dépend largement de la catégorie du site analysé. Par exemple, les proportions moyennes de collisions arrière ou de collisions à angle droit à une intersection dépendront de la manière dont la priorité est gérée par des panneaux stop ou des feux de signalisation ; la proportion d'accidents de type sortie de route est plus élevée sur les virages horizontaux que sur les alignements droits, etc.

Par conséquent, comparer les schémas d'accidents sur le site étudié avec ceux d'autres sites ayant des caractéristiques similaires (population de référence) permettra d'obtenir une estimation plus précise du potentiel d'amélioration anticipé. Par exemple, le Tableau 10.6 montre que dans cet ensemble de données, une proportion de 40 % de collisions arrière est inférieure à la moyenne à une intersection avec des feux de signalisation, mais supérieure à la moyenne à une intersection avec des panneaux stop.

TABLEAU 10.6 : EXEMPLE – PROPORTIONS D'ACCIDENTS AUX INTERSECTIONS À 4 BRANCHES

 

FEUX DE SIGNALISATION

45 %

30 %

PANNEAUX STOP

32 %

48 %

Cependant, il est d'abord nécessaire de s'assurer que les caractéristiques géométriques et de circulation de la population de référence sont adéquates ; sinon, cette comparaison pourrait simplement maintenir de conditions dangereuses. L'Annexe 10.1 traite ce problème de manière plus détaillée.

Divers tests statistiques peuvent être utilisés pour cette comparaison, et la section Types d'accident décrit comment calculer les proportions binomiales à cet effet. Le Tableau 10.7 présente les résultats de ce calcul pour la variable « type de véhicule ». Dans cet exemple, la forte proportion d'accidents impliquant un véhicule lourd nécessite une enquête plus approfondie.

TABLEAU 10.7 : EXEMPLE – TABLEAU COMPARATIF DES ACCIDENTS

TYPE DE VÉHICULE

SITE

RÉFÉRENCE 

PROBABILITÉ DE DÉVIANCE (%)

NOMBRE

POURCENTAGE

POURCENTAGE

VÉHIC. PARTICULIÈRES

33

80

90

2

VÉHICULES LOURDS

7

17

7

98

MOTOS/MOPEDS

1

2

1

66

VÉLOS

0

0

2

NC

AUTRES

0

0

0

NC

INSPECTION DE SITE/ROUTE/ZONE

L'objectif principal d'une inspection est d'identifier les problèmes environnementaux ou de circulation qui pourraient contribuer aux accidents à l'endroit donné. Une inspection du site permet à l'équipe d'enquête sur les accidents de voir le lieu à travers les yeux de l'usager de la route et d'observer les comportements de circulation. Des données supplémentaires peuvent également être collectées, telles que les vitesses des véhicules, les caractéristiques de la route, les restrictions de stationnement et les limites de vitesse, ainsi que de permettre à l'équipe d'évaluer d'autres caractéristiques de l'environnement routier.

Il est recommandé, lorsque cela est possible, que l’évaluation est effectuée par une équipe plutôt que par une seule personne. L'approche par équipe permet généralement d'obtenir une gamme plus diversifiée d'opinions et d'idées, puisqu’il est plus facile de les générer par le biais de discussions en groupe. Les membres de l'équipe peuvent inclure un expert formé en ingénierie de la sécurité routière et en investigation des sites d'accidents, ainsi que des policiers et/ou du personnel des agences routières, en particulier ceux qui connaissent bien l’emplacement. Le groupe peut également inclure une personne novice en enquête sur les accidents, mais qui a idéalement suivi une formation. Cette approche est essentielle pour assurer le développement des compétences des futurs enquêteurs d'accidents. Les lignes directrices sur les facteurs humains doivent être prises en compte par ceux qui enquêtent sur les sites des accidents (voir Chapitre 8 - Conception en fonction des caractéristiques des usagers de la route et de leur respect des normes and National Academies, 2024)

Le Tableau 10.8 fournit une liste des facteurs contributifs possibles pour différents types d'accidents (y compris ceux qui contribuent le plus aux résultats fatals et graves) que les enquêteurs doivent prendre en compte lors d'une inspection du site. Bien que non mentionnée, la vitesse est liée à la fréquence et à la gravité de tous les accidents.

TABLEAU 10.8 : QUELQUES FACTEURS POSSIBLES CONTRIBUANT AUX DIFFÉRENTS TYPES D’ACCIDENTS

Accidents à angle droit (intersections)

Accidents en tournant et avec des véhicules en sens inverse

  • Visibilité restreinte.
  • Vitesses d’approche élevées.
  • Effet de « transparences » sur une approche secondaire.
  • Signaux, marquages ou signaux lumineux obscurcis.
  • Présence non évidente d’un carrefour (à certaines heures du jour).
  • Volumes de circulation trop élevés pour les contrôles par panneau de Priorité ou de Stop (espacements insuffisants du trafic).
  • Visibilité/acuité visuelle restreinte.
  • Fortes vitesses d’approche.
  • La file des véhicules tournant en sens inverse bloque la visibilité.
  • Nombre insuffisant d’espaces dans le trafic en sens inverse.
  • Trop de voies en sens inverse à traverser.
  • Complexe configuration de l’intersection.

Accidents en sortie de route

Collisions frontales

  • Voie ou revêtement étroits.
  • La courbure des virages ne peut pas être estimée.
  • Le bord de la route n’est pas évident.
  • L’accotement ne permet pas de récupérer le contrôle.
  • Le tracé de la route est trompeur.
  • Mauvais état de la surface de la route.
  • Voie trop étroite (pour le mélange de trafic, la vitesse, la courbure de la route, l’angle des voies).
  • La ligne centrale n’est pas visible.
  • Marquages au sol insuffisants.
  • L’intensité des virages ne peut pas être estimée.
  • Un creux ou une crête cachée.
  • Opportunités de dépassement insuffisantes.
  • Adhérence ou drainage de la chaussée insuffisants.
  • Décalage entre la chaussée et l’accotement causant une correction exagérée par le conducteur.

Accidents motocyclistes

Accidents cyclistes

  • Marquages au sol insuffisants, en particulier dans les virages.
  • Mauvais état de la surface (rugosité, trous, débris).
  • Obstacles sur l’accotement.
  • Espacements insuffisants dans le trafic en sens contraire.
  • Visibilité restreinte.
  • Environnement à vitesse trop élevée.
  • Séparation du trafic inadéquate.
  • Interaction avec les véhicules.
  • Mauvais état de la surface (uni, trous, débris).
  • Véhicule en stationnement inattendu sur une voie de circulation.
  • Rétrécissement inattendu de la chaussée.

Accidents piétons

Collisions arrière tout droit

Accidents à angle droit (intersections)

Accidents en tournant et avec des véhicules en sens inverse

  • Passages piétons inadéquats.
  • Trop de trafic pour des temps de traversée adéquats.
  • Trop de voies de circulation à traverser.
  • Trafic à grande vitesse, voies multiples et dans les deux sens.
  • Mouvements de circulation complexes ou inattendus.
  • Trafic caché par des véhicules stationnés, d’autres objets, ou un excès de végétation.
  • Un passage piéton zébré non évident pour les conducteurs.
  • Cycles de feux de signalisation trop longs, encourageant les piétons à ne pas les respecter.
  • Dispositif inapproprié ou manque de dispositifs pour une diversité de piétons (par exemple, pour les usagers handicapés).
  • Éclairage inadéquat.
  • Files devant de véhicules attendant de tourner
  • Signaux de trafic cachés dans un virage ou sur une crête
  • Autre cause inattendue de ralentissement devant
  • Adhérence ou drainage de la chaussée inadéquats
  • Durée inadéquate de changement de feux de signalisation
  • Effet de « transparence » de signaux de trafic consécutifs
  • Phase entre les feux verts inadéquate
  • Présence de véhicules à l’arrêt
  • Flux de trafic instable sur une route à grande vitesse
  • Trafic en accordéon du aux mouvements fréquents de piétons ou de stationnement
  • Véhicules tournant à des endroits inattendus (par exemple juste avant ou juste après des signaux)

Collisions avec des objets fixes

Accidents aux passages à niveau ferroviaires

  • Ilots de refuge non visibles.
  • Configuration complexe.
  • Mêmes raisons que pour les accidents en sortie de route.
  • L’emplacement du passage n’est pas évident.
  • La présence imminente du train n’est pas évidente.
  • Le dispositif de signalisation n’est pas clairement identifié (ou cohérent).
  • L’attention du conducteur est distraite par l’intersection ou une autre caractéristique.
  • Dispositifs de signalisation obscurcis.

Collisions avec un véhicule stationné

Collisions avec des véhicules faisant demi-tour

  • Véhicule à l’arrêt de manière inattendue sur une voie de circulation.
  • Ligne de rive non visible.
  • Voies trop étroites.
  • Installations de demi-tour inadéquates.
  • Nombre insuffisant d’espacements dans le trafic en sens inverse.
  • Faible visibilité.

Changements de voie et manœuvres

  • Voies trop étroites (pour le mélange de trafic, la vitesse, la courbure de la route ou l’angle de la voie).
  • Lignes des voies ou du bord non visibles.
  • Décalage entre la chaussée et l’accotement.
  • Présence de véhicules à l’arrêt ou autres obstacles.
  • Rétrécissement inattendu de la chaussée.
  • Information sur le sens de circulation inadéquate.
  • Activité sur les accotements.

PRÉPARATION DE L’ANALYSE

L'analyste doit apporter sur le site les éléments suivants :

  • tableaux d’accidents (Annexe 10.3) ;
  • listes de contrôle du diagnostic (Annexe 10.4) ;
  • caméra vidéo avec GPS intégré, avec suffisamment de supports d'enregistrement et de batterie ;
  • un mètre ruban et une roue de mesure ;
  • papier, crayons, règle et gomme ;
  • Un smart phone.

Lorsque disponibles, les éléments suivants doivent également être apportés sur le site :

  • plans de la route (conception géométrique, signalisation, marquage, éclairage, etc. ;
  • rapports d’études antérieures (afin de vérifier si les problèmes identifiés précédemment ont été corrigés conformément aux recommandations) ;
  • conclusions de l’analyse des accidents.

Il peut également être utile de prévoir les éléments suivants (notamment si le site à traiter est éloigné du bureau) :

Pour assurer la sécurité des analystes, il convient également de prévoir :

  • gilet réfléchissant ;
  • casques et bottes de sécurité (lorsque nécessaire, par exemple près de travaux routiers) ;
  • gyrophare et tout autre équipement de signalisation routière requis ;
  • assistance policière (lorsque nécessaire).

FAMILIARISATION AVEC LE SITE

Les principaux objectifs de la familiarisation avec le site sont de détecter les problèmes évidents et de comprendre les principales difficultés rencontrées par les conducteurs sur le site analysé. À son arrivée, l'analyste parcourt le site à la même vitesse que les autres conducteurs et dans toutes les directions autorisées. La distance à parcourir dépend du type d'environnement routier et de la nature des problèmes suspectés. En zone urbaine, une distance de quelques centaines de mètres dans chaque direction est généralement suffisante. En zone rurale, la distance à parcourir peut être beaucoup plus longue et s'étendre sur plusieurs kilomètres lorsque le problème peut être lié à une violation des attentes des conducteurs. L'analyste doit également effectuer des manœuvres piétonnes.

Lors de la conduite le long de la route, il est utile d'enregistrer une vidéo géolocalisée depuis le véhicule. Cela permet à l'équipe de regarder la vidéo à une étape ultérieure et de capturer des détails qui auraient pu être oubliés pendant la visite de l’emplacement. Il est souvent utile de choisir une personne non familière avec la zone pour y conduire, afin qu'elle puisse vivre l'expérience comme les autres le feraient pour la première fois. Il sera souvent nécessaire de traverser le site plusieurs fois. Parfois, il est également utile d'inspecter le site à différents moments de la journée ou à différents jours de la semaine afin de vérifier toute variation dans les flux de circulation ou les conditions d'éclairage/visibilité. Par exemple, si un grand nombre d'accidents de nuit ont eu lieu, les inspections de nuit sont essentielles.

Divers types de problèmes peuvent être détectés lors de la familiarisation avec le site :

  • caractéristiques dangereuses de la route ou de l'accotement (distance de visibilité restreinte, signalisation inadéquate, conditions dangereuses sur l'accotement, etc.) ;
  • conditions de circulation dangereuses (conflits de circulation graves, différences de vitesse importantes, retards excessifs, etc.) ;
  • comportements à risque (non-respect des règles de circulation, vitesses excessives, conduite en collant, etc.) ;
  • violations des attentes ou exigences de conduite inappropriées (zone de transition inadéquate, intersection à plusieurs branches, etc.) ;
  • problème évident de cohérence (stand commercial sur l'accotement de l'autoroute, circulation non locale dans une rue résidentielle, etc.) ;
  • entretien insuffisant (marquages effacés, panneaux de signalisation usés, végétation, etc.).
FIGURE 10.16 : EXEMPLE – PROBLÈMES ÉVIDENTS À DÉTECTER LORS DE LA FAMILIARISATION AVEC LE SITE

 

OBSERVATIONS DÉTAILLÉS

À ce stade, l’analyste :

  1. Fait des observations liées aux problèmes qui ont été identifiés lors des étapes précédentes du diagnostic, c'est-à-dire :
    • vérifie si les problèmes identifiés par le passé sur ce site ont été traités avec succès ;
    • termine la détermination des facteurs contributifs possibles aux accidents et des solutions potentielles ;
    • analyse les problèmes qui ont été détectés lors de la familiarisation avec le site.
  2. Vérifie si les problèmes fréquemment rencontrés sur des sites similaires se retrouvent également sur ce site.
  3. Observe les conditions de circulation. Des retards excessifs et des temps de trajet longs peuvent provoquer de la frustration chez les usagers de la route, ce qui peut entraîner des comportements à risque, tels que l’acceptation d’écarts plus petits pour dépasser, le fait de suivre de trop près ou des manœuvres de dépassement illégales. Si ces problèmes sont observés ou suspectés, une analyse plus détaillée des conditions de circulation devrait être effectuée. L'analyste doit également s'assurer qu'aucune catégorie d'usager de la route n'a un niveau de risque inacceptable. Les problèmes fréquents incluent :
    • manœuvres de virage à gauche dangereuses sur des routes à grande vitesse (protection insuffisante) ;
    • différences de vitesses importantes (entre les usagers de la route au même endroit ou pour un même usager de la route entre deux sections) ;
    • différences de masses importantes (mélanges inappropriés d'usagers de la route partageant la même route) ;
    • conflits de circulation graves ;
    • empiétements (par exemple, lors de manœuvres de virage de poids lourds à une intersection) ;
    • prise en compte insuffisante des besoins spécifiques de certaines catégories d'usagers de la route (par exemple, signaux sonores pour les passages piétons destinés aux personnes malvoyantes, temps de traversée plus longues pour les personnes âgées, etc.).
  4. Effectue des observations détaillées des caractéristiques de l’environnement routier (aménagement des terres, vitesse, profil en long et tracé en plan, distance de visibilité, profil en travers, état de la chaussée, signalisation verticale et horizontale, conditions en bord de route, accès et traversées, éclairage routier, caractéristiques des intersections, etc.). L’analyste doit vérifier que chacun de ces éléments est conforme aux normes ou pratiques en vigueur, et évaluer le niveau de risque associé en cas d’écarts constatés.
  5. Évalue la charge de travail du conducteur ainsi que les violations des attentes. Si nécessaire, il faudra réaliser une analyse plus approfondie de la tâche de conduite.
  6. Vérifie si les problèmes de sécurité routière peuvent être liés à des comportements inappropriés des usagers de la route, et détermine si ces comportements pourraient être efficacement prévenus par des modifications de certains aménagements routiers. Lorsque le problème serait mieux résolu par d'autres types d'actions (par exemple, l'éducation ou le contrôle), il convient de prendre contact avec les organismes compétents afin de s'assurer qu'ils soient pleinement informés de la situation.
  7. Vérifie si les problèmes de sécurité peuvent être liés à un entretien inadéquat. Parmi les défaillances fréquemment observées figurent : la signalisation dégradée, le marquage au sol effacé, la végétation envahissante, la chaussée détériorée, les dispositifs de sécurité endommagés (par exemple, les glissières de sécurité), ainsi que l’éclairage routier ou les feux de signalisation qui ne fonctionnent pas.

Afin de garantir une analyse complète, la majeure partie du travail mentionné ci-dessus sera effectuée à pied, ce qui permettra également une documentation photographique et écrite détaillée de l’ensemble des observations et constats réalisés lors de l’inspection.

CONCLUSIONS

Avant de résumer l’analyse dans un rapport, il convient d’évaluer si des informations supplémentaires sont nécessaires. Par exemple, si l’analyse des accidents et/ou les inspections du site suggèrent la présence de problèmes liés au dérapage, des essais de résistance au glissement peuvent être envisagés.

Un rapport résumé devrait être préparé de manière à informer clairement ses lecteurs sur les conclusions tirées de l’analyse. Ceci constituera la base sur laquelle les traitements seront considérés et sélectionnés. Il devrait inclure une description du site ou de la zone, les résultats de l’analyse des données (par exemple, diagrammes d’accidents), des observations sur les inspections du site y compris les possibles facteurs contribuant aux accidents, des commentaires sur tout facteur commun identifié comme contributif aux accidents, et les possibles mesures correctrices (voir la Section 11.3 - Options d'intervention et de sélection).

FIGURE 10.17 : EXEMPLE D’AMÉLIORATION À FAIBLE COÛT SUR L’AUTOROUTE A4 EN POLOGNE

 

À titre d'exemple de diagnostic, des conducteurs circulant à contresens (ou « fantômes ») ont été occasionnellement identifiés sur les autoroutes et voies rapides. L'autorité routière a reconnu que la conception des routes devait limiter la possibilité de circuler à contresens sur celles où les directions opposées sont physiquement séparées. Certaines des solutions techniques mises en place il y a longtemps ne sont plus recommandées, mais elles existent toujours et fonctionnent bien lorsqu'elles sont correctement équipées de panneaux de signalisation et de marquages. Des conducteurs « fantômes » ont également été identifiés sur les nouvelles routes. Après des inspections spéciales menées par des spécialistes du trafic routier et la police, des panneaux supplémentaires ont été installés pour minimiser le potentiel de circulation accidentelle à contresens. Les solutions ont été adaptées et mises en place sur d'autres routes nouvelles et existantes, comme illustré sur la photo ci-dessus. Ces actions ont éliminé la nécessité d’entreprendre des travaux de reconstruction. Cette solution est utilisée pour les nouveaux investissements avec des coûts supplémentaires pratiquement nuls.