5.4 DONNÉES NON LIÉES AUX ACCIDENTS ET SYSTÈMES D’ENREGISTREMENT

Les données sur les accidents sont généralement considérées comme une source d'information essentielle pour l'évaluation et le traitement des risques. Cependant, dans certains pays, en particulier les PRFI, les données sur les accidents peuvent ne pas être fiables ou ne pas être du tout disponibles. D'autres enquêtes et sources de données différentes des données sur les accidents peuvent constituer la seule source fiable de données sur la sécurité disponibles. Comme indiqué dans la section Identification des données requises, ces informations supplémentaires (indicateurs de performance de sécurité) sont également importantes dans la gestion de la sécurité routière. Elles permettent d'évaluer différentes politiques, programmes et projets afin d'identifier leur effet sur les résultats en matière de sécurité routière. Cela se fait par la collecte et l'évaluation de détails sur les interventions mises en œuvre et les résultats intermédiaires.

Il existe de nombreuses autres sources de données, y compris des informations sur la conception et les caractéristiques des routes, des données sur la circulation, sur les enquêtes et sur l'exposition.

SOURCES D'INFORMATION SUPPLÉMENTAIRES

INVENTAIRE ROUTIER

Les données d'inventaire routier constituent une source d'information majeure qui peut aider à évaluer la sécurité. L'impact des différents éléments routiers étant bien connu, différents éléments ou combinaisons d'eux peuvent fournir des informations vitales sur les problèmes liés aux accidents, y compris les principaux types d'accidents contribuant aux blessures mortelles et graves (voir le Chapitre 4 - Approche du Système Sûr). Les données suivantes sont particulièrement utiles :

  • Catégorie de route. Par exemple, autoroute, artère, route locale.
  • Largeur et type de route. À chaussées séparées (plus largeur et type de terre-plein central) ou à chaussées non séparées.
  • Utilisation des terrains adjacents. Par exemple, usage résidentiel ou commercial.
  • Numéro et largeur des voies. Dans chaque direction.
  • Type d'intersection ou de croisement. Intersection en croix ou en T, rond-point, voie ferrée ou autre.
  • Dispositifs de contrôle de la circulation. Feux de signalisation, panneaux d'arrêt, panneaux de cédez le passage.
  • Alignement de la route. Horizontal et vertical.
  • Éclairage public.
  • Revêtement de la route. Type (asphalte, béton, en brique, non pavé) et condition (rugosité, nids-de-poule, résistance au dérapage).
  • Bandes d'arrêt d'urgence. Largeur, type (pavée, non pavée).
  • Limite de vitesse.
  • Drainage (drainage de surface, système d'eaux usées).
  • Type d'éclairage de la route, emplacement (au-dessus de la chaussée, sur un ou les deux côtés de la route).
  • Dangers sur le bord de la route, y compris la distance par rapport au danger et le type.
  • Infrastructures pour piétons. Présence de trottoir, de passage piéton et type.

Il s'agit d'une liste basique des types d'éléments routiers importants, mais de nombreux autres facteurs peuvent exercer une influence sur les résultats en matière de sécurité. Le Programme international d'évaluation des routes (International Road Assessment Programme, iRAP) collecte environ 70 attributs (voir la méthodologie iRAP, pour plus de détails sur ces attributs ; la Section 10.4 - Identification proactive, pour plus d'informations sur l'iRAP ; et l'Encadré pour des exemples de collecte de données réalisée au Mexique). Aux États-Unis, le Modèle d’inventaire des éléments routiers (Model Inventory of Road Elements, MIRE) fournit une liste de 202 éléments qui peuvent être nécessaires pour prendre des décisions en matière de sécurité routière.

Les caractéristiques des routes doivent être localisées dans l'espace (idéalement par le biais d'un système basé sur le SIG) pour permettre une analyse et une mise en relation efficaces.

Les données d'inventaire routier pertinentes pour la sécurité routière peuvent déjà exister (par exemple, grâce aux systèmes de bases de données sur les actifs routiers) ou il peut être nécessaire de les collecter. Une évaluation de la situation doit être effectuée pour voir si ces données existent (voir la section 5.3 - Établissement et maintenance des systèmes de données sur les accidents). Les données d'inventaire routier ont traditionnellement été utilisées pour les audits ou les inspections de sécurité routière (voir le Chapitre 10 - Évaluation des risques potentiels et identification des problèmes). Cependant des méthodes ont été récemment développées pour quantifier les résultats probables en matière de sécurité sur la base de ces éléments. L'étude de cas ci-dessous montre les efforts entrepris par le Mexique pour collecter des données sur 46 000 km de ses autoroutes fédérales.

ÉTUDE DE CAS - Mexique : Collecte de données sur la sécurité routière

Au niveau national, le Mexique compte environ 18 000 décédés par an dans des accidents de la route, avec une croissance annuelle moyenne de 1,9 %. Parmi ces décès, 25 % se produisent sur le réseau routier fédéral, qui constitue l'épine dorsale du système routier et du transport national. Le Mexique a lancé un projet préventif visant à évaluer 46 000 km de routes fédérales lors d'une première étape en 2012, et 19 000 km de routes secondaires lors d'une seconde étape en 2013. Le projet, dans chacune de ses deux étapes, a permis de générer une note de sécurité pour chaque type d'usager de la route et le plan d'investissement sur 20 ans pour des routes plus sûres. Pour en savoir plus

La collecte de ces données peut se faire de manière ponctuelle (par exemple, par le biais d'inspections périodiques, de plaintes du public, etc.), mais devrait idéalement s'inscrire dans le cadre d'un programme complet mené régulièrement. L'approche la plus commune consiste à collecter des données à partir d'images vidéo, puis à les classer ou les coder par des experts qualifiés. Ces informations sont ensuite intégrées dans une base de données ou un registre des actifs (voir Encadré 5.3).

 

ENCADRÉ 5.3 : COLLECTE ET CLASSIFICATION DES DONNÉES DE SÉCURITÉ À L'AIDE D'IMAGES VIDÉO

Bien que la collecte de données d'inventaire routier soit très utile, elle doit être effectuée en minimisant les coûts (c'est-à-dire qu'elle doit être rapide), en étant précise et en toute sécurité. Plusieurs méthodes de collecte de données sont disponibles. Dans la technique la plus élémentaire, les données peuvent être enregistrées sur des formulaires de collecte de données tout en circulant sur la route concernée. Cette approche ne peut être réellement utilisée que sur des distances relativement courtes, et il peut être difficile de collecter toutes les variables routières pertinentes lorsque l'on circule à une vitesse de circulation normale.

Pour une collecte de données plus complète, celle-ci peut être assistée par ordinateur à l'aide d'une tablette ou d'un ordinateur portable, ou les informations peuvent être recueillies par vidéo et encodées en toute sécurité au bureau. Avec une tablette, les informations sont ajoutées à une base de données tout en se déplaçant sur la route d'intérêt. La technologie de l'écran tactile est généralement utilisée pour sélectionner les variables routières pertinentes. Différents symboles peuvent être affichés à l'écran pour faciliter la saisie rapide des données. Comme mentionné précédemment, il est souvent difficile de saisir toutes les variables pertinentes lorsque l'on se déplace à grande vitesse ou dans des environnements très fréquentés. C'est pourquoi la vidéo est souvent enregistrée pour faciliter la saisie et la vérification ultérieures des données.

Une autre option consiste à évaluer les données vidéo sur un ordinateur de bureau. Une ou plusieurs caméras vidéo peuvent être utilisées pour collecter des données tout au long du réseau concerné. Une seule caméra peut être utilisée pour recueillir des informations en direction de l'avant. Il est également possible d'utiliser plusieurs caméras pour mieux collecter les informations sur la route et le bord de la route. Ces images vidéo sont ensuite utilisées pour coder les variables d'intérêt. Les images vidéo peuvent être calibrées pour permettre une mesure plus précise de la collecte d'informations (comme la largeur de la route ou la distance par rapport aux dangers en bord de route) et pour garantir une localisation spatiale précise des actifs.

Les images vidéo sont évaluées et peuvent être mises en pause pour étudier des environnements plus complexes. Les informations provenant des images sont ajoutées à une base de données pour une analyse ultérieure. Cette saisie de données peut se faire par le biais d'un système de menu déroulant ou par le remplissage manuel d'une base de données. Les données sont généralement collectées pour une longueur de route donnée (par exemple, une section de 10 m).

FIGURE 5.4 : REMPLIR UNE BASE DE DONNÉES AVEC DES DONNÉES D’INVENTAIRE ROUTIER

De nouvelles technologies sont en cours de développement pour faciliter la collecte automatisée de données sur les routes et leurs bords. Par exemple, il est possible de collecter des informations sur des caractéristiques telles que la largeur de la route, l'alignement horizontal et vertical et l'état de la surface à l'aide de la technologie LiDAR (Light Detection and Ranging, Détection optique et télémétrie) et d'autres senseurs installés sur les véhicules.

DONNÉES SUR LE TRAFIC

Il est important de collecter et d'analyser les données sur le trafic, en particulier les volumes du trafic (ou le trafic moyen journalier annuel, TMJA). Ces données peuvent être utilisées pour générer des taux d'accidents, qui fournissent une bonne indication des performances en matière de sécurité, y compris celles concernant des itinéraires spécifiques, des types de routes ou même des éléments d'infrastructure. D'autres types de données sur le trafic comprennent le trafic mixte (par exemple, le pourcentage des différents types de véhicules, les motocyclistes, les cyclistes et les piétons) et les vitesses des véhicules (vitesses moyennes et du 85e centile, respect des limitations de vitesse). Les données sur le trafic peuvent être collectées à l'aide de comptages manuels ou par des moyens automatisés (voir : Étude technique sur le comptage du trafic ).

AUTRES DONNÉES SUR L’EXPOSITION

Outre les données sur le trafic, les données sur l'exposition peuvent également provenir de données démographiques (nombre total de personnes, nombre par tranche d'âge) pour une région ou un pays. Ces données sont généralement disponibles dans les recensements nationaux. Les données relatives à l'immatriculation des véhicules sont également souvent collectées et utilisées.

DONNÉES DU SONDAGE D'ATTITUDE

Les sondages d'attitude collectent des informations sur les opinions des conducteurs, des autres usagers de la route et des résidents. Ces informations sont considérées comme une source importante de retour d'information pour évaluer l'efficacité d'un nouveau programme ou traitement et peuvent fournir un aperçu du comportement des conducteurs (par exemple, faibles niveaux de respect de la limite de vitesse affichée).

DONNÉES SUR L'APPLICATION

Les informations sur le nombre de contrôles de police (par exemple, pour la vitesse, l'alcool, l'utilisation de la ceinture de sécurité) ; le nombre d'infractions (par exemple, le nombre de véhicules en excès de vitesse, de motocyclistes sans casque) ; et le nombre de conducteurs sanctionnés (par exemple, amendés, condamnés à une amende ou emprisonnés) sont toutes des mesures utiles. Elles permettront d'évaluer l'impact des nouvelles politiques ou actions sur les résultats en matière de sécurité.

Outre les sources de données mentionnées ci-dessus, d'autres informations utiles peuvent être recueillies auprès des sources suivantes, si elles sont disponibles :

  • Dossiers hospitaliers. Une source d'information supplémentaire sur les accidents, autre que les dossiers de police, qui fournit des informations plus détaillées sur les blessures subies, la durée du séjour à l'hôpital, etc. (voir la Section 5.3 - Établissement et maintenance des systèmes de données sur les accidents, pour plus de détails).
  • Dossiers de maintenance et d'exploitation. Informations sur le type et le calendrier des travaux de maintenance ou d'exploitation.
  • Données sur les dépenses. Informations relatives aux dépenses consacrées aux initiatives de sécurité.
  • Dossiers d'historique des projets. Informations relatives aux travaux correctifs majeurs antérieurs, y compris les améliorations des infrastructures de sécurité.
  • Données des compagnies d'assurance. Historique des accidents du conducteur et de la voiture.
  • Bulletins météo.
  • Données sur les véhicules, y compris les informations issues des contrôles techniques périodiques.

D’autres types de données de conformité sont abordés dans la section suivante.

MÉTHODES D'ENQUÊTE SUPPLÉMENTAIRES

Souvent, les données relatives au trafic et au comportement des conducteurs ne sont pas facilement accessibles. Il n'existe pas une liste fixe de données supplémentaires qui doivent être collectées et, compte tenu du coût inhérent à tout type de collecte de données, cette tâche doit être soigneusement réfléchie, qu'elle soit menée au niveau national ou pour des endroits spécifiques. Les données supplémentaires doivent être collectées lorsque cela est nécessaire, et la collecte de ces données doit être rentable.

La section suivante fournit une brève description de certaines enquêtes de données les plus courantes, ainsi que des différentes méthodes pouvant être utilisées. Des références à des documents utiles sont également fournies.

LA MESURE DE LA VITESSE ET DU TRAFIC

Une enquête ponctuelle de la vitesse consiste à recueillir un échantillon de vitesses à un endroit précis de la route ou à plusieurs. Ces données peuvent ensuite être utilisées pour déterminer la distribution des vitesses des véhicules, ce qui est utile pour les raisons suivantes :

  • Déterminer la vitesse des véhicules (par exemple, la vitesse moyenne et celle du 85e centile) sur la route sélectionnée.
  • Vérifier la proportion de véhicules qui dépassent la limite de vitesse.
  • Évaluer la contribution probable de la vitesse des véhicules aux accidents.
  • Vérifier les différences de vitesse entre les divers usagers de la route.
  • Suivre ces vitesses pour des raisons de contrôle.
  • Évaluer l'efficacité d'un nouveau traitement installé pour réduire la vitesse.

La vitesse des véhicules peut être mesurée à l'aide de méthodes manuelles (radars ou pistolets laser, chronomètre) ou automatiques (nœuds inductifs ou tuyaux pneumatiques). Les méthodes automatiques sont plus adaptées aux études qui nécessitent un échantillon plus important. Les nœuds inductifs et les tuyaux pneumatiques peuvent également enregistrer d'autres données que les vitesses moyennes, telles que les volumes de trafic, les mouvements de virage des véhicules et la mixité du trafic. Ces éléments sont essentiels pour comprendre les problèmes de sécurité qui existent à un endroit donné. Le Manuel de vitesse GRSP (GRSP Speed Manual) (GRSP & IFRC, 2023) et le Gouvernement britannique (Department for Transport, 2006) fournissent des guides détaillés sur les méthodes de mesure de la vitesse et du volume, et sur la gestion des problèmes de sécurité liés à la vitesse. Voir l'étude de cas sur la collecte de données sur la vitesse en Inde.

ÉTUDE DE CAS – Inde : Collecte de données sur la vitesse

Des données sur la vitesse des véhicules étaient nécessaires pour une étude menée dans quatre états de l'Inde. Des données sur la vitesse de circulation, le volume de trafic et les accidents sur quatre sites d'échantillonnage ont été sélectionnées sur les axes routiers qui faisaient partie du projet 2011 Quatre États (2011 Four States), en Inde. L'équipe de recherche a mené des études sur la vitesse et le volume de circulation afin de déterminer la vitesse du 85e centile et la densité de trafic sur les axes en fonction du type de véhicule. Pour en savoir plus

LA MESURE DE L'UTILISATION DES CEINTURES DE SÉCURITÉ ET DES CASQUES

L'OMS a publié deux manuels distincts, l'un consacré aux ceintures de sécurité et aux dispositifs de retenue pour enfants (FIA, 2009), et l'autre aux casques (WHO, 2023). Chacun de ces manuels fournit des informations sur la manière d'évaluer l'ampleur de la conduite sans ceinture de sécurité et sans casque dans une région donnée, ainsi que sur la manière de concevoir, de mettre en œuvre et d'évaluer un programme visant à résoudre ces problèmes. En ce qui concerne la mesure de l'utilisation de la ceinture de sécurité et du casque, les guides énumèrent les sources possibles de ces informations, ainsi que la manière de collecter les données en menant des enquêtes communautaires et des études d'observation.

LA MESURE DES NIVEAUX DE CONDUITE EN ÉTAT D'IVRESSE

Tout comme pour mesurer l'utilisation du casque et de la ceinture de sécurité, le GRSP a élaboré un manuel de sécurité routière sur la conduite en état d'ivresse (GRSP/IFRC, 2022). Celui-ci fournit des informations sur la manière d'évaluer la situation et de choisir les actions prioritaires, ainsi que sur la manière de concevoir, de mettre en œuvre et d'évaluer un programme de lutte contre l'alcool au volant.

Le guide suggère de collecter des données auprès des autorités compétentes, telles que la police, les autorités routières et les secteurs de la santé, afin de comprendre l'ampleur du problème. Les données sur le niveau de respect des lois existantes peuvent être collectées en combinant les données sur les accidents (c'est-à-dire les accidents impliquant des conducteurs et des passagers dont le taux d’alcool dépasse la limite légale), le nombre d'infractions liées à l'alcool détectées par la police, le pourcentage de conducteurs arrêtés avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite légale, et en réalisant des enquêtes auprès des conducteurs.

Il existe une variété d'autres résultats intermédiaires qui pourraient être mesurés, en fonction des interventions mises en œuvre.

SYSTÈMES D'ENREGISTREMENT DE DONNÉES

En ce qui concerne les données d'accidents, il est important que les données d'enquête soient enregistrées de manière facilement analysable. Il est également avantageux de développer le système afin que les données puissent être reliées à d'autres sources de données. Cela est particulièrement important pour les enquêtes qui couvrent une vaste zone géographique (telles que les données sur le volume de trafic, les actifs ou la population). De tels systèmes peuvent déjà exister pour ces données. Une méthode courante consiste à relier les données par emplacement à l'aide d'un système d'information géographique (SIG). Ces systèmes peuvent généralement stocker des informations géographiquement corrélées en vue d'une analyse ultérieure. Différents types de données peuvent être ajoutés à ces systèmes sous forme de « couche », ce qui permet une évaluation plus précise des risques (voir la Section 5.6 - Analyse et utilisation des données pour améliorer la sécurité ).